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Le triomphe de la vérité

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Profil: Crespin Kpitiki, un artiste forgé par le destin


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Crespin Kpitiki netCrespin Kpitiki surnommé ‘’Agbagbé’’est l’un des leaders vocaux et percussionnistes pétri de talent du groupe de musique Gangbé Brass Band. Cela fait bientôt une vingtaine d’années que ce monstre de la percussion s’est associé à Martial, Athanase, Eric, James, Lucien et Benoît pour former ce groupe qui,aujourd’hui,fait la fierté du Bénin aussi bien au plan national qu’international. Sa vie actuelle a été moulée dans des couloirs de vicissitudes saisissantes.Tout sur les touchants témoignages de l’homme.

L’homme est plus ou moins corpulent et élancé. En lui, transparaissent modestie et isolement.«J’ai fait de l’humilité, de la détermination et de la discipline mes mots d’ordre. C’est vrai que c’est quelqu’un d’autre qui doit pouvoir m’apprécier. Mais, je sais que je ne suis ni égoïste ni orgueilleux », a-t-il fait savoir en Fongbé. Approchés, les membres de son groupe n’ont pas pu affirmer le contraire.À le voir, on pressent en l’hommela résultante d’une vie froissée par la souffranceet longtemps secouée par les commérages de mauvais alois. « N’ayant plus personne entre temps pour me venir en aide, j’ai plusieurs fois dormi à la belle étoiledans les ruelles du quartier Jonquet à Cotonou, faisant de petits jobs pour me nourrir. J’ai ramassé des tas d’ordures dans les marchés pour gagner entre trois et six francs afin depouvoir m’offrir quelque chose à manger à l’époque. J’ai fait le job d’aide-maçon. Le trésor public que vous voyez-là, je fais partie de ceux qui ont œuvré à sa construction. Cette condition de vie a fait que, dans le temps, malgré mon âge, quand je m’amusais à draguer une fille, je n’acceptais pas qu’elle me rende visite puisque ‘’vous suivez mon regard…’’J’ai connu beaucoup de cas d’accidents», a-t-il révélé. Mais le calme et la gaîté apparente sont les charmes qui couvrent cet étangde douleur en Crespin. Aujourd’hui,il n’aura qu’à repasser dans sa mémoire le film de chacune de ces scènes pour en faire une histoire pour sa progéniture. « À un moment donné, lorsque j’étais avec GnonnasPedro, avec qui j’ai joué pendant longtemps, le payement de notre salaire qui s’élevait à 15.000 F à peu près était devenu presque impossible et certains piquaient rapidement une crise de colère puis disaient des salissures et versaient parfois dans la pagaille. J’étais pratiquement le seul qui gardait mon calme. Et cela avait attiré l’attention de plus d’un. Puis Pedro, paix à son âme,m’a même interpelé là-dessus », s’est rappelé l’artiste, pour donner la preuve de sa discipline, avant d’ajouterqu’il est émotif comme tout homme. Dans le même temps, il arrive que le percussionniste se trouve blessé dans sonamour propre. Et que,dans ce cas, a-t-il affirmé, « c’est difficilement que je parviensà m’extérioriser. Car, par éducation, je sais que je dois toujours réfléchir par millefois avant de m’exprimer, quelle que soit la situation »,pour justifier son silence.De teint noir, avec une figure portant deux brillants yeux, agités et perçants, Crespin laisse une impression et l’image d’une personne frappée à grand coup par les difficultés de la vie.A le suivre de près,le percussionniste semble être un curieux, sans complexe et rempli d’humour. Il a en horreur l’injustice, la honte et la frivolité.Très méfiant et rigoureux, Crespin semble avoir un parfait contrôle de sa personne voire de son destin. « Ce que tout le monde fait et ça marche, quand moi je le fais, ça tourne toujours mal. Ce qui fait que je me méfie beaucoup. Et je ne sais pas mentir. Mon sens de vérité m’attire de la rancœuret l’ennui»,a-t-il fait remarquer. Invité à table, l’artiste affirme aimer prendre de l’akassa accompagné du moyo(une sorte de friture à froid avec de la tomate, de l’oignon coupé en lamelles avec du poisson ou de la viande, selon la convenance).

