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Le triomphe de la vérité

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Opinion de Jean-Claude HOUNMENOU, Professeur à Université d’Abomey-Calavi:La gouvernance démocratique, inclusive et représentative, pour une nation Béninoise Républicaine, unie, paisible et harmonieuse


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Professeur Jean-Claude HOUNMENOULa présente réflexion se propose d’analyser les relations entre certains comportements socioculturels des Béninois et les difficultés de réalisation des ambitions d’unité nationale et de développement socio-économique au Bénin. Elle vise en particulier, à répondre aux questions ci-après :

–  Quels comportements socioculturels antirépublicains  et anti-progressistes peut-on observer chez les Béninois, anciens Dahoméens, et en quoi ces comportements sont-ils incompatibles avec l’édification d’une Nation solide et prospère au point de vue socio-économique?
– Enfin, que faut-il faire, ou plus précisément, quelles réformes mentales, philosophiques, idéologiques, institutionnelles et politiques devons-nous opérer, pour rendre compatibles les comportements socioculturels des Béninois, avec l’édification d’une Nation républicaine forte, harmonieuse et prospère ?

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D’entrée de jeu, il faut affirmer que beaucoup de comportements socioculturels que l’on peut considérer comme antirépublicains et anti-progressistes dans le Bénin d’hier et d’aujourd’hui, ont leurs sources dans le caractère composite et plurinational du pays. Parmi ces comportements qui ont leur origine dans l’hétérogénéité socioculturelle du pays, l’ethno-régionalisme exclusif en politique, apparaît comme le plus aigu et le plus nocif.

1- L’ethno-régionalisme exclusif en politique
En règle générale, c’est d’abord et surtout en fonction des  communautés ethniques, linguistiques et régionales que sont les groupes socioculturels que les Béninois d’hier et d’aujourd’hui se déterminent et s’identifient ; ce sont ces composantes de l’ensemble national qui fondent et expliquent le sentiment d’appartenance et les comportements de solidarité de chaque citoyen ordinaire.
Ces attitudes d’identification exclusive au groupe socioculturel, à l’ethnie et à la région, s’observent particulièrement dans les comportements politiques, notamment lors des élections pour désigner les représentants du peuple au Parlement, ou pour conquérir et exercer le pouvoir d’Etat. Ces attitudes restent permanentes, malgré les brassages entre populations, malgré l’énergie déployée par la Révolution de 1972 pour gommer les particularismes socioculturels et régionaux, malgré les professions de foi des acteurs politiques de l’ère du Renouveau Démocratique en faveur de « l’unité nationale ».
En effet, l’histoire politique du Bénin, depuis l’indépendance jusqu’en cette deuxième décennie du 21ème siècle, est celle d’une bipolarisation du pays sur fond de vives tensions au moment des élections présidentielles, celles-là mêmes qui déterminent le choix de l’homme qui va décider, durant une période donnée, du destin politique et socio-économique des différentes communautés nationales constitutives du pays, et donc de leurs membres. On constate alors que la compétition pour le pouvoir suprême finit par opposer au tour décisif, un candidat issu du Sud du pays, à un candidat provenant du Nord, et à travers ces deux personnalités, deux grands blocs politico-régionaux, issus de la coupure soudaine du pays entre sa moitié-Sud et sa moitié-Nord. De proche en proche, de voisinage en cousinage, les communautés spécifiques d’une partie du pays se regroupent très majoritairement derrière le candidat qui émane de l’une d’elles, et dans lequel ils se reconnaissent ; le même processus s’observe dans l’autre partie. Ainsi, avant la Révolution de 1972, les confrontations présidentielles finissaient par opposer Apithy, ou Ahomadégbé du Sud, à Maga du Nord ; après l’avènement du Renouveau Démocratique, le deuxième tour des présidentielles a opposé successivement, Kérékou du Nord à Soglo du Sud, Soglo du Sud à Kérékou du Nord, Amoussou du Sud à Kérékou du Nord, et tout dernièrement, Yayi du Nord à Houngbédji du Sud.
Tout se passe donc comme si, instinctivement, chaque bloc politico-régional pensait d’abord à sa propre survie politique et socio-économique, en se disant que cette survie dépend de l’accession de son champion, l’un des siens, à la magistrature suprême, justement la position où il serait en mesure de garantir cette survie socio-économique, parce que « quand on a l’un des siens sur le manguier, on est certain de manger des mangues mûres et juteuses, et non pas des fruits verts, âpres, acides ou amers ». Surtout que la Constitution, notamment, celle de décembre 1990, confère à l’élu, et donc à son camp, toutes les prérogatives imaginables, en concentrant entre ses mains, toutes les ressources politiques, économiques et sociales du pays, ressources dont la dévolution dépend pratiquement de son bon vouloir.
