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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les élus absentéistes


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J’ignore quel nom lui donner : l’élection de représentants qui désertent les lieux mêmes de leur travail. Plus prosaïquement, il s’agit d’élections de maires qui passent à peine quelques jours par mois dans leurs communes ou de députés  qui n’ont même pas une maison dans leur circonscription électorale.
Je connais des maires qui passent au maximum une semaine par mois dans leurs communes. Traitant leurs affaires au téléphone, ils vaquent à leurs occupations professionnelles à Cotonou ou Porto-Novo. Lorsqu’on les interroge sur cette bizarrerie, ils indiquent qu’il n’y a en réalité aucune différence entre être là en permanence et ne pas y être. Qu’en réalité, on peut tout à fait bien gérer sa commune au téléphone, en donnant quelques ordres par jour aux  adjoints et aux agents. Il y a ainsi de grandes communes dont les premiers responsables sont des fonctionnaires  qui restent toujours en poste à Cotonou ou Porto-Novo ou encore des hommes d’affaires constamment en voyage. Ils ont inventé l’art de gérer de vastes entités territoriales par téléphone !
Nul ne peut les accuser d’être aux abonnés absents là où ils devraient être les premiers arrivés et  les derniers   partis. Le peuple qui les a élus connaissait pertinemment   leur situation avant d’effectuer son choix. Aujourd’hui, beaucoup se plaignent d’avoir cru trop vite aux beaux discours et surtout de s’être laissés berner par l’argent corrupteur ainsi que les bibelots de campagne. Si cette situation inadmissible ne pouvait s’arrêter qu’au maire… En mars 2013, des cadres de la mairie de Natitingou se sont plaints de l’absentéisme notoire de la première adjointe au maire : elle n’avait  assisté à aucune réunion du conseil communal depuis deux ans bien que continuant à percevoir tranquillement son salaire et ses primes.
Mais il y a pire : ce sont les députés. Bon nombre d’entre eux sont à Cotonou ou Calavi. Ils ne mettent pieds dans leurs circonscriptions électorales que pour   quelques réunions, fomenter quelques coups et repartir tranquillement « en ville ». Autant dire qu’ils ne s’intéressent aux problèmes de leurs localités que dans leurs variantes électorales. J’étais ce week-end dans le village d’un député. La ruelle qui mène à son domicile  paternel, le seul dont il peut se targuer dans la circonscription, est presque inaccessible en période de pluie.  L’indulgence sans borne des électeurs et surtout la  maîtrise par les élus,   des groupes locaux d’influence confèrent à leurs manœuvres une certaine efficacité. Nous parlons d’une démocratie représentative dans laquelle la plupart des mandants sont analphabètes ou demi-lettrés…
Mais comme si cela ne suffisait pas, en avril 2013, le président de l’Assemblée nationale s’était élevé contre les députés absentéistes. « … Nous avons remarqué depuis la cinquième législature qu’il y a des députés qui viennent une heure après ou même à la fin de la plénière pour venir signer la liste d’émargement », avait protesté Mathurin Coffi Nago. Il y en a qui ne mettent pied au parlement qu’aux jours de vote ou lorsqu’il y a des dossiers polémiques.
Mieux,   les travaux en commission   sont boycottés par beaucoup de parlementaires.   Bien entendu, le président de l’Assemblée nationale peut se fonder sur l’article 35.2-a du règlement intérieur qui stipule : «   La présence aux réunions des commissions est obligatoire. Toutefois, en cas d’empêchement, un commissaire peut déléguer ses pouvoirs, par écrit, à un autre membre de la commission ». L’article   35.2-c indique : «  Tout commissaire ayant manqué à trois réunions consécutives sans justifications valables adressées au président de la commission, est rappelé à l’ordre par le président de l’Assemblée après rapport du président de la Commission. En cas de récidive et lorsque les absences du député concerné ont atteint le tiers des réunions de la commission au cours d’une même session, il est suspendu de la commission pendant un an, dans les mêmes conditions. Il ne peut s’inscrire dans une autre commission pendant la durée de la suspension. Le député suspendu perd le tiers de son indemnité parlementaire pendant trois mois ». De ces dispositions, on sait ce qu’a fait chaque président de notre parlement. Cette année encore, Mathurin Nago a dénoncé le phénomène, comme il y a trois ans. Sans jamais sanctionner qui que ce soit.
Il est évident qu’ayant obtenu un mandat électif, nos élus s’amusent à prendre leurs libertés avec le plus élémentaire des devoirs : leur présence au poste. Et il est tout aussi évident  que nul ne regardera ces vétilles de Blanc avant de voter au Bénin.

Par Olivier ALLOCHEME

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