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Le triomphe de la vérité

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Edito du 21 juin 2013: La faim est toujours là


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Je suis vraiment embarrassé. Dimanche dernier, le Chef de l’Etat a reçu un prix de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Il s’agissait,  pour l’institution, de saluer l’effort des  pays qui ont déjà atteint les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et du Sommet mondial de l’alimentation relatifs à la faim dans le monde. Le Bénin est passé de 22%  de proportion de la population souffrant de la faim en 1990-1992 à 8,1% en 2010-2012. Le Bénin aurait donc réduit de moitié la prévalence de la faim.  Dans le même temps, la Banque Mondiale l’affirme, la situation nutritionnelle du Bénin n’a pas vraiment changé ces dernières années. La prévalence de la malnutrition reste élevée.

        Pour comprendre ces données apparemment contradictoires, il faut schématiquement rappeler que la récompense de la FAO concerne la disponibilité supposée de la nourriture, au regard des 6 millions de tonnes de racines et tubercules et des 2 millions de tonnes de céréales produites à la campagne agricole passée. Les experts de la Banque Mondiale, quant à eux, mettent l’accent au contraire sur la situation réelle dans les ménages. La différence d’approche est énorme.

        Tous ces  indicateurs mesurent en tout cas la vie réelle des Béninois, notamment le premier des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui est de réduire de moitié l’extrême pauvreté et la faim dans le monde à l’horizon 2015. Le rapport 2012 de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest  (BCEAO) sur la pauvreté dans la zone UEMOA indique clairement que la pauvreté touche plus du tiers des Béninois. Et si l’on suit les critères de la Banque Mondiale, environ 47% des Béninois vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, c’est-à-dire près d’un Béninois sur deux.

        La mesure de la prévalence de la faim est en elle-même une avancée dans les politiques publiques. Pendant longtemps, les stratégies de  développement des Etats ont consisté à agréger les chiffres de la croissance économique, à l’exclusion de tout autre indicateur. C’est ce qui explique les programmes d’ajustement structurel des années 1990  et leurs effroyables coûts humains. D’où la définition de nouveaux critères de mesure d’un développement à visage plus humain.

        La publication du rapport d’une institution aussi rigide que  la BCEAO sur la pauvreté, marque, entre autres signes, l’évolution des paradigmes liés au développement. Elle montre que les politiques publiques sont loin d’atteindre les couches sociales les plus défavorisées. Les investissements consentis à cette fin sont encore insuffisants.

        Ce qui est paradoxal, c’est que les documents officiels élaborés pour lutter contre la faim et l’extrême  pauvreté sont remarquables. Le Bénin se distingue dans la sphère des Etats de l’UEMOA par l’abondance relative de documents de politiques, de programmes et  stratégies permettant de dire que  la faim et la pauvreté seront éradiqués dans quelques années. Dans les faits, elles ne reculent pas (ou si peu). Pour les contrer, le réflexe habituel réside dans le recours à l’aide publique au développement.

        Loin d’être le fruit de la seule politique du régime Boni Yayi, la forte prévalence de la pauvreté est le résultat d’un amoncèlement de facteurs ayant accru le mal-vivre au Bénin. Errements intellectuels, corruption, incompétence, politisation à outrance  ont creusé le fossé entre riches et pauvres, ouvert un horizon de désespoir chez les jeunes, creusé un chemin de faim et de misère dans nos villes et nos villages. A tout ceci, ceux qui croient à une croissance portée par les ressources naturelles pourraient bien ajouter que le  Bénin manque de pétrole, d’or, de diamant, de cuivre, d’hévéa ou de café voire de cacao. La réalité, c’est que les politiques actuelles sont trop marquées d’un système administratif obèse privilégiant la paperasse et le bavardage aux réalisations concrètes de terrain.

        Mais, c’est surtout les mentalités qu’il faudra s’engager à modifier pour que les gens fassent moins d’enfants, prennent moins de femmes, pensent mieux à l’avenir de leurs progénitures et enfin  au développement de leur milieu.

        Il s’agit, en fin de compte, de la responsabilité individuelle de chaque citoyen avant que d’être une question de politique publique.

 Par Olivier ALLOCHEME

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