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Le triomphe de la vérité

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Edito: Ecole en Sursis


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J’ai beau lire et relire la lettre ouverte envoyée par le professeur Midiohouan ce lundi au Doyen de la FLASH, je ne peux jamais comprendre pourquoi des hommes de chair et d’os peuvent conduire tout un pays à l’abîme.
Oui, nous pouvons comprendre la pauvreté et ses vices dans nos pays si prompts aux éruptions dictatoriales obtuses. Mais il m’est impossible de comprendre comment l’on peut continuer à entretenir l’abjection jusqu’au crime, jusqu’au point de l’infliger aux générations futures. La lettre ouverte du professeur Midiohouan égrène sur le pathos de la fatalité, le long chapelet des maux qui minent nos universités et nos écoles publiques en général. Et je lis ceci : « La solution que nous avons trouvée au manque cruel de locaux qui constitue le casse-tête de toutes les entités de notre université, c’est « la mutualisation » des locaux disponibles dont il faut optimiser l’occupation. Moyennant quoi, on travaille une semaine sur deux et, pendant la semaine travaillée, on fait asseoir les étudiants de 7 heures à 19 heures (sans interruption) pour leur dispenser des cours soi-disant. Samedi, dimanche et jours fériés y compris. » Travailler une semaine sur deux… Si seulement cela pouvait s’arrêter là. Que  non ! Le professeur de  continuer : « Cette année, nous n’avions pas terminé le premier semestre (octobre-janvier) avant le déclenchement d’une grève qui a duré quatre mois. A la reprise, nous avions considéré que le premier semestre était terminé et avions commencé, en avril, le semestre suivant initialement prévu pour durer de février à juin. Le 15 juin, l’administration nous demande de tout arrêter comme s’il n’y avait pas eu quatre mois de grève, et cela parce que les salles sont réquisitionnées pour les examens qui doivent être terminés au plus tard fin juillet, l’Université étant fermée en août. » Le lot quotidien d’un pays où meurt l’intelligence : on évalue des cours qui n’ont pas été faits. L’essentiel est ainsi de donner des notes, qu’elles soient méritées ou imaginaires.  Officiellement, tout à fait officiellement, l’université nous fabrique des diplômés qui n’ont pas suivi les programmes de formation retenus et proclamés. N’allez surtout pas le leur dire en face !!!. Il se trouvera un professeur et Dieu sait en quelle discipline pour vous répondre que vous ne connaissez rien à la pédagogie universitaire. Mais qui diable a inventé cette pédagogie qui enseigne d’évaluer ce que l’on n’a pas enseigné ?
Voici encore que le professeur enfonce le clou en écrivant : « L’administration nous prescrit de donner des épreuves de 2 heures (au Bac, l’épreuve de français dure 4 heures) ! Certains départements de la FLASH en sont réduits à donner des épreuves d’une heure (comme au CEP) ! Ensuite, on fait composer les étudiants le samedi 28 juin, le dimanche 29 juin, le lundi 30 juin et le mardi 1er juillet au rythme d’une épreuve toutes les deux heures, de 8 heures à 18 heures sans interruption, sans tenir compte ni du temps de la communication des sujets ni du temps du ramassage des copies. Et j’ai personnellement deux épreuves qui passent dimanche et lundi de 16 heures à 18 heures, c’est-à-dire à un moment où les étudiants doivent être déjà littéralement claqués ! ».
Il est vrai que la massification de l’enseignement supérieur alliée à la mise en œuvre forcenée du système LMD aboutit à des entorses injurieuses à la pédagogie tout court. La tropicalisation du système  LMD débouche alors sur un enseignement dont la structure semestrielle ne tient pas compte des débrayages ni des problèmes de salles de cours ou même de la pénurie d’enseignants. L’importation ici des vertus du LMD dans des structures universitaires peu préparées à répondre à leurs exigences, oblige les acteurs à fermer les yeux sur les aberrations pédagogiques que dénonce Guy Ossito Midiohouan à travers sa lettre ouverte. Même s’il faut pardonner les erreurs du passé, il faudra aujourd’hui regarder en face les dégâts que cause cette marche sans repères. L’université béninoise fabrique de plus en plus de zombies intellectuels : des diplômés ayant de vagues savoirs théoriques alors que leur pratique professionnelle est lacunaire et souvent désastreuse.
Il en est de l’université comme des autres ordres d’enseignement. Aujourd’hui, dans les collèges et lycées publics, les élèves en classes d’examen croulent sous le poids des polycopies distribuées en guise de cours à apprendre. Après quatre mois de grève, ils iront aux examens et auront peut-être les diplômes requis. Et demain,  les lacunes laissées par ces années de grèves et de bricolages construiront un pays déstructuré.

Par Olivier ALLOCHEME

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