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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le déchaînement des pauvres


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Tout le monde a vu, ahuri, le déferlement des foules à Bopa et Lokossa ce week-end. Et l’on s’est demandé si ce sont les mêmes personnes qui hier chantaient et dansaient pour Nago que l’on a vu samedi dernier. La probabilité est hélas élevée.
En moins d’une semaine, que s’est-il donc passé pour que ces chants de joie se transforment en chants de guerre anti-Nago ? Il s’est passé que nos populations sont trop pauvres pour résister à l’attrait des deux mille ou cinq mille ou même des pauvres 500 FCFA qu’on leur donne pour acheter leur conscience.
La pauvreté ! Elle n’est certes pas le seul facteur explicatif de ces débordements. Il y a une bonne part d’inconscience et d’ignorance épaisse. Je fais toutefois partie de ceux qui pensent qu’elle ne devrait pas excuser l’inculture et l’immoralité. Et les gens de Bopa ne sont pas plus pauvres que les foules qui assistent à Sinendé, Pobè, Parakou ou Agbangnizoun à la vague inénarrable des marches et messes de remerciement qui assaillent les médias ces temps-ci. Parlons donc de la pauvreté.
Le Bénin est bien un pays pauvre. En 2011, 36,2% des Béninois vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans la misère. Autrement dit, plus d’un Béninois sur trois vit en dessous du minimum vital. Sans surprise, l’incidence de la pauvreté est plus forte en milieu rural (35% de la population) qu’en milieu urbain (30%).
Et pourtant, en 2013, le pays a été reconnu pour avoir atteint le premier Objectif du Millénaire pour le Développement consistant à réduire de moitié la proportion de personnes affamées, tandis qu’il est également en bonne voie pour atteindre le but du Sommet mondial de l’alimentation visant à diminuer par deux le nombre de personnes sous-alimentées dans le pays. D’après la FAO, en 1990, la prévalence du taux de malnutrition infantile était de 30,1 %. En 2011, le taux a baissé à 16,2 %. A ce rythme, le Bénin atteindra l’OMD 1 en 2015. Concernant la sous-alimentation, les efforts du Bénin ont permis de réduire ce taux de plus de 60 %, le ramenant de 22,4 % en 1990-1992 à 8,1% en 2010-2012.
Tous ces chiffres confrontés à la vérité nue de samedi nous montrent que les avancées que l’on a claironnées ne reflètent pas toujours la réalité. Oui, de nombreux projets financés par les bailleurs de fonds traditionnels ont essayé de réduire le fléau. Projet d’appui à la croissance économique rurale (PACER) mis au point pour favoriser le développement des filières ciblées comme le riz, le maraîchage, les ananas, ou encore le manioc. Projet d’Appui à la Promotion de Services Financiers Ruraux Adaptés mis en place pour contribuer à l’allègement de la pauvreté rurale en offrant des services financiers adaptés aux besoins des petites et moyennes entreprises agricoles et para-agricoles. Ce sont autant de projets dont nous voyons les voitures de luxe, les sièges flambant neufs mais dont l’incidence réelle tarde à se faire sentir. La sortie de la pauvreté ne se décrète pas.
A l’heure actuelle, l’une des difficultés des populations rurales, c’est l’amenuisement de leurs ressources en liaison avec la diminution des prix des produits vivriers. Le prix du maïs, par exemple, a considérablement chuté sur le marché, entraînant des pertes sèches pour tous ceux qui ont acheté des intrants à prix d’or. Au moment où le consommateur se réjouit de cette baisse, il est clair que le producteur lui, se morfond dans son coin et se demande s’il faut continuer à faire du coton, du maïs ou du manioc. Une bonne partie d’entre eux choisit la voie de l’exode rural, préférant faire zémidjan à Cotonou ou Porto-Novo, plutôt que de vivre dans la misère. Ceux qui sont restés sont des proies faciles pour la meute politique.
La pauvreté rurale entraine donc des incidences politiques évidentes. L’intelligence de nos acteurs politiques, c’est d’avoir compris que les ventres vides constituent du bétail électoral, taillable et corvéable à merci. Car les consciences s’affaissent devant l’argent facile. Ceux qui sortent de la pauvreté dans le monde rural, ce sont eux qui voient des opportunités dans la terre qui abonde, dans les cours d’eau poissonneux, dans l’artisanat et la foresterie. Et c’est à eux que nous devons rendre hommage parce qu’ils sont les plus susceptibles de résister à l’attrait de l’argent facile.

Par Olivier ALLOCHEME

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