Dans ces conditions, l’enjeu de tout scrutin présidentiel devient celui du « tout ou rien », ou du « ça passe ou ça casse ». D’où les crispations, les déchaînements de passions, les tensions observés au sein et entre les deux blocs politico-régionaux en compétition. Car chacun d’eux sait que s’il perd, c’est le boulevard largement ouvert devant lui et ses membres, pour la marginalisation politique, économique et sociale. Car, même si les groupes minoritaires dissidents du bloc perdant qui ont soutenu le candidat du bloc victorieux, se voient octroyer quelques strapontins, généralement à la périphérie du pouvoir d’Etat, le cœur et le cerveau de ce pouvoir restent ceux du bloc régional qui a gagné. Les êtres humains étant naturellement égoïstes, le risque est alors grand que le leader du bloc vainqueur, privilégie systématiquement les individus et les communautés membres dudit bloc dans la dispensation des ressources politiques, économiques et sociales communes du pays, au détriment de l’autre bloc politico-régional et de ses membres, et ce allègrement, au nom de « l’unité nationale » ; ou, alors que son camp le prenne rapidement en otage, quand bien même il serait animé des meilleures intentions républicaines du monde.
A tort ou à raison, les groupes socioculturels appartenant au bloc politico-régional perdant, peuvent développer le sentiment d’être brimés ou marginalisés dans la gouvernance politique et économique du pays, et réagir de façon plus ou moins dramatique, directement, ou par le biais de certains de leurs leaders, pour que soit rétablie ce qu’ils considèrent comme la justice.
Déjà en Mars 1964, quelque temps après le coup d’Etat qui a renversé le Président nordiste Maga, les populations Bariba, qui le considéraient à juste titre comme leur leader, vont descendre armées sur Parakou, pour tenter de le libérer,  ce qui engendra une effroyable tragédie.
C’est le même désir de défendre les intérêts de la communauté ethno-régionale d’appartenance perçue comme menacée, qui explique la rébellion du capitaine nordiste Tawès, alors que le pouvoir était entre les mains du Président sudiste Nicéphore SOGLO, au cours du quinquennat 1991-1996.
Un autre exemple de ce que la vie politique au Bénin est vécue essentiellement comme une compétition sans merci entre les groupes socioculturels qui constituent le pays, ce sont les propos terribles d’un député, responsable de l’une des composantes des forces politiques issues de la moitié Sud du Bénin, à l’Assemblée Nationale en Mars 2010 : « J’apprends que l’on s’apprête à enlever mon lieutenant, qui est Président de la Commission Politique de Supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée, pour le remplacer par un cadre du Nord. Si cela se passait, ce serait la guerre ! Y en a marre à la fin. C’est toujours le Nord, le Nord, le Nord ! Pourquoi pas le Sud ? Pourtant  nous sommes majoritaires dans le pays … »
Pis encore, chacun se souvient d’un Président de la République, menaçant au cours d’un entretien télévisé le 1er Août 2012, jour anniversaire du pays, de faire descendre les siens de l’intérieur du Bénin, pour affronter les autres d’une autre région, à qui il viendrait la mauvaise idée de dénoncer dans les rues de Cotonou, les actes de mauvaise gouvernance de son régime.
Enfin, il serait peut-être intéressant de rappeler que le tout premier mouvement politique créé par celui qui allait devenir le premier président de la République du Dahomey, Hubert Maga, s’appelait Groupe Ethnique du Nord, en abrégé GEN, comme pour dire que l’ethno-régionalisme exclusif en politique, est inscrit dans nos gènes.
Cet ethno-régionalisme exclusif a pour conséquences la fragilité de la conscience nationale, l’absence de patriotisme, et la quasi-impossibilité de réaliser ce que tout le monde a coutume d’appeler ″l’unité nationale″. Et le remplacement du non ″Dahomey″ par celui ″Bénin″ en 1975 n’y aura rien changé, puisque ce changement lui-même n’était qu’une autre expression de l’ethno-régionalisme exclusif, certains groupes socioculturels pensant que le nom ″Dahomey″ faisait trop la part belle à d’autres groupes socioculturels sur le plan symbolique et historique.

