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Le triomphe de la vérité

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Edito: Avant dernier au monde


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logo journalLe Bénin est-il vraiment l’avant dernier pays au monde en matière de bonheur ? C’est ce que démontre un rapport des Nations Unies sur le bonheur dans le monde publié le 9 septembre dernier. Il y a, dans cette information abondamment relayée la semaine dernière, deux éléments qui frappent l’attention.
Le premier, c’est le rapport lui-même. Il est issu d’une approche nouvelle de développement née de la volonté de plus en plus exprimée par les chercheurs d’inclure d’autres paramètres dans l’évaluation de la performance des Etats. L’une des têtes de proue de cette tendance née depuis quelques décennies est bien John Helliwell, l’un des trois auteurs dudit rapport, au même titre d’ailleurs que Richard Layard et surtout Jeffrey Sachs. Ils sont tous opposés à l’utilisation du produit intérieur brut comme seul instrument de mesure du progrès des nations.
Certains Etats comme le Bhutan depuis 1970, et, plus récemment, le Royaume uni et la Chine, ont fait du bonheur un objectif de politique publique. Ceci implique évidemment des mesures d’amélioration de la qualité de vie ainsi que des instruments d’analyse plus élaborés. Depuis 2009, le rapport de la Commission Joseph E. STIGLITZ, Amartya SEN, et Jean-Paul FITOUSSI sur la mesure des performances économiques et du progrès social, a mis en place des instruments de mesure internationalement admis. Cette commission a été installée en février 2008 par le Président français Nicolas Sarkozy insatisfait de l’état actuel des informations statistiques sur l’économie et la société avec pour mission de déterminer les limites du PIB en tant qu’indicateur des performances économiques et du progrès social, de réexaminer les problèmes relatifs à sa mesure, d’identifier les informations complémentaires qui pourraient être nécessaires pour aboutir à des indicateurs du progrès social plus pertinents, d’évaluer la faisabilité de nouveaux instruments de mesure et de débattre de la présentation appropriée des informations statistiques. La composition de la commission ne laisse aucun doute : ce sont plus d’une vingtaine d’universitaires comptant parmi les meilleurs au plan mondial et dirigés par Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001.
Et c’est d’ailleurs pourquoi la Commission Européenne ainsi que l’OCDE ont également adhéré aux résultats de cette commission. Au regard de tout ceci et notamment de l’intérêt grandissant que prennent les recherches sur le bien-être, le Centre d’étude des standards de vie (CSLS en Anglais) a organisé une conférence à Ottawa en décembre 2010 en vue d’introduire et d’étendre les discussions sur les implications politiques des recherches sur le bien-être et le progrès social. En juillet 2011, les Nations Unies ont adopté une résolution invitant les pays membres à mesurer le bonheur de leur peuple et à en utiliser les résultats pour guider leurs politiques publiques.
L’aboutissement de toutes ces démarches a été la publication en 2012 du premier rapport sur le bonheur dans le monde, sous la bannière de l’ONU. L’étude est réalisée par l’Earth Institute de l’université de Columbia aux Etats-Unis et est dirigée par le professeur Jeffrey Sachs, conseiller du secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il est le seul universitaire à avoir figuré plusieurs fois au classement des personnalités les plus influentes du monde publié par le magazine américain Time Magazine.
Ce rapport mesure le revenu par habitant, l’espérance de vie en bonne santé, l’absence de corruption, la capacité à pouvoir compter sur quelqu’un, le pouvoir de faire ses choix de vie librement et la générosité. Ces critères sont loin de ceux utilisés jusqu’ici par nos Etats. Ils traduisent un changement radical de paradigme dans l’évaluation des politiques publiques, ce qui aura des répercussions claires dans les prochaines années sur l’aide internationale.
Ce long détour, comme on le voit, est nécessaire pour analyser les propos du Chef de l’Etat comme du ministre du développement la semaine écoulée, sur les conclusions de cette étude. A bien les entendre, Ban Ki-Moon ne serait pas informé de ce rapport qui nous place avant dernier au monde. Et surtout que les auteurs sont des gens en quête d’argent pour produire leurs feuilles. Ce sont des arguments qui ne valent pas la peine d’être commentés.
Pour ce qui est du classement du Bénin, il est peut-être discutable. Mais si l’on observe les critères mis en œuvre, on peut se demander en quoi un gouvernement doit s’offusquer de ce que l’on mesure par exemple l’espérance de vie en bonne santé, l’absence de corruption, la capacité à pouvoir compter sur quelqu’un, … Est-ce à dire alors que tous les autres rapports de l’ONU, notamment ceux sur les OMD qui nous placent en des positions flatteuses, sont publiés par des individus mal intentionnés ?

Par Olivier ALLOCHEME

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