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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Noël Chadaré, Sg/COSI-Bénin:« Si l’année est blanchie, ce sera la faute de Yayi et non des syndicats »


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Noël Chadaré, Secrétaire général de la Confédération des Organisations Syndicales Indépendantes du Bénin (COSI-BENIN) regrette que l’ultime rencontre annoncée hier mardi entre les syndicats et le Chef de l’Etat ait été reportée à plus tard. Mais il rassure que les syndicalistes, de leur côté, joueront toute leur partition pour éviter une année blanche au Bénin, même s’il précise que la clé du dénouement de la crise actuelle se trouve dans les mains du Chef de l’Etat.

L’Evènement Précis : Monsieur le Secrétaire général, les centrales syndicales devraient avoir une rencontre mardi matin avec le chef de l’Etat, mais elle a été reportée parce que le président devrait se rendre à Abidjan pour aller saluer son homologue Allassane Ouattara qui a connu quelques ennuis de santé, ces dernières semaines. Qu’en dites-vous ?

Noël CHADARE : On s’apprêtait effectivement à nous rendre au palais quand nous avons reçu un coup de fil du ministre de la Fonction publique, nous demandant de l’attendre à la Bourse du Travail. On l’a donc attendu sur le perron, et il est arrivé pour nous notifier que le Chef de l’Etat a un voyage à 11 heures avec Faure Gnassingbé, le président du Togo, et que les deux devraient se rendre à Abidjan pour une rencontre avec le président Alassane Ouattara. Et que si on devrait nous recevoir dans ces circonstances, ce sera trop bref et on n’aura pas le temps d’aller au fond des sujets à débattre. Il a donc souhaité que nous reportions cela. Nous avons donc pris acte de ce que le chef de l’Etat trouve qu’il est plus urgent d’aller voir le président Ouattara, et moins urgent de discuter avec les partenaires sociaux sur la situation actuelle de notre pays. Cela montre vraiment l’importance qu’il accorde à la présente crise sociale.

Est-ce que le ministre vous a promis une autre date ?
Le ministre a promis qu’à son retour, il nous rappellera, parce qu’il voudrait bien que cela soit une discussion qui prenne du temps afin que tous le sujets soient abordés.

Il était annoncé que lundi dernier, vous devriez rencontrer la base pour voir la conduite à tenir après la séance de négociation avec le gouvernement tenue vendredi dernier. La rencontre a-t-elle eu lieu ?
Nous avons déjà pris les attaches avec nos différentes bases. Vous savez qu’il y a le téléphone qui facilite tout. Il y a nos démembrements qui ont fait des assemblées générales dans tous les départements, et on a eu le feed-back. Ce qui est retenu est qu’il faut continuer le mouvement parce que les enseignants n’ont pas encore eu gain de cause. On en renvoyé certaines de nos revendications dans une commission inexistante, à savoir les 25% et les frais de défalcations de 2012. Et les enseignants qui sont très engagés au sujet de la lutte n’entendent pas céder à cette proposition, sinon c’est comme s’ils n’ont rien gagné. Nous continuerons donc la lutte.

La lutte continue. Vous, vous êtes syndicaliste. Mais vous êtes également un enseignant. Aujourd’hui, nombre de gens estiment que la grève fait beaucoup plus de mal à l’école béninoise qu’aux autres secteurs de l’administration, au point où on craint déjà une année blanche. Quelle est votre appréciation au sujet de ces craintes ?
Comme vous le dites, je suis effectivement un enseignant, professeur de français au Ceg de Godomey et j’ai une classe de terminale qui a pour matière fondamentale le français. J’ai donc hâte de retrouver mes élèves. Ce n’est donc pas de gaîté de cœur que je suis en grève. Je l’observe la mort dans l’âme. J’espère donc que le pouvoir fera un effort. La responsabilité lui incombe de désamorcer la grève. Le pouvoir n’a pas besoin de dépenser des frais énormes pour régler cette situation. C’est une question de volonté et de choix. Le commissaire central de Cotonou, Pierre Agossadou et le Préfet peuvent être suspendus. Et c’est ce que nous avions d’ailleurs proposé aux négociations, en attendant que la commission disciplinaire mise en place ne prononce son verdict. Boni Yayi pouvait, en tout cas, les suspendre en attendant, comme il l’avait fait pour le ministre Noudégbessi, et c’est déjà un précédent dans notre pays. On avait demandé leur relèvement, mais entretemps, on a mis de l’eau dans notre vin pour dire qu’il faut plutôt les suspendre. Autre chose, les 25% des enseignants, c’était déjà dans un décret. On n’avait donc plus besoin de renvoyer cette revendication à une commission avant de trouver une solution.

