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Le triomphe de la vérité

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Edito: Cécile Kyengé, la dignité du fond de l’injure


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Logo facebookJe suis tombé sous le charme de la ministre italienne de l’intégration. Non pas du fait de ses attraits physiques, mais de par la force de caractère que dégage Cécile Kyengé face au déluge d’insultes qui pleuvent sur elle.
Quelle ordure reste-il encore à jeter sur la Congolaise ? Quelle injure raciste n’a-t-elle pas encore essuyée dans une Italie à la dérive ?
Il y a deux semaines, un homme lui a lancé sans l’atteindre deux bananes lors d’une conférence de son parti, le PD, le parti démocratique. Patiente, placide même, elle a fait mine de ne pas relever l’acte clairement raciste qui l’assimile à un singe (mangeur de banane). « Avec tant de gens qui meurent de faim et la crise, c’est tellement triste de gâcher ainsi de la nourriture », a dit la ministre. Tout simplement.
« Nous n’acceptons pas des leçons de civilisation du premier étranger qui passe », peut-on lire sur la page Facebook d’un groupe raciste. Une conseillère municipale est allée plus loin. Réagissant à un article intitulé « Les crimes des immigrés », elle a eu ces mots scabreux sur sa page Facebook : « Mais pourquoi personne ne la viole jamais, juste pour lui faire comprendre ce que peut éprouver la victime ? ». Une femme qui appelle au viol !!! Heureusement, l’élue a été exclue de son parti pour incitation à la violence sexuelle, et la justice l’a condamnée à 13 mois de prison avec sursis et trois ans d’interdiction de toute fonction officielle. Mais ce ne sera pas le cas pour un autre élu Roberto Calderoli, vice-président du Senat.
Comparant Cécile Kiengé à un orang-outan le 13 juillet dernier, il s’est attiré les foudres du chef du gouvernement Enrico Letta qui exigea un temps sa démission. Mais, il finit par oublier ses exigences, soucieux de préserver l’équilibre de sa majorité. Quant au président italien, il a mis en garde contre « le langage et le comportement sans frein et irresponsable des politiques », susceptibles, selon lui, de provoquer la « désintégration de la société ». Face à la tempête, Roberto Calderoli a présenté des excuses. Au comble de la délicatesse, il a même envoyé un bouquet de fleurs à la ministre…
Tout en acceptant les excuses et les fleurs de son offenseur, Cécile Kiengé n’a pas manqué de rester digne: « On ne peut pas dire que l’Italie soit raciste, c’est un manque de connaissance de l’autre et des phénomènes migratoires », clame-t-elle, stoïque.
Dans un entretien à La Libre Belgique, la ministre a refusé de stigmatiser l’Italie tout entière à cause de « certaines voix qui hurlent malheureusement plus fort que les autres ». Le changement est déjà en cours, estime-t-elle : « Il y a actuellement une grande sensibilisation en ce qui concerne la prise de conscience du racisme ». Elle avoue même travailler à une grande campagne contre le racisme en Italie. L’objectif poursuivi est d’engager un « changement culturel », faire comprendre que les différences « ne tuent pas » mais « enrichissent ».
Cette voix singulière qui proclame sa politesse devant l’impolitesse et la rustrerie est l’un des modèles d’humanité de notre époque. Autant les actes racistes d’une rare violence sont bas, autant les réactions de Cécile Kyengé ont revêtu la forme sublime de la civilisation la plus moderne que nous souhaitons.
Et j’entends d’ici le Mahatma Gandhi : « Donner un verre d’eau en échange d’un verre d’eau n’est rien. La vraie grandeur consiste à rendre le bien pour le mal.» Mais en fait, ce n’est pas le moindre des symboles que l’exemple de cette mortification extrême vienne d’un Africain. Héritière de ce peuple que brûlèrent mille coups de fouet, descendante de ceux qui souffrirent les mille humiliations des siècles de traite et d’esclavage, Cécile Kyengé relève la tête, altière.
Je dis que ce n’est pas tant d’admirer l’incroyable humanité qui transpire de Nelson Mandela. Il faut encore suivre la voie de tolérance qui vient de la ministre italienne. Pour parler comme Césaire, nous constatons que « Ceux qui n’ont inventé ni la poudre ni la boussole/ Ceux qui n’ont jamais su dompter la vapeur ni l’électricité /Ceux qui n’ont exploré ni les mers ni le ciel… » sont aujourd’hui les vrais porteurs d’humanité.

Par Olivier ALLOCHEME

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