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Le triomphe de la vérité

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Editorial: La chosification du gouvernement


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L'Evénement Précis N°1126

L’Evénement Précis N°1126

« Les ministres sont priés de se rendre dans leurs départements d’origine pour faire le point sur la campagne agricole 2013-2014, en présence des députés et de tous les élus locaux ». C’est un message du Chef de l’Etat passé en bande défilante qui donne ainsi des ordres aux membres du gouvernement. Il ajoute : « le retour des ministres à Cotonou est fixé au mardi 16 juillet 2013 ». Voilà qui est bien précis. Au moins, en lisant ses instructions par bande défilante, aucun ministre irresponsable ne se perdra dans des villégiatures …
On croirait, en effet, avoir à faire à de petits commis d’administration égarés que l’on rappelle à l’ordre par voie de presse. Il s’agit ici des ministres de la République. C’est-à-dire de hauts responsables appelés à diriger et à inspirer des centaines et parfois des dizaines de milliers d’agents de toutes catégories. C’est à eux que l’on s’adresse ainsi, comme à des garnements.
Passe encore que l’on les envoie sur le terrain pour parler de sujets qui ne relèvent que de façon lointaine de leurs domaines de compétence. C’est eux-mêmes qui ont choisi de siéger dans une équipe où les règles élémentaires de gouvernance sont loin d’être perçues. Passe encore qu’ils soient obligés de jouer le jeu du régionalisme. Ce n’est pas la première fois que la plupart d’entre eux sont invités à aller prêcher ci ou à soutenir ça dans leurs « départements d’origine ». Mais en arriver à leur donner des ordres par bande défilante à la télé, il y a une échelle supplémentaire qui est franchie dans le rabaissement et l’humiliation de ces hommes et femmes ayant accepté le sacrifice de servir la nation.
Je connais l’histoire des derniers moments de l’ancien ministre Kessilé Tchalla au gouvernement. C’est par bande défilante à la télé que ce chirurgien de renommée mondiale a appris son limogeage. Il n’a jamais digéré cette humiliation monumentale et a tenté, par tous les moyens, d’assouvir sa vengeance. Je sais aussi la part d’agenouillement et de tremblement qui est réservée aux ministres face au Président de la République. La hantise du limogeage est un puissant levier de soumission aux mille volontés du chef. Je ne peux compter le nombre de fois où des ministres ayant bien fait leur travail, interdisent aux médias d’en dire du bien. Tel a-t-il été encensé par des villageois, tel autre a-t-il reçu des félicitations pour son action dans telle ou telle affaire ? Il refuse catégoriquement que ces marques de reconnaissance paraissent dans les médias. Pour ne l’avoir pas compris assez tôt, de bons ministres sont aujourd’hui à la touche, trop tôt limogés pour avoir fait de l’ombre au chef.
Seul le Chef de l’Etat mérite louange et vénération. Tout le monde a vu avec quelle dextérité chaque commis de l’Etat s’empresse de lui tresser des glorioles, si infectes et hypocrites qu’elles puissent paraitre. On parlait de cette déviance des ministres soumis à la dictature de la louange. Désormais, aucun directeur technique n’ose prendre la parole sans citer le Président de la République. Jeudi, c’est la Directrice des examens et concours de l’enseignement secondaire qui, donnant les statistiques du BEPC 2013, a trouvé un curieux détour pour louer les efforts du Chef de l’Etat. C’est à croire que c’est Boni Yayi qui, « dans sa vision » (la formule magique !!!) a fait que les élèves ont travaillé pour mériter d’avoir leur BEPC. Des exemples de ces contorsions rhétoriques sont légions aujourd’hui au point de rendre particulièrement ubuesque l’exercice du discours dans notre administration publique. Nul n’est libre de faire son discours sans s’en référer au Président de la République. Comme nul n’est autorisé à avoir une initiative où ne surnage la « vision » du Chef de l’Etat.
Je vois d’ici les efforts surhumains de la ministre de la santé pour faire apparaitre le RAMU comme une œuvre de génie du seul Chef de l’Etat. C’est précisément lui-même qui s’est chargé de la sensibilisation sur le sujet, faisant l’impasse sur tous ces techniciens qui ont travaillé depuis des années sur le sujet et dont personne ne parle.
Qui ne voit les nombreuses danses de tel ministre ou les grimaces forcées de tel autre pour échapper à la susceptibilité épidermique du chef ? Regardez le premier ministre ! Transformé en légume, il rase pratiquement les murs…
Peut-on mener un pays à bon port là où les ministres sont tenus pour des va-nu-pieds ?

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