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Le triomphe de la vérité

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Edito du 21 mai 2013: Le juge béninois aujourd’hui


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La situation du magistrat Angelo Houssou jette une lumière des plus crues sur le fonctionnement de la magistrature dans notre pays. Le destin de tout un peuple reste suspendu à ce qui va se passer maintenant que deux thèses complètement opposées et potentiellement incendiaires s’affrontent.

        La première thèse, ou plutôt la première hypothèse, c’est celle où le juge aurait agi en toute bonne conscience, en toute indépendance. C’est une hypothèse redoutable pour la partie présidentielle. Elle voudrait dire que tout le battage fait non seulement au Bénin  mais aussi en dehors est une simple mise en scène. Marches et prières tomberaient à l’eau comme des farces grotesques  de toute la mouvance présidentielle. Et ces imams, et ces prêtres de tous acabits, et ces hounongans de tous poils passeraient  en même temps pour de simples instruments de la sordide comédie  qui a consisté à nous emballer dans cette affaire finalement sans fondement.

 Jean Français Revel, de l’académie française, a écrit un ouvrage autobiographique dont j’affectionne tout autant le style baroque que la verve toute voltairienne : Le voleur dans la maison vide (Plon, 1997). Au milieu de cette tourmente judiciaire, je ne peux m’empêcher de penser à cette image qui colle si méchamment à celle des politiques de la mouvance qui se sont acharnés en mille démonstrations pro-Yayi pour faire plaisir à leur idole. Ils ont fonctionné comme ces «idiots utiles» si chers à Lénine.

        Leurs démarches pouvaient apparaître comme de sournoises pressions sur la justice : elles n’ont rien donné. Il est loisible d’entendre, à postériori, la  « réaction » lue sur l’ORTB depuis ce week-end, sans qu’on ne sache si elle émane de l’organe lui-même, celle des services de la Présidence ou des avocats du Chef de l’Etat.  « Il n’a sans doute pas la conscience tranquille », « on peut s’interroger sur les réelles intentions du juge d’instruction », « dès lors, on peut tout imaginer », ce sont quelques phrases acides de ce  commentaire d’un genre nouveau. On se demande si, bientôt, quelques marches et prières ne viendraient pas stigmatiser ce « jeune traitre »  et le vouer à la vindicte populaire…

La deuxième hypothèse est celle-ci : le juge a certainement reçu « quelque chose » pour prendre sa décision. Son départ suspect pour le Nigeria, malgré les conditions de sécurité plus que délétères en terre nigériane, sont des éléments pouvant être utilisés à sa charge. Cette thèse pourrait conforter  l’idée que son visa pour les Etats-Unis est intervenu  trop bien à propos : il y a anguille sous roche.

Mais alors, cette hypothèse elle-même est désastreuse pour l’image du  Bénin à l’extérieur. Alors que le monde entier suit de près les derniers  rebondissements de ces affaires, voilà que la justice béninoise vient montrer les failles de sa crédibilité, alors qu’elle est censée protéger notre démocratie. C’eût été désastreux pour la construction de l’Etat de droit, pour la justice béninoise  tout court et pour l’investissement.  Quels opérateurs économiques sérieux  peuvent oser investir leurs avoirs  dans un pays où les juges se font acheter ?  Comme on peut déjà s’en apercevoir, le Bénin deviendrait simplement la risée de tout le monde  sur les médias sociaux et les forums de discussion.

Cette hypothèse, si elle se confirmait, donnerait lieu à la plus grave crise de notre appareil judiciaire depuis longtemps. Ce serait alors le signe le plus palpable que le juge béninois est un dangereux apatride qu’il faut contrôler avec rigueur.

        Dans chacun de ces cas, la magistrature au Bénin se situe à un virage crucial de son histoire. S’en sortira-t-elle grandie ? Je l’espère, sans y croire réellement.  Mais il faut se situer dans la position du peuple béninois (du petit peuple de la rue et des villages s’entend)  pour imaginer le martyre qu’il souffre au contact de cette sorte de justice.

        Et dans chacune de ces hypothèses, le juge béninois est interpellé. A-t-il suffisamment de moyens pour être à l’abri du besoin ? Là encore, il faut se rappeler que même si les magistrats organisent eux-mêmes des mouvements pour se faire entendre de l’Etat, il n’en demeure pas moins qu’ils  font partie des corps les mieux payés de la fonction publique béninoise.

        La réponse  ultime à toutes ces questions se trouverait alors dans les rouages de notre société qui n’aurait finalement que la justice qu’elle mérite.  A moins que demain ne nous ouvre l’horizon d’une société nouvelle.

Par Olivier ALLOCHEME

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