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Le triomphe de la vérité

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Le Magistrat Michel Adjaka président de l’Unamab au siège de l’Evénement Précis: « L’Unamab est prête pour qu’on châtie les magistrats corrompus s’il y en a”


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Michel Adjaka

Michel Adjaka

Michel Adjaka. Président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), Magistrat au tribunal de première instance de première classe de Cotonou,  est notre 65ème invité sous L’Arbre à Palabre.  Avec lui, l’équipe de la rédaction de votre journal a parlé du pouvoir judiciaire. Sans tabou ni langue de bois, le Magistrat lève un coin de voile sur ce pouvoir  où la prudence et la sérénité sont des principes sacro saints.

Magistrats sévères et corrompus

La sévérité est relative. Il y en a qui estiment que lorsqu’on arrête un délinquant, quelques jours après, on le retrouve sur les cérémonies, dans la circulation, preuve que beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Les magistrats ont été corrompus. En fait, les deux questions se rejoignent. La sévérité, ça peut être le fait d’un individu. Mais, ça ne peut pas être le fait de tout un système. Il ne peut jamais s’agir d’une sévérité systémique ; c’est-à-dire que les magistrats se sont réunis quelque part pour décider de sévir. C’est d’abord l’éducation des uns et des autres. Il y en a qui sont très sensibles à certains faits sociaux. Il y en a qui le sont moins. Tout varie et dépend de l’éducation de chacun. Là où vous pensez que le magistrat est sévère, quelqu’un peut penser qu’il n’a pas été suffisamment sévère, mais qu’il a été plutôt très regardant, il a été clément. C’est beaucoup plus, pour le cas d’espèce, des lectures personnalisées. On a des cas précis. On peut beaucoup plus approfondir ou murir la réflexion par rapport à la sévérité. Et dans tous les cas, si la sévérité est justifiée par les textes en vigueur, il n’y a aucun problème à ce niveau. Si c’est une sévérité gratuite, c’est-à-dire digne d’une méchanceté, là, c’est condamnable. Par rapport à la question de la corruption, c’est bien, vous avez dit que les magistrats sont corrompus et vous avez fait référence au livre blanc sur la corruption. Je ne fais pas partie de ceux-là qui estiment que les magistrats ne sont pas corrompus. Mais, il y en a qui ne le sont pas. Autant, il y a de magistrats corrompus, autant il y en a qui font correctement leur boulot. Et la ligne de conduite du bureau exécutif de l’UNAMAB que je préside est que les corrompus soient châtiés et que ceux qui sont corrects soient promus. Et pour cette question, la balle est beaucoup plus dans le camp du gouvernement. Si j’étais président du conseil supérieur de la magistrature, et bien, ces corrompus, je les aurais châtié depuis. Alors, l’UNAMAB a des pouvoirs limités par rapport à la question de la sanction des magistrats. Il appartient à l’exécutif à travers Mme le Garde des sceaux de déclencher des procédures disciplinaires contre ces magistrats trempés dans des dossiers de corruptions avérées. L’UNAMAB n’est pas une association des magistrats pour couvrir les brebis galeuses. Nous faisons partie des rares associations syndicales qui estiment qu’il faut châtier les brebis galeuses, si ce n’est pas possible, on peut les parquer. Nous ne sommes pas là pour protéger le corrompu qui fait ses victimes dans le bas peuple. Par rapport à la référence, le document que vous avez évoqué, il y a quelques instants, n’est pas un document de référence. En tout cas, ce n’est pas un document qui m’inspire confiance. D’autant plus que les conditions qui ont présidé à son élaboration ne sont pas du tout convaincantes. C’est un document que j’ai lu et relu et à partir de ce classement, je me suis même dit que les brebis galeuses ne sont pas légions. Elles ne sont pas nombreuses. Ce sont quelques rares zélés qui salissent la corporation et qu’on peut rapidement traiter pour qu’on ait la paix par rapport à cette affaire de corruption.

Une chasse aux magistrats ?

 Non, la manière même dont le sujet est agité, surtout avec la presse, pour les gens non avertis, c’est que tous les magistrats sont corrompus. Et tout le monde est corrompu. Mais, si moi j’étais corrompu, je n’aurais pas eu les ressorts nécessaires pour affronter l’étendard de la corruption de Mme le Garde des sceaux, Maître Marie Elise Gbèdo. S’il y avait eu des dossiers, elle était bien placée pour dire, ‘’oui, celui qu’ils ont élu comme président de l’UNAMAB est corrompu’’. Il faut ajouter que moi, je ne suis pas membre du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) pour avoir connaissance du nombre de dossiers qu’il y a à leur niveau.

