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Le triomphe de la vérité

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Edito: La Cour a dit


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Il y a des limites à la liberté et à la ruse. Pour ne l’avoir pas compris, Fatouma Amadou Djibril a été rudoyée à deux reprises la semaine dernière.
La première fois, c’est la Cour qui lui a tapé sur les doigts par sa décision qui reste pour moi un événement majeur. Et la deuxième fois, c’est son éjection du gouvernement. Même si elle rebondit ailleurs comme Conseillère technique, ambassadeur ou même comme ministre, ce geste présidentiel est fort de symbole. Autre symbole, ce sont les considérations définitives contenues dans la décision de la Cour. Dans le contexte actuel, elles ne manqueront pas d’inhiber toutes les intentions, tentations et actions. La Cour a simplement dit qu’il est illégal désormais d’évoquer même l’éventualité d’un troisième mandat.
« Considérant que dans sa Décision DCC 13-071 du 11 juillet 2013, la Cour a dit et jugé que si « l’usage de la liberté d’expression ne saurait constituer en lui-même une violation de la loi … le contenu de la parole peut être de nature à enfreindre la loi y compris la loi constitutionnelle », a rappelé la Cour avant de continuer : « que tout citoyen béninois, et Madame Fatouma AMADOU DJIBRIL, prise en sa qualité de ministre, jouit de la liberté de pensée, d’opinion et d’expression reconnue à tout citoyen par la Constitution ; que cependant, cette liberté d’opinion consacrée par la Constitution n’exonère pas le citoyen du respect de la Constitution ; que cette exigence de respect de la Constitution est encore plus grande s’agissant d’un ministre de la République dont l’impact de l’opinion sur la conscience collective est plus fort que celui d’un citoyen ordinaire ; que les propos du ministre Fatouma AMADOU DJIBRIL s’analysent comme une invitation à soumettre au peuple béninois la question de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels ; que remettre en cause le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels prévu par la Constitution constitue une violation, non seulement de l’article 42 de la Constitution, mais aussi de l’article 124 alinéa 3 de la Constitution, la Haute Juridiction ayant dit et jugé que sont exclues de toute révision de la Constitution les options fondamentales de la Conférence des Forces Vives dont, entre autres, la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. »
Voilà qui est bien dit : « cette liberté d’opinion consacrée par la Constitution n’exonère pas le citoyen du respect de la Constitution ». Nul désormais n’a le droit d’évoquer publiquement la possibilité d’un troisième mandat. Les médias sont obligés dès lors de sanctionner tout propos ou toute action tendant vers ce but. A partir de là, on peut considérer que tout débat autour du troisième mandat est clos.
Oui, les affidés du pouvoir peuvent concevoir un autre plan : adouber un quidam dans le fauteuil présidentiel permettant à Yayi de partir sans partir. Dans ce sens, toutes les manœuvres sont permises, y compris celles consistant à persécuter un candidat potentiel pour en faire une victime aimée du peuple. La sociologie politique béninoise aime les victimes, surtout quand c’est le pouvoir qui les pourchasse. Organiser une chasse stratégique met en lumière un homme qui sera finalement reçu dans les urnes grâce à la compassion populaire. On se rappelle que c’est dans les mêmes conditions que Mathieu Kérékou a pu reconquérir son pouvoir en 1996 face à un Soglo qui n’avait pas compris que son acharnement sur les médiocres résultats de son prédécesseur dans une période de Programme d’ajustement structurel était la meilleure publicité pour celui-ci. Même Boni Yayi a bénéficié de cette persécution stratégique en étant rendu populaire par le débat sur la résidence en 2005-début 2006. On sait ce qu’il en advint. Ce schéma peut admirablement se dessiner et permettre à la mouvance de hisser un candidat issu de ses entrailles, à l’heure où le peuple abhorre son roi avec la dernière énergie.
Non, la silhouette même du troisième mandat s’est enfuie avec la dernière décision de la Cour. Boni Yayi pouvait encore agiter l’épouvantail de son éternité pour, à travers la peur, maintenir son équipe dans une relative discipline. Il peut encore sortir quelques griffes avant les prochaines élections. L’après-2015 devrait secouer les assises de son pouvoir livré désormais à la perspective des calculs post-2016. En clair, plus que jamais, la succession est ouverte.

Par Olivier ALLOCHEME

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