Si donc le président arrive à prendre une décision en ce qui concerne ces deux personnalités, à savoir, le Préfet Azandé et le commissaire Agossadou, vous allez alors démordre ?
Oui, puisque c’est cela qui nous a envoyé surtout en grève. En plus du dossier du concours frauduleux. On a même annoncé la décision du pouvoir sur ce dossier pour le 21 mars prochain. Mais, on pouvait accélérer, c’est une question de volonté, on pouvait l’annuler automatiquement. Ce sont des choses qui peuvent décrisper l’atmosphère.

Alors, entre la suspension de deux cadres de l’Etat qui ont déjà eu tout ce dont ils ont besoin pour leur vie, si on peut parler ainsi, et l’avenir des apprenants, vous avez quel choix à faire en ce moment ?
Pour nous, c’est une question de liberté. Et il faut se battre pour cette liberté quoi que cela coûte. Ces deux personnes, à savoir, le commissaire central et surtout le préfet, surtout lui, parce que c’est lui qui a commandité tout, seront responsables s’il y a une année blanche, et non les enseignants. Si on n’avait pas gazé les gens et empêché la marche, il n’y aurait pas eu grève. Il faut le dire. Pour ceux qui pensent que les politiciens sont en-dessous, ils se trompent, on n’a aucune accointance avec la politique. On reçoit tout le monde ici, qu’il s’agisse des FCBE ou de l’Union fait la Nation. La Bourse du Travail est leur maison et ils viennent tous ici. Nous n’avons pas en projet de déstabiliser un pouvoir. Nous sommes des légalistes. Yayi a été élu et il terminera son mandat. Nous nous battons pour les libertés, pour la sécurité, pour le respect des engagements que l’Etat a pris envers les travailleurs.

Si le Chef de l’Etat vous rencontrait dans les heures qui suivent et vous demandait de laisser tomber, vous le feriez ?
On laissera tomber, s’il nous fait des propositions justes, qui permettent aux travailleurs d’en bénéficier.

Apparemment, vous ne semblez pas sensible aux cris de détresse des parents d’élèves et même des élèves.
Je voudrais dire aux parents d’élèves que nous, secrétaires généraux, signataires de la motion de grève, ne sommes pas pour une année blanche. Et nous jouerons notre partition, pour qu’on n’en arrive pas là. C’est au gouvernement de faire un petit effort pour que, de part et d’autre, nous sortions de la situation. Nous ferons, en tout cas, tout pour éviter une année blanche. C’est notre souhait. Mais si cela arrivait, ce sera alors du fait du pouvoir.

Après déjà plusieurs semaines de grève, comment peut-on rattraper ce grand retard?
Non, rassurez-vous, on n’a pas encore franchi la ligne rouge. On a déjà fait trois mois et demi de grève dans ce pays en 2004. Mais nous avions rattrapé. Or, aujourd’hui, nous n’avons pas encore fait deux mois, nous sommes dans la huitième semaine actuellement, le rubicond n’est donc pas encore franchi. Nous pouvons trouver encore une solution. Que les parents d’élèves aussi s’en mêlent. Un peu comme ils nous appellent souvent pour faire pression sur nous, qu’ils le fassent aussi sur le pouvoir. Ce ne sont pas les travailleurs et les secrétaires généraux seuls qui ont la clé de la solution. Elle se retrouve aussi au niveau du chef de l’Etat qui est le dernier recours. Je souhaite retrouver très bientôt mes élèves, leur chaleur me manque déjà. L’ambiance dans laquelle je travaille avec eux me manque aussi. C’est eux qui donnent un sens à mon existence.

Propos recueillis par Christian TCHANOU

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