Que faire alors ? Comment les Béninoises et les Béninois peuvent-ils arriver à surmonter l’obstacle majeur que représentent tous ces comportements ethno-régionalistes, sur la route de la construction d’une Nation unie, solide et prospère ?
2- Pour une  philosophie de l’union nationale à la place de l’unité nationale
Pour que les Béninoises et les Béninois  parviennent à apprivoiser l’ethno-régionalisme exclusif en politique, il est impérieux qu’ils opèrent des réformes profondes aux plans mental, idéologique, institutionnel et politique.
D’abord au plan mental et idéologique, il faudrait que nous bannissions de nos pensées et de nos discours relatifs à la philosophie qui devrait être à la base de la construction de notre Nation, le concept d’″unité nationale″, pour le remplacer par celui d’ « union nationale ». Parlons si nous voulons d’unité de la République, d’unité du territoire, mais pas d’unité nationale.
Car la réalité nationale du Bénin, c’est celle de la cohabitation, par nécessité de partage d’un même destin politique et économique, du fait de la colonisation française, de communautés humaines aux intérêts spécifiques, parce qu’ayant des références spécifiques, qui sont historiques, socioculturelles, pour ne pas dire ethno-régionales, avant d’être nationales, ou républicaines. Ces communautés socioculturelles, qui ont eu hier, et ont aujourd’hui une traduction politique à travers l’identification à des partis bien précis, sont demeurées irréductibles les unes aux autres depuis le début de l’entreprise coloniale. En d’autres termes, les 60 ans de colonisation, à part de les mettre ensemble sur un territoire, n’ont pas réussi à les unifier, ni mentalement, ni culturellement,  ni même politiquement ; les douze premières années d’indépendance n’ont pas non plus réussi cette prouesse, ce qui explique d’ailleurs l’instabilité chronique de cette période ; les résultats des consultations électorales de l’ère du renouveau démocratique, après la parenthèse de la révolution, montrent à souhait que le pays est plus fragmenté que jamais sur le plan socioculturel et politique, et que même en 2014, l’unification des communautés humaines du Bénin n’est pas encore une réalité. Or, de par son essence, le concept d’unité nationale signifie en politique l’exclusion et le monolithisme, la négation de la diversité, de la pluralité, et de la multipolarité. Selon le dictionnaire le Robert, l’unité, c’est le caractère de ce qui est unique, le caractère de ce qui n’a pas de parties et ne peut être divisé, bref, le caractère de ce qui forme un bloc homogène et compact. Si l’adjectif national se réfère d’abord à l’élément humain du pays, il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas une nation unique au Bénin, mais un ensemble de nations que le colonisateur français a mises ensemble manu militari, à l’intérieur d’un même territoire, et dont, ni la colonisation, ni aucun des systèmes politiques mis en place depuis l’indépendance, n’ont réussi à faire un bloc homogène et compact. A part d’être inapte à rendre compte de leur hétérogénéité irréductible,  le concept d’unité nationale est contraire à l’idée de coexistence harmonieuse de cet ensemble de nations. Et c’est d’ailleurs parce qu’il est inadéquat dans notre contexte, que tous les systèmes politiques que l’on a bâtis sur cette philosophie de l’unité nationale depuis l’indépendance, ont échoué à faire du pays une Nation unie, solide, solidaire et stable, d’où  l’instabilité chronique des premières années de l’indépendance. Et si l’on y prend garde, le système de gouvernance du Renouveau Démocratique, qui est bâti sur la même philosophie de l’exclusion et du totalitarisme, pourrait bien nous exploser à la figure très bientôt. Pourquoi ? Parce qu’il consacre une situation politique qui, à l’occasion des élections présidentielles, confie toutes les ressources politiques, économiques, sociales et culturelles communes à un homme seul, qui ne représente en fait politiquement qu’une partie du pays, la partie septentrionale ou méridionale selon le cas. Et cet homme qui n’est que le leader politique d’un pôle ethno-régional du pays, devient l’incarnation de « l’unité nationale ». Les nombreux exemples de réactions plus ou moins dramatiques du pôle ethno-régional exclu par ce système de majorité unique, montrent  que ledit système est peu réaliste, qu’il est inadapté à la  multipolarité socioculturelle et politique du pays.
