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Le triomphe de la vérité

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Utilisation du bromate de potassium produit toxique dans la panification: Du pain empoisonné vendu aux Béninois


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pain1Interdits d’importation, de vente et d’utilisation au Bénin, certains produits toxiques continuent d’être utilisés dans la fabrication du pain au Bénin. Parmi ceux-ci, le bromate de potassium, un produit hautement toxique et cancérigène dont usent et abusent des boulangers pour obtenir le plus de pain possible.

Il ne fait aucun doute et des enquêtes l’ont confirmé : au Bénin, certains boulangers font usage du bromate de potassium pour fabriquer le pain qu’ils proposent à des millions de consommateurs sur toute l’étendue du territoire. Friands d’un pain doré et croustillant, nombreux sont, ainsi, les Béninois exposés à des troubles gastro-intestinaux et rénaux, ainsi qu’à des lésions au niveau du système nerveux et même au cancer de plusieurs organes (reins et thyroïde). Guidés par le gain et profitant de l’absence de contrôles rigoureux et systématiques de la part des autorités concernées, ces boulangers sont ravitaillés en bromate de potassium grâce à un réseau bien ficelé et très difficile à appréhender, alors que ce produit est interdit par l’arrêté interministériel N°004/MICPE/MFE/DC/SG/DCCI/DCE du 06 janvier 2005 portant interdiction de la commercialisation de certains adjuvants en République du Bénin. Le produit se présente sous forme de comprimés dans des boîtes cylindriques. Achetée à 10.000 francs CFA environ, la boîte de 250 comprimés, le bromate de potassium est écrasé ou dissout dans de l’eau avant d’être incorporé à la pâte de pain qu’il fait gonfler. Ainsi, s’il devrait normalement obtenir 50 pains, le boulanger finit facilement par en sortir 60 à 70 du four. Les pains les plus touchés par cette pratique sont les pains dits bâtards, vendus à 125 francs et qui sont d’ailleurs les plus consommés dans le pays. En mars 2009, Armand Zinzindohoué, alors ministre de l’Intérieur avait adressé à sa collègue du Commerce, à l’époque, un courrier dans lequel il invitait les services compétents de ce Ministère à prendre des dispositions en vue de démanteler le réseau de distribution des boulangeries indexées dans l’utilisation du bromate de potassium. Quatre ans plus tard, la situation persiste et, bien que partielles, les statistiques disponibles ne rassurent pas. Dans les départements de l’Ouémé et du Plateau, par exemple, des enquêtes menées de 2010 à 2012 par des équipes de la Direction départementale de l’Industrie, du commerce, des petites et moyennes entreprises de l’Ouémé-Plateau nous apprennent que près de 75% des boulangeries utilisent des substances toxiques pour fabriquer du pain. Des mesures pour préserver la santé des populations s’imposent alors le plus tôt possible. Car, selon le Dr Philippe Capo-Chichi, le Directeur du Laboratoire national de toxicologie, « un échantillon de pain peut en contenir mille fois plus que la limite conseillée». Guidés par la recherche du maximum de profit, les boulangers coupables du fait n’hésitent pas à en mettre de grosses quantités. «Ils en mettent suffisamment de manière à avoir, à partir d’une petite pâte, beaucoup de pain », souligne, justement, à ce propos, M. Gbaguidi. Selon lui, on ne saurait dire, avec exactitude, qui de l’informel ou du formel emploie cette pratique nuisible à la santé. Car, faut-il le souligner, le secteur est infesté d’illégaux qui viennent y livrer une bataille des plus impitoyables aux professionnels régulièrement autorisés et installés. Constitués en association, l’Association Nationale des propriétaires et exploitants des boulangeries et pâtisseries du Bénin, ces derniers se sont donné pour mission de restructurer totalement le secteur et y mettre de l’ordre. Les pourparlers sont en cours avec les autorités du Ministère de tutelle, a annoncé, à ce propos, le président de l’association, décidé à remettre les choses en place.

 « L’industrie du pain est une industrie malade », Dr Emmanuel Sèdégan, ancien directeur de la Promotion industrielle

Ancien directeur de la Promotion industrielle, Dr Emmanuel Sèdégan a mené des actions visant à assainir le milieu. Des actions qui, paradoxalement, n’ont pas été appréciées. Voici son témoignage.

