.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito: Mobilisation zéro


Visits: 4

« Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux »,
disait Stéphane Hessel dans son fameux Indignez-vous! (2010). Ces mots qui déclenchèrent des révolutions à travers le monde, n’ont eu qu’un retentissement dérisoire au Bénin. Le Béninois moyen ne s’indigne véritablement que lorsque ses intérêts vitaux les plus immédiats sont menacés. Sinon, il marchande ses marches, demande de l’argent pour assister à un meeting.
L’affaissement généralisé du sens patriotique ne peut seul expliquer cette attitude. Oui, on peut remarquer l’accroissement de ces actes et de ces paroles qui traduisent un dédain pour la patrie. Des gens respectables nous jettent chaque jour à la figure qu’ils se foutent bien d’être Béninois ou Cochinchinois. Il y en a parmi les icônes de nos arts et de nos sciences qui s’enorgueillissent d’avoir une double nationalité. Dès qu’ils ont un petit rhume, la plupart de nos politiques sont évacués à l’extérieur, fuyant nos meilleurs hôpitaux d’ici. Il y a un nombre impressionnant de jeunes et de cadres de haut niveau qui s’en vont, dégoûtés du fameux « système béninois ». Ceci explique-t-il cela ? Cette désaffection accrue pour le pays et sa marche vers le progrès justifie-t-elle notre tiédeur vis-à-vis du mouvement citoyen ?
Là où l’on peut rapidement rassembler 100 000, 200 000 ou même plus d’un million d’Egyptiens ou de Tunisiens dans la rue, il faut lutter pieds à pieds pour que 100 Béninois sortent « bénévolement » pour une cause quelconque. Parce qu’ils ont littéralement perdu le sens de la colère populaire. Ils ne s’indignent réellement qu’au prorata de leurs intérêts. Sauf en cas de sinistrose avérée.
Ce qui est vrai pour le commun d’entre nous l’est encore davantage lorsqu’il s’agit des cadres ou des intellectuels. La plupart d’entre eux gardent le plus épais des mutismes sur les questions nationales. On a vu Jean Paul Sartre se précipiter à toutes les manifestations contre l’exploitation et la répression, vu Wolé Soyinka lancer des appels enfiévrés à la radio contre la dictature au Nigeria, vu aussi le grand prix Nobel de physique Albert Fert qui n’hésite pas à ruer dans les brancards en France en révolte contre des budgets mal ficelés. Où a-t-on jamais vu un professeur d’économie au Bénin protester publiquement, marcher s’il le faut, contre la politique économique en cours dans son pays ? La plupart d’entre eux se barricadent dans leurs sanctuaires universitaires sans jamais monter au front. Et si jamais un journaliste les sollicite pour une analyse indépendante, ils jouent de toute leur ingéniosité pour ne pas se rendre disponibles.
Quant aux zémidjans et autres artisans, on sait comment acheter leur adhésion. J’imagine la tête de tous ceux qui savent qu’il y a dix millions à dépenser dans chaque commune pour « soutenir » la révision de la constitution. Ils savent plus que quiconque que les hommes en jaune qui se bousculent au Palais des Congrès pour le RAMU ou la révision de la constitution, n’ont certainement pas laissé leurs activités pour les beaux yeux d’un Chef d’Etat. Il ne faut pas en douter, la raison fondamentale de leur présence et de leurs acclamations hypocrites se trouve ailleurs.
« Le propre de la réalité humaine, c’est qu’elle est sans excuse », aimait à dire Jean-Paul Sartre (L’Être et le Néant, 1976). C’est pour ne l’avoir pas assez perçu que chacun s’enfonce dans son égoïsme suicidaire laissant à quelques-uns, le soin de s’inquiéter de la marche dangereuse des choses. Lorsque nos routes se dégradent au point de devenir des tombeaux à ciel ouvert, lorsque la pollution atmosphérique atteint des sommets à Cotonou, lorsque des politiques potentiellement dangereuses sont mises en œuvre et que l’engagement citoyen spontané et désintéressé ne se fait pas sentir, il y a comme un crime contre notre conscience nationale.
Saluons le travail de ces ONG en lutte ici et là pour la cause nationale. Célébrons à tous égards leur acharnement républicain à faire entendre aux pouvoirs publics la voix du peuple dans le fourmillement malicieux de leurs intérêts. Mais n’oublions pas que les ONG sont aujourd’hui, comme hier, des multinationales qui font vivre leurs acteurs. Ils ont besoin de nouvelles causes à défendre pour avoir de nouveaux subsides provenant de leurs « partenaires ». Leur engagement ici est-il différent de celui de la vendeuse de pain qui participe aux marches pro-révision pour gagner 1000F ?

Par Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%


Plus sur ce sujet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page