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Le triomphe de la vérité

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Déclaration de la comédienne Bada Justine Antoinette: « Si vous voulez m’aider à construire ma maison, venez à mon spectacle »


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Bada Justine est une icône du cinéma  béninois. Elle est entrée dans l’art depuis 1978 sans plus jamais l’abandonner. Malgré le poids de son âge, elle tient encore. D’ailleurs, le dimanche 26 octobre, au Hall des Arts de Cotonou, elle lance son tout premier film auto-produit. Dans cette interview, elle revient sur ses quatre décennies de carrière, ses déboires, ses joies et peines. Elle y invite surtout le public béninois à ce lancement qui paraît bien important pour sa vie.

L’Evénement Précis :On vous a remarqué sur plusieurs productions de vos pairs. Mais à présent, vous avez décidé de sortir vous-même votre propre production. Et c’est pour le dimanche 26 octobre prochain au Hall des Arts. Cela voudra-t-il dire que les productions que vous faisiez avec vos pairs ne vous rapportaient pas grand-chose?

Bada Justine Antoinette : Ce n’est même pas ça. Avant, je travaillais avec beaucoup de gens. Mais, il se fait qu’il y a de cela 4 ans, j’ai fait un accident. J’en ai également fait un autre en 2013. Je dois préciser que les gens m’ont vraiment soutenue, au-delà même de mes espérances. Il s’agit aussi bien du soutien financier que moral. Mais après que je me suis un peu retrouvée, quand je demande à travailler avec mes collaborateurs d’antan, ils refusent, sous prétexte que je n’en suis plus capable vu mon état de santé. Ils disent que comme je n’arrive plus à me tenir correctement sur mes pieds, je ne pouvais plus suivre le rythme du travail. Et je leur réponds que ça allait mieux et que je devrais pourtant travailler avec eux pour pouvoir joindre les deux bouts. Toutes mes tentatives pour qu’ils m’appellent ont été vaines. C’est de là que j’ai décidé moi-même de me lancer dans l’aventure de l’autoproduction. J’ai donc expliqué mon projet à l’artiste Petit Rig tout en lui soulignant que ce n’est pas quand je mourrai que les gens vont se mobiliser pour me rendre des hommages. Et je lui ai donc demandé de tout faire pour m’aider afin que je puisse sortir le film. Il a donc pris la décision de me supporter et ensemble, on a commencé par frapper certaines portes qui se sont ouvertes à nous. Ce qui a donc fait que j’ai pu réaliser le film qui va être lancé le dimanche prochain au Hall des Arts.

Que peut-on retenir de ce film que vous vous apprêtez à lancer ?
Il s’agit de l’humour du début jusqu’à la fin. Ceux qui viendront au Hall des Arts le dimanche prochain doivent prendre toutes les dispositions pour pouvoir bien rire et se déstresser. En fait j’y ai joué le rôle d’une propriétaire vraiment capricieuse. Si tu es dans ma maison, à la date cinq, si tu ne paies pas ton loyer, tu seras proprement insultée, ridiculisée et renvoyée. C’est pour cela que dans le film, les locataires m’ont surnommée « Propriétaire ou maman impossible ». Ce qui est traduit littéralement en fon comme « Maman dédié ». C’est un film qui fait environ 45 minutes.

Qu’est-ce qui vous a amené dans l’univers cinématographique ?
Je dirai que j’aime tout simplement le théâtre. Mais lorsque j’avais commencé, mon mari, professeur de sport, entraîneur national de boxe, s’y était opposé. Il s’appelait Adjaho Félix. Il est malheureusement déjà décédé depuis près de 11 ans. Je lui ai fait comprendre que le sport, c’est aussi de l’art tout comme le théâtre. Je lui ai également expliqué que le riz et la pâte que je vendais, seuls,  ne suffisaient pas. Qu’en faisant de l’art, ça arrondirait nos revenus. Mais il a dit niet. J’ai tout de suite compris qu’il était jaloux. Mais malgré ça, j’ai tenu à le faire parce que j’aime le théâtre et cela me permet aussi de me distraire.

Pourriez-vous nous rappeler le premier film sur lequel vous aviez joué ?
Je ne m’en rappelle plus exactement. Mais je sais que c’était un film dans lequel j’ai imité les faits et gestes de madame Rosine Soglo, alors première dame du Bénin. J’avais exactement prononcé quelques extraits de ses nombreux propos dans le temps. Cela a fait beaucoup rigoler.

Rappelez-nous quelques-uns de ces propos que vous aviez repris dans ce film
Elle disait par exemple : « Mes enfants. Vous êtes l’avenir de demain. Je veux faire de ce pays un autre Abidjan… ». Les gens en ont sérieusement rigolé.

Vous aviez tantôt dit que votre mari ne voulait pas que vous vous engagiez dans l’art. Mais vous l’avez fait. Finalement, quelle a été sa réaction ?
Je vous assure que, par la suite, il en est devenu très content. Le jour où  feu Théodore Béhanzin alias Cossi m’a  amenée faire du théâtre quelque part et que j’ai vraiment eu de l’argent et que j’ai montré à mon mari dès mon retour à la maison, j’avoue qu’il en était étonné et s’en était réjoui. Il ne s’en revenait pas. Il ne savait pas que l’art pouvait m’apporter autant d’argent. Ayant donc compris l’enjeu, il  m’a dit qu’il m’autorise désormais à faire carrière dans l’art.