Crespin et sa carrière

C’est dès le bas âge que Crespin a commencé par tisser la ficelle pouvant le conduire au sommet de son art. À l’en croire, dans son enfance, il n’arrivait pas à s’empêcher de se rendre dans les milieux de manifestations. « Pourvu que j’entende de la musique quelque part, je m’y rends juste pour savourer les sonorités », a-t-il témoigné pour faire remarquer qu’en lui, germaitdepuis bien longtemps une fibre musicale dont il n’avait peut-être pas conscience. Mais, cela n’est pas le fruit du hasard. Le géniteur du musicien était un grand prêtre Vodoun, et avant, il a été adepte d’une divinité qu’il louait à travers des chants.On peut faire le rapprochement et dire, sous peine d’indiscrétion, que le gène a été transmis de père en fils. «Lorsque mon père louait et chantait labravoure de sa divinité, j’étais son seul fils qui l’accompagnait avec des contretemps et lui faisait proprement le chœur. Et il m’aimait vraiment pour cela. Je me souviens encore qu’il me disait ‘’à ma mort, c’est toi qui vas me remplacer’’ »,a confirmé Crespin. Mais rassurez-vous,aujourd’hui, le vocaliste du GangbéBrass Band met exclusivement sa voix au service de Dieu, étant devenu par la force des choses chrétien céleste.Comme quoi, le dernier mot revient toujours au destin quelle que soit la volonté des hommes. « Il fut un temps, ma mère a souffert d’une maladie et peu s’en fallait, la mort allait l’arracher à mon affection. C’est là que j’ai pris le chemin du christianisme céleste et je suis entré dans la chorale. Et c’est dans ce milieu que mon vrai talent s’est révélé à moi et je me suis perfectionné à la percussion. Par la suite, j’ai remarqué que je chantais et je jouais les percussions à souhait et les gens me le disaient également»,a-t-il témoigné. C’était là le début de l’expression authentique d’un don qui a d’abord pris par les chants et danses masquées communément appelées ‘’Kalétaou Koléta’’, selon le dialecte.L’entrée de Crespin dans le groupe GangbéBrass Band remonte à septembre 1995, juste un peu après la création du groupe.Son arrivée a permis au groupe de se redimensionner et d’avoir une nouvelle configuration.Selon ses témoignages, il fait partie des pionniers qui ont eu l’initiativede faire accompagner les instruments par les chants.Sinon, « le groupe était typiquement instrumental. Lorsqu’on jouait, j’avais une petite idée d’entonner régulièrement au cours de nos séances de répétitions des morceaux connus de tous. C’est comme ça que j’ai, un jour, proposé à mes collègues l’introduction des chansons dans nos rythmes. Puis ils ont accepté. Et de là, j’ai composé le tout premier morceau du groupe, ‘’Gangbé a nan sé’’(littéralement : ce n’est que le son du gon que tu entendras).Mais, avant cette étape de sa carrière artistique, l’artiste a pris par l’orchestre de feu Gnonnas Pedro, où l’occasion lui a été offerte d’affuter davantage ses armes à la percussion. Tout ceci grâce à l’une de ses connaissances, Antoine Amlon, alors guitariste de l’ancienne icône de la salsa béninoise.Et comme pour remonter le temps, il a témoigné que malgré les périples, il a appris le métier de chauffeur et que faute de moyen, il n’avait pas pu obtenir le permis de conduire. Et comme si le hasard n’existe pas, Crespin a confié qu’il avait, plus tard, consulté les visionnaires de son église qui lui ont révélé que ce qu’il lui faut, ce sont les petits jobs.Ils ont ajouté que s’il tientvéritablement à poursuivre le métier de chauffeur qu’il ne fera pas de vieux os, qu’il connaitra vite la mort.Aujourd’hui, à côté de la musique, Crespin est un éleveur de lapins, de poules pondeuses, de canards, de moutons etc. Bien qu’étant sociétaire dugroupe Gangbé, il a son album solo de douze titres.

 

Etudeset vie privée

Né de GassètoKpitiki et d’Elisabeth Zinsou, Crespin n’a pas connu une enfance rose et l’épanouissement scolaire auquel a droit tout enfant. Le défaut de moyens en a été la raison principale. De la même façon, son histoire d’amour avec sa femme, Yvette Sonangnonqui est restée la seule jusqu’à ce jour (NDLR : moment où se tenait l’entretien), est une histoire pleine de rebondissements liée aux conspirations destructrices, aux médisances et aux commérages, selon les témoignages de l’artiste. Et il a fallu l’intervention de sa belle-mère pour que son union avec cette dernière soit aujourd’hui un succès. « La misère nous secouait tellement que, parfois, c’est ma belle-mère qui nous faisait les emplettes de sa poche. Il y en a même qui disaient, à l’époque où j’essuyais la misère, que je n’avais rien pour pouvoir garder cette grande femme – puisque ma femme est de grande taille », a témoigné Crespin.Originaire de Ouidah, le percussionniste est aujourd’hui un quinquagénaire épanoui.

Teddy GANDIGBE

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