Vues : 88
INITIATION ET SILENCE
Celui qui a pris connaissance de ses fautes garde sa langue ; mais le bavard ne connaît pas encore comment il le devrait.
On ne peut traiter le silence sans évoquer le bavardage. Aussi, les maitres de l’occident médiéval enseignaient ils, tel jean climaque dans l’échelle sainte : Le bavardage est la chaire sur laquelle la vaine gloire aime à se faire voir avec ostentation. C’est la marque de l’ignorance, la porte de la medisance,l’introducteur de la bouffonnerie ,le serviteur du mensonge ,la ruine de la componction (ce remords perpétuel de la conscience),l’artisan et l’huissier de l’acédie (ce relâchement de l’âme),le précurseur du sommeil ; la dissipation du recueillement ,l’anéantissement de la vigilance ,le refroidissement de la ferveur .
Si la parole est toujours la manifestation des excès ou débordements typiquement mentaux ou passionnels, le silence prédisposant à la paix , met celui qui s’y adonne à l’abri des épreuves des oppositions ou contradictions des jugements ou critiques hâtives tout en évitant les fautes dites involontaires dont la pratique vicieuse finit par corrompre et rendre malfaisant .Souvent associé à une ascése,le silence s’enrichit d’une signification sacrificielle. En effet, tant que l’homme éprouve le besoin de parler, l’obligation du silence s’imposera à lui comme une impossibilité de répondre à la tentation de se valoriser au détriment d’autrui.
Face au bavardage incessant, face au chaos étourdissant du bruit, le seul contrepoison réside dans la suspension de la parole ou plus exactement du verbiage .L’homme ordinaire ne brise le silence que parce qu’une absence de bruit le déconcerte, le met face à lui-même, lui faisant éprouver une telle vacuité ou sensation du néant de sa vie, que cela perturbe son inconscient en générant une peur profonde. Pour se rassurer, pour tenter de la fuir, il cherche l’approbation et la reconnaissance d’autrui, ayant soif de cette vaine gloire, ultime vanité d’entre toutes les vanités, en s’agitant inutilement. Au lieu de pérorer ou de privilégier un ego démesuré, l’homme expansif, ou nerveux, ou sanguin, devrait sentir que non seulement le silence rend aux mots leur sens signifiant, qu’une mauvaise utilisation ou compréhension leur faire perdre, mais surtout qu’il possède une fonction équilibrante agissant sur le mental comme sur le corps en provoquant une détente nerveuse, psychique et physique. Ce relâchement absolue s’avère indispensable pour qui cherche sa voie car c’est dans le silence que s’opèrent le retrait du monde , la méditation, la descente en soi et la régénération énergétique.
Si l’entrée dans le silence reste fondamentale, elle s’accompagne d’une nécessité concomitante, celle de l’apprentissage de la technique respiratoire et l’appréhension de l’enseignement qui en découle. En effet, la pratique régulière de la respiration consciente procure un effet salutaire, relaxant. En détendant le mental, en annihilant l’agitation désordonnée qui y règne sous effet du stress de l’envahissement professionnel ou des perturbations ; la respiration modifie, en les régulant, les pulsions instinctives. De plus, chacun de nos expirs intervient comme une manifestation anticipée de l’exhalaison du dernier souffle, alors que chacun de nos inspirs fait entrer l’air de la vie relative et absolue, celui du corps comme celui de l’univers, faisant correspondre le cosmos et l’homme. Respirer parfaitement, c’est se fondre dans le rythme du monde en favorisant l’interpénétration des polarités microcosmiques et macrocosmiques et en reproduisant en soi le mouvement d’évolution et involution qui rythme l’univers.
²Celui qui sait ne parle pas, et celui qui parle ne sait pas²
Le silence véritable n’a rien à voir avec la timidité, le refoulement des émotions ou une éventuelle absence de spontaneité. Véritable et volontaire, il est concentration et distillation des différentes énergies tout en prédisposant à la paix de l’esprit, préambule indispensable du retour à la vacuité ,ce qui faisait dire à RAMANA Maharshi :Le silence est éloquence ininterrompue .C’est l’émission vocale qui fait obstacle à l’autre voix….’’.Celui qui avance dans la spiritualité sait que tant que l’on fait usage de la parole ,on ne peut décrire les expérience vécues ni la connaissance acquise tant les mots restent insuffisants pour transcrire l’absoluité des révélations. C’est l’une des raisons fondamentales pour laquelle la complicité des perceptions divines ne peut s’appréhender que par le moyen des symboles ou images qui interviennent dans une parfaite unité comme des niveaux de perception ou seuils successifs conduisant à la connaissance de l’être ontologique, les mots ne servant plus dès lors qu’à relier les symboles entre eux .
