.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito du 14 octobre 2013: L’UA en protection


Visits: 1

 

Il n’y a désormais que Dieu pour rendre justice aux centaines de morts, aux milliers de blessés et de déplacés engendrés par les violences postélectorales au Kenya. L’Union africaine (UA) a clairement demandé à la Cour pénale internationale (CPI) de surseoir aux poursuites à l’encontre du président kényan et de son vice-président impliqués dans les massacres à grande échelle ayant eu lieu à la suite des élections de 2007 à 2008. Réunis à Addis-Abeba ce week-end, les dirigeants africains ont donné leur quitus à l’arrêt du processus enclenché par l’institution pour juger les deux hommes d’Etat soupçonnés de crimes contre l’humanité.

La position de l’UA tranche fortement avec les avancées les plus récentes du droit international en matière de crime contre l’humanité. Elle dénie même aux victimes le droit à la justice. Est-ce que l’UA se préoccupe même de ces femmes violées, de ces vieillards massacrés, de ces enfants tués par milliers ? Non, elle se préoccupe de deux individus autrefois ennemis jurés mais qui, par la force des arrangements politiques, sont devenus partenaires : Uhuru Kenyatta et William Ruto. 1100 personnes environ tuées et leurs familles respectives n’auront pas droit à la justice. A  cause de deux individus que l’UA a subitement rendus intouchables.  « On entend parler de protection des leaders, pas des victimes », a rétorqué Koffi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations Unies avant d’ajouter : « Ce n’est pas l’Afrique qui est en procès à la CPI, ce sont des individus et la culture d’impunité ».

               Bien entendu, ce n’est pas le point de vue des leaders africains. Et cela ne rappelle que Rostand qui disait, tragiquement d’ailleurs: « On tue un homme, on est un assassin. On en tue des milliers, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu ». C’est en effet une belle impunité que s’arrachent non seulement les tueurs du Kenya mais aussi ceux qui sont au Soudan, en Erythrée, en Egypte ou ailleurs en Afrique. Ils continueront à se moquer de la justice. Peut-être sans le vouloir, ils viennent d’enlever aux femmes des disparus, à leurs pères ou à leurs mères, à leurs amis et à leurs enfants orphelins tout espoir de connaitre la vérité. La vérité qui affranchit. Le sauront-ils ? J’en doute.

Il y a quelques mois, j’ai rencontré une jeune consœur sierra-léonaise. Elle a été violée durant la guerre civile qu’a connue son pays. A l’âge de douze ans. Dix ans après, elle continue d’en trainer les stigmates jusqu’aujourd’hui, notamment au plan psychologique. Idem pour un autre, sierra-léonais toujours qui a vu, vu de ses yeux, sa  petite sœur violée et assassinée. Leurs maisons dévastées. Ces cas sont légions au Libéria, en Sierra-Léone ou en RDC.

Que dire alors de ces nombreuses femmes violées puis sauvagement massacrées par les groupes armés en République démocratique du Congo ? On leur rétorquera que l’Union africaine  a décidé de protéger leurs bourreaux ou leurs commanditaires si jamais celui-ci s’appelait Joseph Kabila. Pour les morts ou les blessés, on leur dira peut-être que la paix future repose sur l’impunité…pourquoi pas sur l’oubli. L’effroyable équation de ceux qui tuèrent, pillèrent, volèrent et violèrent.

Il est vrai que les clients de la CPI jusqu’ici ne sont que des Africains. Mais il faut se demander si le problème, c’est la CPI ou s’il ne réside pas au contraire dans les pouvoirs africains ivres et sans repère.

Il y a comme un cynisme froid qui empêche les dirigeants africains de voir que les crimes d’hier et ceux d’aujourd’hui  ne peuvent se pardonner sans un minimum de justice. Juger aujourd’hui est le plus sûr moyen d’agir sur le mental des futurs criminels. Ne pas juger, c’est accumuler les frustrations qui vont allumer les explosions de demain.

Mais nos dirigeants pensent que c’est en se taillant une immunité à leur mesure qu’ils échapperont à la justice. Ceux et celles qui ont souffert dans leurs chairs et dans leurs âmes de ces atrocités ne les laisseront jamais en paix. Beaucoup s’organisent avec les organismes internationaux pour trouver la parade nécessaire à cette forfaiture de l’UA.

Par Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%


Plus sur ce sujet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page