Je suppose qu’à l’époque, vous étiez également mère de famille. Après tant d’années accomplies dans l’art, quel regard portez-vous aujourd’hui sur vos enfants ?
Je dois avouer que c’est avec l’argent que j’ai  gagné dans l’art que j’ai pu  supporter mes enfants. C’est avec cet argent également que j’arrive aujourd’hui à supporter mes petits-enfants et à payer le  loyer. Toujours avec l’argent de l’art, j’ai pu acquérir une parcelle vers  Togbin, non loin de Fidjrossè. Mais je dois préciser que c’est une parcelle que je n’ai pas encore construite. C’est justement à cause de ça que je suis encore en location.

Vous aviez tantôt dit que c’est grâce à l’argent que vous gagnez dans l’art que vous parvenez à supporter vos enfants et petits-enfants. Cela voudrait-il dire que vos enfants et vos petits-enfants sont toujours à votre charge ?
En fait, j’ai deux garçons et deux filles. Mais, malheureusement, les deux garçons sont morts. Ce sont donc les enfants qu’ils ont laissés que je supporte. Par contre, les deux filles se sont déjà mariées. Il y a une en France et une autre à Cocotomey. Je vis donc actuellement avec mes petits-enfants.

Je vous présente toutes mes condoléances. Pourriez-vous nous rappeler les circonstances de leur décès ?
(Tête baissée, après un long soupir, elle répond) : Bon, d’accord. Le plus grand a été malade pendant environ un mois avant de mourir. Il était avec sa femme. Il se plaignait du paludisme et je l’ai amené à l’hôpital. Et c’est là-bas qu’il est décédé. Quant à son jeune frère, très libertin, il a aussi commencé par se plaindre de quelques maux. Je l’ai également amené à l’hôpital puis le 3ème jour, il est décédé. Cela fait déjà trois ans, quatre ans donc après le décès de frère aîné.

Heureusement, vous avez encore vos filles. Et au Bénin, il est reconnu que les filles chérissent mieux leur maman. Est-ce le  cas aujourd’hui avec vos deux filles ?
J’avoue qu’elles ne m’ont pas abandonné. Elles me supportent très bien. Surtout celle qui est en France. Avec le peu qu’elles me trouvent et ce que moi-même j’arrive à gagner dans ma carrière artistique, je parviens à subvenir à mes besoins.

Quel est aujourd’hui votre plus grand souhait ?
Mon souhait, c’est d’avoir de l’argent pour construire ma maison. Je dirai donc aux Béninois ceci : « Si vous voulez que je quitte la maison que je loue, venez nombreux à mon spectacle du dimanche prochain ».

Quelles sont les péripéties que vous avez traversées dans cette carrière qui vous passionne tant ?
Bon, en toute chose, il y a des difficultés. Et ça, on ne peut l’éviter. Les gens parlent par moment mal de toi. Parfois même, on t’envoie des gris-gris. Mais tout ça, moi je m’en moque. Et je poursuis mon chemin.

On vous a vu sur le film « Héritage » de Francis Zossou. Vous étiez une maman qui devrait transmettre à son enfant la sorcellerie avant de mourir. Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?

A vrai dire, ce film-là, je n’ai pas voulu le faire. Mais puisqu’il y avait de l’argent que je devrais gagner, j’ai finalement accepté jouer ce rôle-là.  Surtout que je ne suis pas sorcière comme dans le film. Sinon, dans la réalité, dans nos sociétés africaines, c’est ce qui se passe actuellement. Les gens transmettent maintenant la sorcellerie comme un héritage. Et c’est de cela que Monsieur Francis Zossou voulait parler. Il m’a donc intégrée dans son équipe et j’ai joué ce rôle-là. Tout le monde me défendait de le faire parce que, justement, ils craignaient que cela ait des conséquences sur ma vie. Mais je leur ai dit que ce n’est pas parce que j’incarne le rôle d’une sorcière que dans la réalité, je suis une sorcière.

Après la diffusion de ce film, aviez-vous réellement eu des représailles comme vous et vos compères le craignaient ?

(Elle remue un moment la tête et répond) : Franchement, j’ai eu des représailles. C’est précisément en ce moment de la diffusion de ce film qu’une vieille femme  que je ne connaissais pas était venue dans ma maison et m’a dit exactement ceci : « Toi, tu connais comment on donne la sorcellerie aux gens ? Et tu as osé le faire ? ». Je lui ai demandé pardon tout en lui faisant comprendre qu’il s’agissait tout simplement d’un film, donc de la pure fiction. En guise d’excuses, je lui ai même glissé un petit billet de mille francs. Et avant de partir, elle m’a interdit de ne plus jouer ce genre de rôle dans un film. Même dans mon environnement immédiat, les gens avaient commencé par se méfier de moi. Mais après quelque temps, ils ont compris que c’était juste un film. Surtout que je n’avais de problème avec personne. Mais pour tout vous dire, je ne vais plus jamais jouer un rôle pareil. Même si on me donne un million de francs pour le faire, je ne le ferai plus jamais.

Peut-on alors conclure que ce film vous a sérieusement marqué ?
Bien sûr. C’est au moment où on a diffusé  ce film là que mon fils, c’est-à-dire le plus jeune dont je vous ai parlé précédemment est décédé. C’est après que cette vieille dont je vous ai parlé est venue chez moi pour me réprimander par rapport à ce rôle que mon fils est tombé malade. Juste deux mois après l’arrivée de cette vieille femme, il est tombé malade et il est mort.

Vous soupçonnez  une main invisible derrière le décès de votre fils alors ?
Absolument parce qu’elle est venue jusqu’à moi pour demander si je savais comment on transmet la sorcellerie à une personne. Je lui ai pourtant demandé pardon. Néanmoins, deux mois après, mon enfant est décédé.

Propos recueillis par Donatien GBAGUIDI

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