Vous êtes quand même le président du syndicat des magistrats ?

 Chez nous les rôles sont bien partagés et distincts. Il n’y a pas de confusion possible de rôle. Le Conseil supérieur de la magistrature (Csm) est dans son couloir de marche et l’UNAMAB circule également dans le sien. S’ils ont beaucoup de dossiers au niveau du CSM, c’est à eux de les examiner au plus vite. Mais, il ne suffit pas simplement d’être attrait devant le CSM pour être étiqueté magistrat corrompu. Une chose est d’avoir une procédure disciplinaire, une autre est de comparaitre devant le CSM et une dernière est d’écoper de sanction disciplinaire. C’est tout un ensemble. Les Gardes des sceaux qui nous sont souvent envoyés ont une lettre de missions. Avec celle-ci, elle a donné l’alerte et on s’est donné la main par rapport à ce choix-là parce que, au niveau de l’Unamab, disons toujours qu’il y a deux problèmes essentiels au niveau de la justice. Le premier est relatif à la question de la corruption. Il faut lutter contre la corruption. S’il y a un seul magistrat, un seul avocat, un seul notaire impliqué dans les dossiers de corruption, il faut sanctionner. Le second est relatif à la lenteur parce que les justiciables sont nos parents et quand cela dure, ce sont nos parents qui sont pénalisées et aucun investisseur n’acceptera mettre de l’argent dans un système judicaire corrompu et lent. Donc, pour impacter les bailleurs de fonds, nous devons soigner l’image de notre justice à travers ces deux aspects-là. Au fonds, il faut lutter contre la corruption mais dans la forme, il faut être honnête pour dire que le document de Transparency international rendu public le 08 décembre 2011 a fait le classement des gens de justice. Et dans ce classement, il y a bel et bien les avocats qui viennent en tête avant les magistrats. Et il faut être honnête pour restituer les résultats de cette enquête-là dans son contexte. Donc, il n’était pas question pour nous de se focaliser sur un corps qui est en tête de liste dans cette affaire. Il faut comprendre qu’il est difficile de travailler avec le personnage. Car, elle peut vous dire qu’elle va vous faire ceci ou cela et vous verrez le contraire. Moi, je ne peux pas travailler dans ce contexte-là. Puisqu’elle a fait l’option de lutter contre la corruption, on ne devrait pas le retrouver dans de sales dossiers comme passation de marchés publics, de toges de magistrats et de greffiers. Lorsque vous dites qu’il faut lutter contre la corruption et que vous êtes juge et homme de robe, vous devez éviter de vous mêler à certaines choses surtout quand vous vous faites chantre de la lutte contre la corruption. Il faut donc respecter les textes de la république. Et donc, par rapport à ce marché, beaucoup de textes ont été violés. Si le Chef de l’Etat avait décidé de lui changer de portefeuille, c’était par rapport à ce dossier, sinon, Me Marie Elise Gbèdo était imperturbable.

Niveau dans le dossier de passation de marchés

Le rôle de l’Unamab était clair. C’est déjà que le Chef de l’Etat soit informé que l’apôtre de la lutte contre la corruption a commis un péché. Par conséquent, elle n’est plus un apôtre puisqu’elle est de l’autre côté du père, sinon à la gauche du père. Donc, notre objectif premier est de faire comprendre au Chef de l’état qu’elle était de l’autre côté. Secundo que celui qui a été déclaré adjudicataire ne soit pas victime d’une injustice. Lorsqu’on a fini et que nous avons obtenu des résultats, il revient à l’adjudicataire de conduire les procédures appropriées pour se faire justice. Il a assigné l’Etat béninois pour que le tribunal puisse enjoindre à celui-ci la livraison des toges. Je crois que ce sont 25 toges qu’il a livrées. Le dossier est en cours et il appartient à la composition saisie de dire le droit. Par rapport au volet pénal, c’est toujours à l’adjudicataire d’agir parce que si l’Unamab prenait les devants, on lui aurait reproché le défaut d’intérêt. Et ce qu’on a pu faire est la bataille médiatique pour montrer que l’apôtre de la corruption est tombé. Je ne peux cacher ma joie face à cette victoire. Et si elle ne tombait pas, ce serait peut-être mon tour de tomber. Car, c’est un combat de gladiateurs.