Ainsi toute entrée dans une fraternité initiatique se concrétise t elle fort justement par l’assujettissement au silence le plus absolu comme par la nécessité de travailler sur les symboles, emblèmes et allégories, seuls vecteurs d’accès à la puissance de Dieu .Le fait de ne pas parler aide a comprendre que l’on ne peut plus laisser libre cours aux passions, ce qui doit se traduire par un refus volontaire d’exprimer tout avis ou jugement à l’égard de ses frères ouvriers cherchants car chacun est une lumière à l’état de veille, plus ou moins déformée de celui qui est à l’origine de toute vie. Cette entrée dans le mutisme va se traduire tout naturellement par l’exercice de la fraternité la plus accomplie, la plus chaleureuse, non par des démonstrations affectives, bruyantes et ostentations qui s’évanouissent à la moindre difficulté, mais par un soutient discret , une compassion vis-à-vis de ses semblables ouvriers sur le chantier de la vie qui dépassent le cadre de la simple humanité.IL se produit même parfois que ces Frères du silence en arrivent à ressentir de la douleur à la seule vue des débordements qui se produisent sous leurs yeux ou de l’injustice exercée à l’encontre d’un homme de bien qui ne la mérite pas .ILS ne le savent pas mais cette souffrance ressentie intervient comme la manifestation d’une qualification particulière car l’attribution du don de l’affliction est le plus grand cadeau que puisse recevoir un cherchant .En effet ,si l’eau du baptême est une eau dispensatrice de vie ,l’affliction est l’eau régénératrice et salvatrice de la miséricorde et du pardon .Tous les chercheurs du silence n’obtiennent pas cette grâce mais tous peuvent par la méditation et la contemplation recevoir la lumière dans un apaisement de l’âme et du cœur.
I-ENTRER DANS LE SILENCE
Lorsque l’on renonce à parler, lorsque l’on n’entend plus les bruits discordants de la vie matérielle, lorsque l’on fait le vide en soi, le mental continue son activité certes mais il s’apaise lui aussi et devient moins désordonnée .le silence diminue les désordres provoqués par les besoins ou pulsions instinctives en les régulant. Laisser la pensée s’appesantir sur les objets des sens est un gaspillage d’énergie ;dans ce cas si l’on ne garde pas le silence, le mental trouve un exutoire dans la parole….Mais lorsque le mental est tourné vers l’intérieur, non seulement la santé ne peut pas en être affectée mais encore si l’on fixe sa pensée sur Dieu tous les nœuds dont est composé l’ego sont démêles et ainsi ce qui doit être réalisé est réalisé.
Entrer dans le silence n’est guère aisé d’autant que le parler si naturel entre les hommes demeure nécessaire aux divers actes de la vie courante .Aussi se sent-on naturellement porté à parler, mais en faisant l’ effort sur soi on parvient à se taire :c’est le regard qui alors prend le relais en saisissant avec vivacité tout ce qui bouge autour de soi. Cette phase liminaire reste essentielle car elle prédispose à l’examen ,à la découverte, à l’observation analytique de tout ce qui se produit dans le sanctum au travail ,puis fait entrer dans le rythme particulier de la rituélie opérante .Ainsi progressivement en arrive-t-on à perdre cette pulsion du verbiage on n’éprouve plus ni désir ni absence de cette envie de parler .Ce n’est pas de l’indifférence voire du désintérêt ; cela résulte de l’atteinte d’une phase d’équilibre ou de neutralité ; on se sent si bien que l’on a perdu toute notion du temps souhaitant se maintenir dans cet état .parfois on oublie même ce qui se passe autour de soi tant on n’entend plus rien, on est quelque part ailleurs entre deux mondes au cœur du soi ou de l’univers ,comme happé par cette verticalité qui nous indique la hauteur et le chemin du ciel .L’ego a disparu par le moyen du silence vrai qui constitue une étape ,celle qui doit conduire à la méditation dirigée puis la contemplation de celui qui est à la base de tout ,qui est tout, le principe unique et absolu de toute chose ,l’Eternel ,l’Etre des êtres …Mais cette transformation du mental va se trouver prolongée dans le vécu quotient et notre intellect en se ‘’purifiant va progressivement modifier notre tempérament ,nos relations avec les autres. En effet, chaque fois que nous nous apprêtons à entreprendre quelque chose une question surgira dans notre moi supérieur, la réponse intérieure,provenent de la conscience éveillée, corrigera nos propos ou notre attitude .Ce questionnement dans le silence intérieur est bien connu des MAITRES SPIRITUELS, des initiés ;il porte sur les points suivants:
– pourquoi suis-je troublé par cela ?