 « Ma première opération en tant que directeur de la promotion industrielle, c’était à Bohicon. On s’était levés très tôt, parce que le pain se fabrique très tôt. On a pris les gens, la main dans le sac. Le produit était là. Ils ne pouvaient pas nier. A Parakou, j’ai visité trois boulangeries. La première utilisait encore le produit, le bromate de potassium interdit au plan mondial, y compris au Bénin, par les textes. La deuxième boulangerie aussi utilisait le produit. Je voulais faire un grand bruit. On a voulu me corrompre. A Bohicon, on m’a donné de l’argent, mais j’ai refusé. Partout, la réaction du peuple a été très négative. J’étais assailli par les revendeuses, bébé au dos, qui sont venues me voir pour me dire de laisser tomber. Le prophète Osée a dit « Mon peuple meurt, faute de connaissance ». Maintenant, le peuple a la connaissance et choisit de périr. Nous en sommes arrivés à une déchéance morale, éthique. Ça dépasse l’entendement. Je pensais avoir fait ce qui est bon. (….), ça a été relayé par la presse, et mon intervention est encore visible sur mon site, www.sedegan.com. J’ai reçu beaucoup de coups de fils d’amis qui m’ont dit qu’on ne fait pas ça au Bénin, que les gens ne vont pas m’aimer. Je pensais avoir fait quelque chose de bien. J’arrive à Cotonou et mon ministre m’appelle, dit au Directeur général de l’industrie de m’envoyer une demande d’explication. J’y ai répondu et expliqué que je ne peux voir du faux et accepter la compromission. Il s’agit de la santé du peuple. En notre temps, le pain était un aliment de luxe. Aujourd’hui, c’est un aliment vulgaire. Si on ne ménage pas ce qui est devenu vulgaire, c’est grave pour le peuple ! On ne peut pas faire l’émergence d’un peuple. Les études ont prouvé que le bromate donne le cancer. Le problème est si sérieux qu’un ami très haut placé est venu me voir dans mon bureau pour me féliciter et me dire que j’ai fait ce que personne n’a jamais fait au Bénin, mais de ne plus le faire. J’ai constaté aussi que, la plupart des gens qui ont des boulangeries sont aussi des gens qui ont des moyens, sont bien avec tous les milieux, ou parfois sont dans ces milieux politiques. D’ailleurs, quand je devais faire l’opération à Comé, on a refusé de me donner la voiture, le carburant. J’ai dû préfinancer moi-même. J’ai parlé au président Zinsou. Il a pris un rendez-vous pour moi, un mercredi, avec le chef de l’Etat. Le Président de la république m’a reçu pendant 40 secondes environ. J’ai l’art de parler. Ce que je voulais lui dire, j’ai dû le résumer et lui dire qu’on ne peut pas faire le développement avec un peuple cancérigène. Le président a eu une très bonne réaction. Ce n’est pas son domaine. Il doit déléguer des pouvoirs. Il a appelé le ministre Kessilé Tchalla. Mais, on n’en a plus jamais reparlé avant que ce dernier ne quitte le Gouvernement. Je ne dis pas que les pains sont cancérigènes à 100%. On dit que les pains sucrés contiennent du formol. Avec tout le niveau d’insécurité qu’on reconnaît au Nigéria, on m’a dit que tout fabricant de pain doit mettre dessus ‘’without bromate’’. Ça veut dire que le Nigéria a pris des mesures conservatoires. Qu’est-ce que le Bénin ne peut pas faire pour que le peuple soit en bonne santé, surtout que le pain n’est plus un luxe ? Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas me retrouver dans la corruption. Tout le monde voit, mais on laisse, on se complait et on laisse faire. Tout le monde sait que c’est impropre. Allez au marché Dantokpa. Quand vous achetez la farine de blé, ils vont vous demander si vous voulez acheter « la chose », parce qu’ils ne l’exposent pas publiquement, puisque c’est interdit et dangereux. Quand j’ai mis ce produit dans ma main pour le montrer à la presse à Parakou, ma main est restée noire pendant près d’un an ! Ceux qui peuvent faire quelque chose pour que ça change gênent des intérêts. Vous pouvez être au poste et on peut vous contourner. Si vous n’avez pas le soutien de la hétérarchie aussi, c’est comme ça. Le soutien de la hiérarchie manque, les moyens pour le faire aussi. Soit, on vous enlève, soit, si vous êtes directeur, on trouve quelqu’un qui est sous vos ordres pour aller faire les mêmes contrôles industriels, parce que là, eux ils vont se rassasier d’une certaine manière. Je constate que le problème perdure et personne ne remet rien en cause. Si c’était dans un pays où on se respectait, après que j’ai fait cette émission, le Parlement devait interpeller le Gouvernement. La Société civile devait interpeler le Gouvernement. Les journalistes aussi sont complices. Leur silence est coupable. La presse devrait relayer, mettre la pression sur le Gouvernement. Des voies existent. Ce qu’il faut faire, c’est de créer carrément une agence de surveillance de l’alimentation et la doter de tous les moyens, en hommes et en matériels. Le problème des boulangeries clandestines est très grave et ce ne sont pas les clandestins seulement qui font la chose. L’industrie du pain est une industrie malade. Elle est malade de l’autorité qui est impuissante à faire respecter les textes. Elle est malade de la gourmandise de ceux qui savent que c’est mauvais et pourtant qui vendent ce qui est mauvais pour tuer le peuple. Elle est malade de la complicité de la presse, du silence du parlement et du silence de la société dite civile si elle n’est pas si vile ».