Les revendications

Adjaka

Elle n’avait même pas le pouvoir d’être sur le chemin de l’Unamab en ce qui concerne les revendications puisque les revendications étaient pilotées de mains de maître par le Chef de l’Etat. Elle a été désignée par lui comme présidente de la commission. Deux semaines après, le Président de la république et nous-mêmes, nous nous sommes tous rendus à l’évidence qu’elle est là pour empêcher cette commission de faire le travail. C’est là que le Chef de l’Etat a pris en mains la gestion des revendications. À partir de là, elle n’est plus impliquée par rapport aux revendications de l’Unamab. Maintenant, il faut dire qu’on a une kyrielle de revendications. Vous avez parlé de la question de la corruption qui est très claire au niveau de l’Unamab. Donc, pour régler cette question, il faut bien payer les gens avant de leur imposer la vertu. Car, nous sommes les moins pays de la sous région. Si ce n’est pas fait, ce sera un combat de philosophe et donc très difficile. On ne peut pas exercer la vertu le vendre creux. Pour l’Unamab, il faut lutter contre la corruption. Mais, pour le faire, il faut payer aux magistrats un salaire qui leur permet d’être à l’abri des tentatives élémentaires. Il faut tenir compte du salaire dans la lutte contre la corruption. Le débat doit être précis et bien encadré. C’est vrai, on peut nous rétorquer que dans certains pays les magistrats sont bien payés mais toujours impliqués dans des dossiers de corruption. Tout est question d’éducation. On faisait partie des mieux payés de la fonction publique avant 2006. Avant 2006, le magistrat était l’agent permanent de l’Etat le mieux payé. Mais avec les revendications qu’il y a eu en 2007, 2008, 2009, beaucoup de corporations ont dépassé les magistrats. Le magistrat béninois a un salaire qui est très proche de celui de l’enseignant qui a son CAP. Donc, voilà la réalité de la question de la lutte contre corruption. Il faut dire que le Chef de l’Etat a pris, vis-à-vis du Syntrajab et de l’Unamab des engagements précis. Puisque nous avons coutume de dire que les propos du Chef de l’Etat, pour nous, sont des paroles d’évangile jusqu’au jour où nous allons nous sentir floués et reprendre la lutte. Il faut dire que nous avons déposé une plate forme revendicative qui contient plusieurs points et le président a estimé qu’il faut qu’on répartisse ces différents points sur 2013, 2014, 2015 et 2016. Donc, on a souhaité que ces revendications soient étalées sur plusieurs années. Les points qui ont été choisis au titre de 2013 souffrent encore. On n’a pas encore bouclé. Ce qui fait que les jours à venir, un point sera fait à l’occasion d’une assemblée générale par rapport aux différents points qui devaient faire objet d’étude au cours de l’année 2013 et l’Unamab avisera pour la suite.

Les affectations dans la maison justice

Partant de l’état des lieux sous Gbèdo, il faut comprendre qu’en réalité, les affectations étaient faites sur fond de règlements de comptes. Elle a parachuté des collègues dans des Cours d’Appel un peu partout sur le territoire national. Vous savez bien qu’un capitaine ne passe pas service à un commandant. Mais, c’est ce qui s’est passé dans notre corporation. Donc ces règles élémentaires qui régissent la corporation ont été violées. Ce que nous avons dénoncé en son temps. Il y a aussi le non respect des règles de préséance. Il y a aussi les promotions qu’il faut respecter. Il ne faut pas qu’un jeune soit au 1er cabinet et qu’un ancien au 2ème cabinet. Il y a des juridictions aujourd’hui qui ont un 1er cabinet sans 2ème, mais avec un 3ème, 4ème et 5ème. C’est le fait de Gbèdo à Lokossa. A Abomey, vous avez un 1er cabinet qui n’est pas pourvu mais un 2ème qui est pourvu et un 3ème. Or, dans ces cabinets là, vous avez des gens en détention. A Porto-Novo, vous avez un Procureur, un 1er substitut, un 2ème substitut mais sans un 3ème substitut, un 4ème substitut et vous avez un 5ème substitut. En ce qui concerne les propositions à nomination tout se décide au niveau du Garde des Sceaux. C’est pourquoi les états généraux sont les bienvenus. C’est peut-être l’occasion pour davantage défendre certains principes. C’est au Garde des sceaux de faire le point de qui il faut consulter et pour quel poste il faut consulter le collègue. Lorsque les consultations sont terminées, il fait le point des avis favorables et des avis non favorables et bouche les trous au besoin.