Par conséquent, il nous faut donner au pays le système de gouvernance qui lui correspond, fondé sur la philosophie de l’union, qui signifie l’entente entre des groupes différents, un ensemble de groupes spécifiques liés par un accord et des intérêts communs ; l’union qui implique par conséquent l’alliance, l’association, la cohésion, la combinaison entre plusieurs groupes ayant une existence propre, pour mener ensemble des actions convergentes bénéfiques à chacun et à tous ; l’union qui selon l’adage, fait la force. Il nous faut doter notre pays d’un système de gouvernance, qui permette d’articuler, de concilier la citoyenneté ethno-régionale ou micro-nationale, avec la citoyenneté nationale ou macro-nationale ; un système de gouvernance la plus consensuelle possible. Ce système de gouvernance qu’il faut pour l’espace national pluriel du Bénin, fondé sur le consensus et la concorde, c’est ce que j’appelle le système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative.

3-  Pour un système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative.
Qu’est-ce à dire ?
Il s’agit de réviser notre Loi Fondamentale, pour fonder chez nous, une forme  de gouvernement, qui conjugue et mette ensemble les énergies, les forces et les intelligences les plus représentatives des deux grands ensembles politico-régionaux qui constituent en définitive le pays. Durant chaque mandat d’exercice du pouvoir d’Etat, ces forces les plus représentatives des deux grands ensembles régionaux, vont travailler de façon partagée, mais complémentaire et convergente, à la satisfaction des besoins spirituels, culturels, économiques et sociaux de  tous les Béninois et de toutes les Béninoises, quel que soit leur lieu de résidence dans le pays. Ainsi, le pouvoir exécutif s’exercerait, non plus dans la logique d’unité nationale hypocrite, exclusive, oppressive et assassine, mais dans une logique d’union, de concordance.  Dès lors, à l’issue du tour décisif des élections présidentielles, qui oppose classiquement au Bénin le champion du bloc politico-régional majoritairement du Nord, au champion du bloc politico-régional majoritairement du Sud, le candidat arrivé en tête serait proclamé comme à l’accoutumée, Président de la République élu ; le candidat arrivé en deuxième position deviendrait automatiquement le Vice-Président élu de la République. Pendant la durée du mandat présidentiel, le Président élu aurait la majeure partie des prérogatives que lui confère la Constitution actuelle, notamment celles de Chef de l’Etat, et Chef du Gouvernement. Seulement, une partie des anciennes prérogatives seraient partagées entre lui et le Vice-Président, en l’occurrence celles relatives à la représentation de l’Etat, la désignation des membres du Gouvernement, la présidence du Conseil des ministres, la désignation des hauts fonctionnaires, des ambassadeurs du pays à l’étranger, des directeurs généraux des entreprises publiques, des représentants du gouvernement dans les Institutions républicaines, des responsables du haut commandement des forces de défense et de sécurité, des membres du Conseil supérieur de Défense, et enfin la prise de mesures exceptionnelles par ordonnance. Ainsi, la Constitution révisée  disposerait que le Vice-Président élu :
– participe au Conseil des ministres ;
– préside le Conseil des ministres en l’absence du Chef de l’Etat, dans certaines limites ;
– préside certaines manifestations nationales ;
– peut représenter  l’Etat à des sommets internationaux ;
– désigne pour nomination par le Président de la République, 1/3 des membres du Gouvernement ;
– désigne pour nomination en Conseil des ministres : 1/3 des hauts fonctionnaires de l’Etat et des directeurs généraux des entreprises publiques ( titulaires et adjoints) ; 1/3 des ambassadeurs ; 1/3 des représentants du Gouvernement dans les Institutions ; 1/3 des responsables du haut commandement des forces de défense et de sécurité ;
– désigne le chef d’état-major général adjoint des forces armées ;
– donne son accord formel au Chef de l’Etat, avant toute prise de mesures exceptionnelles par ordonnance.
Dans ce système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, la désignation des membres du Gouvernement, des hauts responsables de l’Etat à tous les niveaux, devrait se faire sur la base de critères qui combinent, outre la jouissance des droits civiques et la probité, la compétence, l’appartenance partisane, l’affiliation ou la sympathie politico-régionale, mais aussi la diversité et l’équilibre de la représentation régionale, indispensables à l’édification d’un Etat véritablement républicain. De sorte que, à chaque moment, le Pouvoir d’Etat, au niveau central comme au niveau déconcentré, représente intégralement la diversité régionale et sous-régionale du pays. En prenant comme base territoriale les départements issus de l’indépendance du pays érigés en régions, chacune de celle-ci devrait être représenté par le même nombre de ministres dans le Gouvernement, auquel s’ajouterait un bonus de 2 pour le Président, et de 1 pour le Vice-Président, à leur discrétion ; ensuite, chaque région devrait être représentée par le même nombre de Responsables centraux, techniques, généraux, spécialisés, déconcentrés ; le même nombre de hauts fonctionnaires etc. Le principe de ce partage équitable  du Pouvoir d’Etat entre le Président et le Vice Président pourrait être le suivant :
– 2/3 des Responsables seront désignés par le Président dans les régions où il est arrivé en tête au tour décisif des élections présidentielles, le 1/3 restant devant être désigné par le Vice Président ;
– 2/3 des Responsables seront désignés par le Vice Président dans les régions où il est arrivé en tête au tour décisif des présidentielles, le 1/3 restant étant désigné par le Président.
