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Le triomphe de la vérité

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Edito: Du coton pour les autres


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Les cours du coton  ont baissé ces derniers mois.  Après une remarquable  stabilité enregistrée  depuis 2011, le prix mondial de l’or blanc a baissé brutalement en mai dernier. L’indice A de Cotton Outlook qui sert de baromètre international en la matière,  a perdu 24 % en trois mois pour se situer un peu au¬-dessus des 72 cents de dollar la livre, contre une moyenne de 93 cents durant les trois dernières campagnes. Cette chute intervient à la suite de l’annonce faite par Pékin   en janvier de son intention d’abandonner sa politique d’achat à tout-va, en vigueur depuis 2011-¬2012. Cette politique  visait à assurer un approvisionnement conséquent de ses filatures.
Quand on sait que les entreprises cotonnières africaines exportent 90% de leurs productions en Chine, cette situation ne manquera pas d’avoir des répercussions sur leurs revenus. Les stocks chinois de ces trois dernières années ont atteint un niveau record de onze millions de tonnes, soit l’équivalent d’un an et demi de la consommation nationale du pays, ce qui contribuait à soutenir les prix. Avec l’arrêt des achats chinois, il faut s’attendre à des répercussions immédiates sur le continent africain. Selon Michael Edwards, directeur du site d’information spécialisé Cotton Outlook,  les effets seront d’autant plus graves dans les pays de la zone franc que la proportion de coton récolté en 2014-2015 et déjà vendue depuis plusieurs mois à des tarifs plus rémunérateurs s’annonce plus modeste que les années précédentes.  Ce mouvement baissier   met en lumière la dépendance des producteurs africains vis-à-vis des spéculations internationales.
Il remet en selle  le débat lancé dans les années 1960-1970 par l’économiste franco-égyptien Samir Amin. Son essai intitulé L’échange inégal et la loi de la valeur (1970) rappelle la loi implacable   dont les pays africains ont été victimes jusqu’ici, à savoir, que les pays sortis de la nuit coloniale servent encore à perpétuer les mécanismes  de l’économie de traite coloniale en n’étant que des fournisseurs de matières premières et débouchés des produits finis. Bien entendu, c’est un mécanisme appauvrissant mais qui conforte les dirigeants africains, petits potentats locaux imposés depuis les ex-métropoles,  dans leur gestion patrimoniale. D’autant d’ailleurs que les gros bénéfices qu’en tirent les Etats vont d’abord dans les poches des élites et de leurs familles et leur permettent d’entretenir  le train de vie occidental qui leur octroie notoriété et aisance au milieu de populations affamées. Ce commerce inégal fait de produits de rente n’en continue pas moins aujourd’hui d’alimenter les rouages des transactions internationales. Nos pays ont internalisé leur rôle de fournisseurs de produits de rente et font très peu d’efforts pour s’industrialiser.
Il suffit même d’observer que les efforts des pauvres producteurs ne sont en aucune cohérence avec l’évolution des prix à l’international, pour comprendre pourquoi ceux-ci continuent de végéter dans la pauvreté tandis que les industriels occidentaux et leurs auxiliaires africains se la coulent douce. Le pic enregistré en 2009-2011 n’a réellement pas profité aux producteurs béninois du fait de la désorganisation du secteur par des réformes hasardeuses.  Là n’est pas la question.
La véritable question est de savoir dans quelle mesure nos ressources vont servir à notre industrialisation. J’irais même plus loin en disant qu’elle est de savoir comment faire pour qu’elles servent à la  construction de systèmes productifs nationaux et régionaux intégrés, cohérents, efficaces et autonomes.  Dès lors, l’accent actuellement mis sur les cultures commerciales ne devrait pas faiblir tant qu’il consiste à fournir aux industries locales des matières premières utiles à leur épanouissement. Réfléchir de cette manière, c’est trouver les mécanismes intégrés de qualité et d’écoulement autonome des productions locales et sous-régionales à travers l’adoption d’une politique claire en cohérence avec les options sous-régionales. Etant entendu qu’en Afrique, tous les leaders qui l’ont tentée ont été forcés au départ ou assassinés, il est intéressant de savoir  de quelle capacité de résilience nos peuples disposent face au rouleau compresseur des puissances occidentales et de leurs multinationales sans scrupule.
A ces réflexions apeurées et presque timorées, j’opposerais pourtant la foi sauvage de nos peuples, une fois qu’ils auraient pris conscience qu’il est possible de construire ici les mécanismes de notre propre bonheur comme tous les peuples du monde. A voir comment un pays comme le Vietnam est sorti de la colonisation et marche résolument vers l’émergence, il me semble que nous n’avons plus d’autres voies. L’avenir nous impose de bannir ce coton qui enrichit les autres.
Par Olivier ALLOCHEME

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