Propos de quelques consommateurs

Etienne Assogba, président de l’Union communale des producteurs de Dassa-Zoumè

« Que les services compétents saisissent les pains et sanctionnent les boulangers »

 « Il y a plusieurs pains, aujourd’hui. Ça fait le problème de la DANA (Direction de l’alimentation et de la nutrition appliquée, ndlr), qui doit faire des contrôles et sanctionner ceux-là. Tant que la DANA, service assermenté du contrôle de la qualité des aliments n’agit pas, nous consommateurs, on ne peut pas connaître le pain qui contient des substances toxiques sur les étalages. On dit que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont des rumeurs. Donc, il faut que les services assermentés montent sur les étalages, saisissent des pains, sanctionnent des boulangers. Là, ça va réduire ces manœuvres frauduleuses, comme on a fait pour les boissons alcoolisées frelatées. Quand la Direction du Commerce est allée dans les marchés et a fermé des commerces, les gens ont eu peur. Il faut que la DANA prenne ses responsabilités ».

Pascal Tchékounou, Conseiller en nutrition

« Il y a des substances nocives que les gens utilisent »

 « Je suis un rare consommateur de pain. Je me suis toujours posé la question de savoir si les autorités compétentes contrôlent la manière dont les gens fabriquent le pain au Bénin. Je sais qu’il y a des substances nocives pour la santé que les gens utilisent pour faire gonfler le pain. Mais pourtant, à aucun moment, l’accent n’a été mis par les structures concernées sur les dangers que courent les populations».

Robert T., Enseignant à Tori-Bossito

« Je pense qu’on ne saurait continuer à en manger »

« Je consomme du pain. J’ai entendu parler récemment de certaines pratiques sans y prêter une attention particulière. Si ces pratiques sont avérées, alors, nous sommes bien paumés. Nous sommes perdus. Car, nous sommes sans protection. Je pense qu’on ne saurait continuer à en manger, surtout que même des villageois vous mettent en garde en vous informant que les pains seraient toxiques».

Ramanou Gbadamassi, Opérateur économique

«Le pain, tel qu’il est livré, aujourd’hui, présente des aspects dégueulasses »

 « Le pain, tel qu’il est livré, aujourd’hui, au consommateur béninois présente des aspects dégueulasses. D’abord, vous avez l’impression que ce n’est pas bien cuit. On a des pains entièrement blancs, et on se demande si c’est à cause d’un produit, ou si c’est la chaleur qui n’a pas été suffisante. En plus de cela, le pain varie d’une localité à une autre. Le pain que vous achetez à Bohicon est totalement différent du pain que vous consommez à Cotonou. Même quand vous prenez la région de Cotonou, à Womey où je me trouve, par exemple, les pains qu’on nous vend sont différents des pains que je trouve à Cotonou. Il y a aussi un grand problème d’hygiène qui se pose à propos des pains qu’on nous vend dans la rue. Il faudrait que l’Etat s’implique dans leur fabrication et essaie de recycler les promoteurs de ces boulangeries-là. C’est vrai que c’est un secteur que les gens n’aiment pas toucher. Mais, il va falloir le faire, parce que la santé des Béninois en dépend. Il faut qu’il y ait des contrôles et si quelqu’un tombe sous le coup de la loi, il faut taper fort. D’habitude, quand je rentre à la maison les soirs, vers le carrefour Togoudo, je vois un monsieur qui amène un gros panier rempli de pains, au bord de la voie, en plein air, avec toute cette poussière et reste là jusqu’à 22/23 heures. Normalement, on doit appréhender ce monsieur, parce que ces conditions de vente exposent les consommateurs. L’Etat ne doit plus croiser les bras. Les associations de défense des consommateurs n’ont pas les moyens et ne peuvent que dénoncer ce qui se passe. C’est l’Etat qui dispose des moyens pour réprimer. Il y a beaucoup d’illégaux dans le secteur qui exercent dans des maisons, avec des fours qui ne sont pas appropriés et une main d’œuvre sous-payée. L’Etat doit pouvoir interdire ça et désormais, étiqueter les pains à partir des vendeuses des boulangeries et là, en cas de problème, on saura la boulangerie qui a fabriqué ce pain».

Réalisation: Flore S. NOBIME

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