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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les faux chiffres


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De toute évidence, Fatouma Amadou Djibril a été virée du gouvernement pour avoir appelé indirectement à un troisième mandat de Boni Yayi. Il fallait un geste fort pour convaincre tout le monde que le chef de l’Etat est un ange et qu’il ne fait pas dire à ses ministres le fond de sa pensée lorsqu’il évoque son départ en 2016. Et la ministre de l’Agriculture a été utilisée pour sonder le terrain. Le tollé soulevé par sa déclaration a fait son œuvre. De sources très sûres, on apprend que Yayi a passé à son ministre un de ces savons qu’elle n’oubliera jamais. Et le silence qu’elle a affiché depuis son énorme bêtise est la preuve qu’elle a été littéralement sonnée. Elle n’a jamais pu se relever de son erreur. La dernière décision de la Cour constitutionnelle la cloue au pilori et permet même d’engager des poursuites judiciaires à son encontre pour trouble à l’ordre public.
Mais il y a une autre cause à son départ : ce sont les chiffres désastreux de la campagne cotonnière écoulée. On se rappelle qu’au sortir d’une audience avec le chef de l’Etat, Fatouma Amadou Djibril laissait entendre que la campagne a donné un record historique de 340.000 tonnes. Mais, depuis la semaine dernière, le DG Sonapra nous dit qu’en réalité, le véritable chiffre à considérer est 307.000 tonnes. Il a même eu l’honnêteté de révéler que ces 307.000 tonnes ont subi des dégradations liées à la mouille du coton du fait des égrenages tardifs, de sorte que 10.000 tonnes  ont été perdues. Le  chiffre véritable à considérer est donc 297.000 tonnes de coton pour la campagne 2013-2014. 297.000 tonnes.
Le triomphalisme inutile de la ministre de l’Agriculture qui avait prétendu à tort que les 340.000 tonnes n’ont jamais été atteints depuis l’indépendance de notre pays, ce triomphalisme donc, tombe à l’eau.     Pire, le magazine Jeune Afrique a annoncé la semaine dernière que la filière devrait subir une perte sèche de 50 milliards de FCFA, fruit de la désorganisation du secteur. En clair, on nous a caché la gravité des problèmes du coton. Il est presque sûr que le chef de l’Etat s’en est rendu compte, mais bien trop tard. Tous les cadres du Ministère de l’Agriculture sont même convaincus qu’il faut lui mentir, lui raconter ce qu’il veut entendre pour avoir la paix. Fatouma Amadou Djibril n’a fait qu’utiliser la recette, mais mal lui en a pris.
Il en est des chiffres du coton comme des autres chiffres fournis par le gouvernement. Ils sont souvent faux, motivés par la sombre volonté de manipuler ce peuple que l’on prend pour des rats. L’année dernière, lorsque le président de l’Alliance ABT, Abdoulaye Bio Tchané avait estimé que les chiffres de la croissance économique du Bénin en 2012 ont été biaisés, on lui fit la guerre. La représentation nationale du FMI avait été mise à contribution pour le contredire. Elle s’est sagement alignée sur les chiffres produits par un organisme gouvernemental, l’INSAE. Plus tard, le représentant résident du FMI a été décoré pour ses bons et loyaux services. Il sait, le pauvre, qu’il ne faut pas s’amuser à contredire les chiffres officiels des autorités béninoises.
Je me demande alors s’il ne faut pas remettre en cause les chiffres officiels du coton, y compris ceux rendus publics la semaine dernière et même hier encore par le DG/SONAPRA. Les chiffres donnés sont, en effet, ceux de la production. Ils ne nous disent rien des investissements réalisés par l’Etat pour soutenir la filière en mettant à la disposition des producteurs des moyens matériels et humains dont il faut bien tenir compte pour calculer la rentabilité réelle de la filière. Quelle est donc la plus-value générée lorsque l’on met dans la balance tous les inputs constitués par les moyens humains et matériels ? Seul un audit sérieux et indépendant pourra le dire.
Ne nous trompons donc pas. Même les chiffres les plus tripatouillés finissent par  exploser à la figure de leurs auteurs. La Grèce l’a expérimenté en falsifiant délibérément pendant plus d’une décennie les chiffres réels de son déficit. Elle se relève difficilement aujourd’hui d’une énorme crise ayant entrainé la faillite du pays. Continuons donc à nous mentir et nous verrons comment les faux chiffres du coton, de l’emploi, de la croissance, de la dette ou des déficits sont des bombes sur nos pauvres têtes.

Par Olivier ALLOCHEME

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