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Le triomphe de la vérité

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Edito du 14 juin 2013: Face à l’agriculture


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Les chiffres des investissements de l’Etat dans l’agriculture correspondent-ils réellement à la réalité ? Mon souhait est de répondre oui. Malheureusement…

               En présentant les chiffres du budget 2013, le ministre des finances avait déclaré avec assurance que l’investissement agricole fait environ  11,72% du budget national.  Puisqu’il fallait s’en réjouir, nous n’avions point boudé notre plaisir : c’est bien la première fois que notre pays atteint le seuil des 10% et le dépasse même. Sur ce point, en effet, le Bénin a montré patte blanche face aux engagements souscrits à Maputo en 2003. La déclaration dite de Maputo recommande  en effet que les Etats signataires consacrent au moins 10% de leurs budgets à l’agriculture. Cette exigence tirait sa source du paradoxe relevé dans de nombreux Etats dans lesquels les recettes  publiques servent à financer des secteurs mal choisis. L’agriculture a été perçue comme le facteur par excellence devant servir à nourrir les Béninois et à faire reculer  les chiffres de la pauvreté.

               Il n’en a pas fallu  davantage pour que les Etats africains s’y lancent, en utilisant des manèges plus ou moins curieux. Tant et si bien que 2013 a vu le doublement  annoncé des  investissements de l’Etat dans l’agriculture, du moins si l’on ne s’arrêtait que sur les chiffres fournis par le Ministère des finances. Mais  en dehors de Maputo, il y a que l’action diplomatique a permis  au Bénin d’être perçu comme un pays phare en matière d’investissement agricole. Il est à la tête de l’initiative agricole de l’Union Africaine (UA), abritant au passage quelques grand-messes  continentales consacrées à la réflexion sur l’agriculture.

               Le Fonds des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en  a même félicité le Bénin. Le 22 mai, le directeur général de la FAO, à l’issue d’une visite du chef de l’Etat au siège de l’institution à Rome affirmait au passage : «Le président de la République est un leader au sein de l’Union africaine qui montre comment les pays africains peuvent investir dans l’agriculture et le développement rural. Le Bénin s’est engagé en faveur de l’agriculture, en consacrant plus de 10% de son budget au développement rural ». Et d’ajouter plus loin : « Le pays est un exemple qui peut montrer comment l’Afrique peut nourrir l’Afrique. Car le Bénin produit actuellement du maïs et du riz qui sont utilisés pour aider les populations de la région du Sahel qui sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire ».  José Graziano da Silva, s’il  a sincèrement pensé ce qu’il disait, a même annoncé la tenue à la fin de ce mois à Addis-Abeba, d’une réunion sur l’agriculture à laquelle le président de la République devrait prendre part en tant que champion de la promotion agricole en Afrique. « Nous avons l’intention d’établir un fonds fiduciaire avec des ressources qui viendront des pays africains et du secteur privé, pour aider les plus pauvres du continent », a-t-il dit.

            Il n’en fallait pas plus pour éveiller ma suspicion. 11,72% du budget !!! A un cadre du ministère de l’agriculture à qui je confiais mes doutes, je me suis entendu dire qu’en réalité, les choses sont moins belles qu’elles ne  paraissent. Le bond prodigieux réalisé entre 2012 et 2013 est le fruit d’un petit « réaménagement  des statistiques » du ministère.

               Il a fallu agréger les micro-crédits accordés aux cotonculteurs dans le cadre de la campagne en cours, ainsi que les adductions d’eau villageoise construites à gauche et à droite, sans oublier les réaménagements de pistes rurales pour gonfler les chiffres. Dans les faits, le Bénin consacre moins de 5% de son budget à l’agriculture depuis de nombreuses années. Le budget 2013 n’aurait donc pas dérogé à cette donne.

               Le « réaménagement statistique »  intervient fort opportunément pour ériger le Bénin en champion de l’investissement agricole. Et il me semble que la sincérité des chiffres n’est pas établie non plus lorsque l’on devra mesurer le bénéfice réel que les paysans ont pu tirer directement de la campagne cotonnière. Si l’Etat a pu conclure à un bénéfice net de plus de 20 milliards, peut-on affirmer que les cotonculteurs ont réalisé des gains substantiels leur permettant de sortir de la pauvreté ?  Je me permets d’en douter.

    Par Olivier ALLOCHEME      

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