Toujours dans cet esprit de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, la Constitution révisée devrait régler la question de la représentation des femmes dans les instances de décision, à tous les niveaux. Ainsi, la  nouvelle Loi Fondamentale  pourrait partir de leur proportion actuelle dans la population lettrée du pays, et disposer qu’il doit y avoir au moins 1/3 de femmes dans chacune des instances nationales de prise de décision : Gouvernement, Parlement, Pouvoir judiciaire, Administration centrale, déconcentrée, décentralisée et locale.
Cependant, on pourrait être tenté de se demander : dans ce système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, quel programme socio-économique le gouvernement va-t-il appliquer durant chaque mandat présidentiel ?
Sur cette question du programme, il faut distinguer deux volets : le premier a trait à la création et à la mobilisation de la richesse en termes de production de ressources financières, matérielles, de biens et de services ; le deuxième concerne  la satisfaction des besoins spirituels, culturels, économiques et sociaux des Béninoises et Béninois de toute condition, à travers la dispensation des ressources nationales communes,  par le biais de l’investissement public, de l’aménagement et de l’équipement du territoire national.
Sur le premier volet, en dehors des mécanismes traditionnels en la matière (recettes des impôts, de taxes douanières et diverses etc), le Président de la République pourra impulser en dernier ressort, les options novatrices originales et spécifiques qui lui paraissent les plus salutaires et les plus fécondes. S’il veut consulter le Vice Président, libre à lui ; mais l’idéal serait un programme consensuel.
Mais sur le deuxième volet du programme d’actions quinquennal du Gouvernement, celui de la distribution des fruits de l’effort collectif aux citoyennes et aux citoyens, en dehors des nécessités traditionnelles régaliennes et souveraines de fonctionnement de l’Etat, la seule règle en la matière devrait être  celle de l’équité et de  la concomitance dans les actions, selon le principe : « à chaque partie et à chaque communauté humaine du territoire national selon ses besoins, ici et maintenant, en fonction des disponibilités de l’Etat ».
En effet, c’est à travers ses actions d’investissement public, ainsi que d’aménagement et d’équipement du territoire national, que le gouvernement contribue, conformément à sa vocation, à satisfaire les besoins spirituels, culturels, économiques et sociaux des hommes et des femmes du pays, quel que soit l’endroit où ils vivent sur le territoire national. Ce sont ces actions qui, parce qu’elles apportent des solutions concrètes à des problèmes quotidiens communs, vécus collectivement et individuellement, font que ces hommes et ces femmes se sentent citoyens et citoyennes de la République. Or, ces problèmes se manifestent avec la même acuité et le même dénuement pour toutes les communautés humaines du Bénin, à quelque niveau qu’on les considère : régional, sous-régional, départemental, communal, local.
Pour cette raison,  dans le système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, le programme quinquennal gouvernemental de satisfaction de ces besoins, ne peut dépendre du bon vouloir, ni du Président, ni du Vice Président, mais être inspiré par la nécessité de répartition équitable , intégrale et quasi-mathématique, de l’action  d’investissement public, d’aménagement et d’équipement de la République, entre les régions, les sous-régions, les départements et les localités du pays. A titre d’illustration, si l’enveloppe budgétaire destinée à cette action d’investissement, d’aménagement et d’équipement du territoire national au cours d’un mandat est de neuf cents milliards de francs cfa, chacune des six régions (i.e les 6 départements originels) du Bénin, devrait bénéficier de cent cinquante milliards de dépenses publiques, pour réaliser des projets pertinents et prioritaires de bitumage de routes intercommunales, bitumage ou pavage de rues communales ou urbaines, construction d’établissements éducatifs, socio-sanitaires, socioculturels, électrification, adduction d’eau potable, construction de marchés, de sièges de services publics déconcentrés ou décentralisés, soutien aux producteurs, etc. C’est un tel programme de développement socio-économique républicain, intégralement et équitablement partagé, qui paraît adéquat dans le contexte de gouvernance démocratique, inclusive et représentative que doit instituer désormais chez nous, la Constitution,  et que devrait intégrer désormais le Budget national, dans sa nomenclature et dans son élaboration.
