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Le triomphe de la vérité

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Edito: Patriotisme en lambeaux


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Les révoltés du Bénin rêvent d’un printemps béninois à la manière de la révolution burkinabè. Souscrire à ce radicalisme, nous oblige à nous regarder dans les yeux : le Béninois est-il capable de se mettre debout pour défendre une cause ?
La question ainsi posée aurait pu passer pour une injure dans les années 90. En ces années-là, la rue venait fraichement de mettre fin à 18 ans de pouvoir militaire. Le peuple du Bénin avait exigé et obtenu une démocratie dont il était particulièrement jaloux. Il est vrai que la faim, la misère et les salaires non payés ont pu entraîner une révolte normale en ces moments de disette. Très tôt cependant, les valeurs se sont perdues. Le patriotisme a fondu sous le soleil de la démocratie retrouvée et de ses tares. Le peuple a poussé ses leaders à la débauche.
Le jeudi noir   qui a emporté Blaise Compaoré le 31 octobre 2014 est le fait d’un peuple debout. Elle n’est pas advenue dans un pays où 90% des gens sont prêts à aller marcher pour remercier le chef de l’Etat, moyennant quelques cacahuètes. Elle n’est pas advenue là où députés et cadres distribuent dans les écoles et les ménages casseroles, bassines, cahiers, tables et bancs à l’effigie des politiques. Elle n’a pas eu lieu dans un pays où les députés votent les lois parce qu’ils ont été activement et ouvertement soudoyés. C’est une révolution authentique faite par un peuple viscéralement remonté contre la pourriture qui s’est instaurée au cœur du pouvoir.
Ici, il est plus facile de mobiliser les foules autour de l’argent qu’autour de leur patrie. Hier dimanche encore, on apprenait que les deux  marches des femmes dites bulldozers ont été grassement payées, bien que les marcheuses pour la plupart n’aient pas vu la couleur de l’argent. Résultats, des chicanes sont en cours entre les organisateurs, les invectives aussi. Les marches loufoques de ce genre fleurissent tous les jours dans le pays, menées  par des ministres, des députés, des directeurs généraux de société, des hommes de l’appareil ou ceux qui veulent y entrer. La comédie est inscrite en règle d’or sur la scène publique béninoise d’où toute sincérité est désormais abolie. C’est même vu comme une faiblesse de dire la vérité et de défendre la patrie.
Sous cet éclairage, sombre, il est vrai, on voit mal comment la révolution burkinabè pourrait être dupliquée à Cotonou. Du temps où il était encore en verve, Boni Yayi aurait organisé à Cotonou ce week-end une contremarche pour répondre à celle  de mercredi. Et il aurait eu autant de monde, voire plus, en agitant les froufrous des   billets de banque.  On réussit mieux dans la duplicité et la tricherie au Bénin que partout ailleurs dans le monde. Et c’est pour l’avoir compris que Boni Yayi organise les foules à sa dévotion en faisant un déploiement massif d’argent pour faire chanter et danser les foules ignares et misérables. Idem pour les cadres, les politiques et autres sous-fifres  qui se promènent dans les allées du pouvoir.  A voir de près, le poids de l’argent et des réseaux politico-régionalistes et religieux qui s’emparent de l’individu béninois, toute démarche citoyenne désintéressée est un leurre. Et c’est pourquoi un individu sorti de nulle part peut réussir à coup d’argent à briguer la magistrature suprême chez nous.
L’action citoyenne requiert malheureusement des citoyens engagés et conscients, prêts à affronter l’adversaire, quoi que cela puisse coûter. Ici, le sort des idées patriotiques est connu d’avance : jetées à la poubelle, perçues par la grande masse comme une forme d’hypocrisie ou même comme une naïveté enfantine.
Non, on verra toujours dans la partie saine de la nation, une frange saine prête au sacrifice. C’est cette part saine qui a marché mercredi sans chercher à être payée en retour. C’est elle qui crie tous les jours pour que le pays retrouve ses lettres de noblesse. Et qui s’accroche désespérément au rêve d’un sursaut béninois.
Revenant à notre question initiale, il faut redire pourtant que  les Béninois sont capables d’indignation. Nicaise Fagnon, Mathurin Nago, Hélène Aholou Kèkè et les autres députés frondeurs de la mouvance, expriment aujourd’hui leur révolte après avoir servi de marchepied  aux rêves présidentiels. Même si leur indignation parait bien tardive et…opportuniste.
Le patriotisme en lambeaux ne fait pas les révolutions. Il nous faudra inventer un nouvel espoir et reconstruire le  Béninois nouveau sur les cendres de celui qui aujourd’hui ne pense qu’à lui d’abord.

Par Olivier ALLOCHEME

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1 thoughts on “Edito: Patriotisme en lambeaux

  1. Salimane Karimou

    Lorsque chacun de nous aura compris que tout est éphémère sur cette terre où tout passe et repasse, chacun de nous pourra choisir de marquer positivement son passage en ne posant que des actes qui honoreront sa patrie et sa projéniture. Chacun de nous deviendra histoire. Qu’importe la qualité.

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