Affectation des magistrats

Lorsque les consultations sont terminées, le Garde des sceaux fait le point des avis favorables et des avis défavorables. Il bouche les trous au besoin. Et s’il est un Garde des sceaux avisé, il doit savoir que sur le terrain au niveau de chaque juridiction, il y a tel ou tel poste et qu’il faut pourvoir au remplacement de ces usagers, c’est-à-dire que c’est un jeu de dame au cours duquel, il faut pouvoir remplacer le pion que vous déplacez. Ce qui n’a pas été le cas. On n’était pas pressé de faire un redéploiement; de mettre en place une équipe et c’est cela qui a conduit à ce résultat où on a des règles de préséances qui sont violées. Le Procureur général n’a rien à voir dans le processus de redéploiement du personnel magistrat. Alors, avec le nouveau Garde des sceaux, l’Unamab a insisté lors de la cérémonie de passation de charges pour que son avis soit préalablement sollicité sur la copie à présenter au Csm pour éviter les mécontentements enregistrés sous Me Marie Elise Gbèdo. Elle a accepté sur sa page facebook les 13 priorités de Madougou. Et parmi ces 13 priorités, il y a l’association de l’Unamab à la mutation du personnel magistrat. Des tractations sont en cours. Mais, l’Unamab estime qu’elle ne respecte pas suffisamment ce qu’elle a dit parce que, associer l’Unamab au processus n’est pas lui présenter une copie déjà élaborée ; car le processus de redéploiement est très difficile. Et tous les Gardes des sceaux ont échoué au pied de ce colosse-là. Il ne s’agit donc pas de mettre en place une équipe et demander, par la suite, l’avis de l’Unamab. Si c’est le cas, vous aurez les échos de l’Unamab en son temps. Notre vision est que nous soyons associés au processus de redéploiement de bout en bout afin que des magistrats corrompus ne soient pas promus. L’Unamab est très claire par rapport à cette question. Et si on veut vraiment que des postes sensibles soient animés par des collègues qui n’ont pas de problème disciplinaire, on ne devrait pas avoir de problème lorsque l’Unamab décide qu’on fasse carte sur table. Car, le Chef de l’Etat l’avait dit et je l’ai bien gardé. « Le magistrat à promouvoir est un magistrat compétent et intègre ». Je crois que Mme le Garde des sceaux qui n’exerce qu’une délégation du pouvoir doit pouvoir tenir compte de ces principes. Mais, si elle ne le fait pas, l’Unamab montera au créneau.

Refus du magistrat de se faire muter

Il n’y a pas ce magistrat qui refuse d’avoir la promotion. Il est bien dit dans nos statuts que lorsqu’on vous consulte par rapport à un poste qui correspond à votre profil et que vous refusez on vous bloque par rapport à votre avancement. Il appartient au Garde des sceaux de pénétrer les principes de nos statuts pour que les magistrats consultés ne prennent pas en otage ces textes-là. Le principe de l’inamovibilité qui est la consultation au préalable protège non pas le magistrat, mais le justiciable parce que ce dernier peut être sur un dossier sensible, et qu’on va utiliser le principe de la consultation pour l’évincer. Ce sont des principes qui ont des avantages et des inconvénients. Et pour éviter qu’on tourne ces principes en dérision, le législateur a prévu la sanction du blocage d’avancement pour le magistrat qui refuse une mutation correspondant à son grade.

Qu’entend-on par justice ?

La justice, ça peut même faire l’objet d’une thèse. Mais pour faire court, au plan institutionnel, c’est ce service public qui s’occupe de gérer des contentieux entre individus au sein d’une société ou des contentieux entre les individus et l’Etat. Au plan matériel, on peut dire que la justice est ce travail qui consiste, après tout, à dire ‘’non !’’ au plus fort afin que le plus faible puisse respirer un coup. Donc, c’est tout un ensemble. Nous nous occupons surtout des questions de sentiment. Et quand je parle de sentiment, je veux parler des mariages, des divorces, les questions de garde d’enfants, les questions de sécurité dans la lutte contre l’insécurité à travers la répression des infractions à la loi pénale. Nous nous occupons aussi des questions de biens, de droit de propriété, de terrain ou autre. En réalité, c’est un secteur névralgique, un secteur sensible, un secteur important sans lequel il ne pourrait avoir la paix sociale. Or, sans la paix sociale, on ne saurait jamais parler de développement. Voilà, un peu de façon schématique et succincte ce qu’on entend par justice.