Cette gouvernance démocratique, inclusive et représentative, trouve sa traduction jusque dans le système de recrutement des agents de l’Administration  Publique. Dans un tel système en effet, la façon juste et républicaine de recruter les agents de l’Etat, consisterait à le faire, sur la base d’une logique qui combine le critère du mérite au niveau national, et une logique d’inclusion et de discrimination positive, à travers une certaine proportion de sélection par quotas, en fonction du mérite à l’échelle régionale, le nombre de régions à prendre en compte étant de 6, à savoir, l’Atacora-Donga, l’Atlantique-Littoral, le Borgou-Alibori, le Mono-Couffo, le Zou-Collines. Par exemple, si l’effectif de fonctionnaires à engager est de 100, la logique préconisée veut que les 50 premiers au concours ou test, soient retenus d’office, quelle que soit leur appartenance régionale ; ensuite, les 50 places restantes seraient divisées équitablement entre les six régions, et attribuées aux candidats les mieux méritants dans le groupe restant au titre de chacune d’elle, le reliquat pouvant être attribué à la région qui a présenté le plus de candidats. Ce faisant, l’Etat se donne les moyens, non seulement de recruter effectivement des commis compétents, mais également de garantir la représentation de chaque région du pays, dans l’Administration publique.
Outre son adéquation, son réalisme et son applicabilité dans le contexte sociopolitique du Bénin, le système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, présente de nombreux avantages pour notre pays. En effet, grâce à cette philosophie, nous pourrions enfin garantir un présent et un avenir de paix, de sûreté, de stabilité, d’union et de prospérité pour notre République. Ce système nous permettrait de mettre définitivement un terme au type de gouvernement dans lequel notre « unité nationale » n’est en fait incarnée que par la majorité politique d’une partie du pays, qui, parce qu’elle a accédé au pouvoir, croit qu’elle a aussi acquis le droit de dominer les citoyens de l’autre partie du territoire national, en les réduisant à l’état d’esclaves ou de citoyens de seconde zone.  Ensuite, notre Parlement connaîtrait un fonctionnement plus harmonieux, plus lisible et plus régulier, qui dégagerait une majorité large, claire et franche pour accompagner les actions du Gouvernement, puisque cette majorité serait constituée des députés du bloc favorable au Président, et de ceux favorables au Vice Président. Par ailleurs, la tendance à l’émiettement du paysage politique s’estomperait rapidement, pour laisser place à deux, trois ou quatre grandes formations politiques d’envergure nationale. De même et paradoxalement, la politisation de l’Administration va baisser d’intensité, et faire place progressivement à une Administration avant tout républicaine, au service de l’intérêt général et partagé. Il y aurait moins de crispations, moins de tensions lors des périodes d’élections présidentielles, parce que le système aura permis déjà de résoudre la difficile équation, celle de réconcilier et d’articuler citoyenneté ethno-régionale, et citoyenneté nationale. La fonction présidentielle elle-même serait  sensiblement démythifiée. Cette démythification serait d’ailleurs davantage hâtée, si la nouvelle version de la Constitution réformait la disposition concernant le nombre de mandats présidentiels, dans le sens d’un mandat de 5 ans, renouvelable, mais non successivement. Enfin, en deux ou trois décennies, le Bénin pourrait devenir une véritable Nation Républicaine, où ne prévaudront plus beaucoup les réflexes de repli identitaire ethno-régional, mais avant tout des attitudes citoyennes, républicaines.

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Le système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative, est bien la solution aux problèmes d’édification nationale que rencontrent de nombreux pays africains comme le Bénin, où la réalité socioculturelle est multipolaire, à l’instar du Togo, du Congo-Brazza, du Congo-Kinshasa, du Nigéria, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Conakry, etc. Des pays comme la Suisse et la Belgique en Europe, l’Ile Maurice en Afrique, exemples de multipolarité, doivent leur stabilité et leur prospérité, en grande partie à cette philosophie de l’union, socle du système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative. Même la grande Allemagne fédérale, n’a jamais été aussi prospère, que dans les périodes de son histoire, où elle a dû se donner des gouvernements associant des pôles politiques aussi différents que les Démocrates Chrétiens de droite, et les Sociaux Démocrates de gauche, comme entre 2000 et 2004, et comme elle l’a réédité depuis, pour la période 2013-2016.

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