– pourquoi suis-je tourmenté par cela ?
– pourquoi suis-je perplexe ou hésitant a ce sujet ?
– pourquoi cela m’affecte-t-il émotionnellement (angoisse, peur, pleure, colère, etc) ?
Pourquoi je veux-faire cela, quelle est la raison de ce désir ?
EN ai-je vraiment le besoin fondamental ?
QU’en restera-t-il après et avec quelles conséquences ?
CET EXERCICE, qui s’opère dans l’inconscient, entraine des modifications bénéfiques attirant une protection supérieure. AINSI, dès que se produira un incident fâcheux, discordant, il ne vous atteint plus. Le choc, qui vous aurait ébranlé ou meurtri autrefois, va se trouver aujourd’hui annihilé par la sagesse qui s’exerce dans votre conscience supérieure et qui désormais corrige, en les éliminant, les impressions pénibles comme désordres ressentis devant les évènements .Cet état va engendré une paix nouvelle, un équilibre qui va avoir leur prolongement dans le corps physique, pouvant là aussi réguler ce qui est de la pertubation (stress, troubles, maladie) par cette force vitale du moi supérieur enfin éveillé et qui va circuler, se répandre dans tout le corps. N’oublions jamais que la vie reste le produit d’une énergie qui nous dépasse et nous sera reprise un jour mais nous pouvons par notre travail spirituel, par l’entrée dans la voie du silence, par l’éveil de sa conscience supérieure(moi supérieur) provoquer à son tour l’éveil de l’intelligence, du cœur et retrouver la réalité et la présence agissante de cette énergie principielle bienfaisante et opérante.
Peut –on accélérer ce processus ?oui en se posant ces questions consciemment afin de juguler son mental de façon permanente et provoquer une accélération de l’ébranlement de la conscience du moi. L’entrée dans la voie spirituelle passe par les divers pouvoirs du silence se rapportant à différents états d’être, conduisant le cherchant vers la quiétude, la paix du corps de chair, la paix du mental, la paix de l’âme ;
1 .
PORTE 13
Que recouvre la ‘’loi du silence’’ ?
. La loi du silence relève d’une néccessité initiatique autrement plus importante que cette simple conformité à un engagement comportemental d’ordre matériel.
la connaissance initiatique ne se donne pas. Ne relevant ni de l’intellect ni du mental, elle ne passe pas par les mots o les gestes mais se reçoit intuitivement dans le silence de l’être lorsque le corps et l’âme sont apaisés, équilibrés, éveillés. La vérité n’est pas située dans les paroles dont nous entourons nos concepts et nos idées, elle réside dans l’essence des choses et des êtres. Le silence seul peut nous permettre d’entendre la voix subtile des essences. La vérité fondamentale s’altère par l’expression, dès qu’on la revêt d’une forme, son auguste nudité ne se transmet pas sous peine de se trouver dénaturée, les meilleures intentions du monde n’y peuvent rien, mais la fidélité nous indique par lequel moyen le travail provoquera les métamorphoses et des accès a la connaissance si l’on ne dévie ni ne faiblit pas, et si l’on sait comprendre que les symboles demeureront silencieux tant que l’on n’aura pas perçu leur sens signifiant, leur fécondité agissante, leur réalité propre ; c’est l’une des raisons pour laquelle ils nous enrichissent de façon permanente si l’on se livre continuellement et harmonieusement à une exégèse évolutive. Les symboles et cérémonies initiatiques cachent la vérité plutôt qu’ils ne la dévoilent, ou tout au moins ils se bornent à y faire allusion…
La loi du silence se rapporte donc au secret par nature et n’a rien à voir avec le secret de convention déterminé par les termes de l’engagement qui se rapprochent à la discrétion la plus totale.
Celui qui sait ne parle pas dit le Tao Te King ;le secret découle naturellement de la progression dans l’initiation. Revéler quoi que ce soit peut d’ailleurs devenir dangereux pour soi, à divers égards, et l’on peut se trouver exposé à ne plus rien recevoir, à ne plus progresser, si l’on s’est orienté soi même dans la voie de l’impasse. Rien n’est facile, tout se complique tellement si l’on se trompe de méthode, donc de chemin, qu’il y a qu’une seule voie empruntable :celle de la raison qui conseille de s’en remetre à la sagesse des maîtres et de s’oublier à soi : voilà une justification sérieuse prédisposant à l’entrée dans le silence. Celui qui parle, ne sait pas, méfiez vous donc de ceux qui parlent ;