Rôle des magistrats dans l’appareil judiciaire 

 C’est une question importante en ce sens que beaucoup confondent les magistrats aux avocats. D’autant plus que nous travaillons ensemble sur le théâtre du procès, le profane ne distingue pas souvent le magistrat de l’avocat. Or, rien que par l’habillement, rien que par les différentes toges, le magistrat se distingue déjà de l’avocat. Ne parlons même pas du rôle de chacun. Le magistrat, c’est cet acteur de la justice qui a pour mission de rendre justice, de dire le droit ; de dire en termes simples, qui à raison et qui à tort. L’avocat, par contre, c’est celui-là qui défend les intérêts d’une partie et les présente au juge afin que, sous un angle beaucoup plus juridique, les faits qui étaient des faits bruts, soient beaucoup plus accessibles à la justice. C’est ça le travail de l’avocat et celui du magistrat.

Comparaison entre les ministres Gbèdo et Madougou

Donnons-lui encore du temps pour qu’elle prenne connaissance de ses nouvelles charges afin de voir s’il y a la lune de miel ou pas.

Report des états généraux de la justice

Qui a dit que les magistrats n’étaient pas prêts ? L’Unamab et le Syntrajab font partie des organisations devant lesquelles le Président de la République, au départ, a émis l’idée d’organisation des états généraux de la justice. Cela parce qu’il a compris après le décor que nous avions planté devant lui qu’il fallait investir dans la justice pour la renforcer afin qu’elle soit indépendante. Mais, ces orientations qui consistaient à se servir de l’expérience du Niger qui a réussi à avoir du financement des Etats Unis, n’ont pas été suivies. L’ex Garde des sceaux n’ayant pas voulu organiser les choses suivant l’esprit du Chef de l’Etat, a fait que l’Unamab n’avait pas participé aux assises des Etats généraux qu’elle avait convoqués. Donc, l’Unamab a boycotté les travaux préparatoires et lorsque le Garde des sceaux, Reckya Madougou a pris service, elle a relancé le dossier. Dans un premier temps, nous avons participé à deux réunions et par la suite, le bureau de l’Unamab a constaté qu’il faille ne plus participer aux travaux préparatoires parce qu’en 1996, il y a eu des états généraux et qu’il faille faire une évaluation de la mise en application de ses recommandations d’abord avant d’en organiser d’autres. Mais, les gens ont estimé qu’on n’en a pas besoin. A partir de cet instant, l’Unamab a estimé qu’elle n’a pas sa place dans les travaux préparatoires de ces états généraux. Le Syntrajab a suivi puisqu’on était là au départ. Nous avions aussi souhaité avoir le rapport de la mission effectuée au Niger par l’ex-Garde des sceaux sous la demande du Président de la République. L’évaluation a eu lieu en une journée et nous nous sommes rendus compte que sur 27 résolutions en 1996, 17 ont été mises en œuvre. 08 n’ont du tout pas connu de début d’exécution. Et sur les 17 exécutées, il y a eu beaucoup d’insatisfaction. Les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous. Les participants à l’évaluation ont souhaité qu’il faut reconduire et amender ces résolutions-là. Alors, l’Unamab s’attendait à ce que les travaux de ces évaluations soient reversés aux travaux préparatoires des états généraux de 2013. Ce qui n’a pas été le cas. Le cadre juridique devant consacrer l’existence du comité d’organisation n’existe pas jusqu’à aujourd’hui. Mieux, on a mis en place un comité ad hoc qui jusque-la n’a pas été installé. Au regard de ces constats et d’autres liés au fait qu’on n’a pas encore reçu l’aval du conseil des ministres qui a donné son feu vert pour le décaissement des fonds, puisque pour ces états généraux on a prévu décaisser 100 000 000 de francs, j’ai commencé par participer en personne au travaux préparatoires notamment dans la commission intellectuelle. L’Unamab, soutenu par certains magistrats, a appuyé le Syntrajab à demander le report des états généraux. Nous n’avons pas été entendus. Alors, à partir de cet instant, l’Unamab a pris le pouls de la situation et a compris qu’il y a quelque chose qui se trame, qui se prépare contre le secteur de la justice et s’est préparée à toute éventualité. Donc, l’Unamab et le Syntrajab étaient prêts à aller aux états généraux à n’importe quelle heure pour jouer leur partition.

Donc, dès l’instant où je suis sous l’arbre à palabre, si je reçois un coup de fil qui m’invite aux états généraux, je suis prêt. Je suis prêt et le Syntrajab aussi est prêt pour les états généraux puisque nous avons tout compris et nous sommes prêts, décidés à aller à ces états généraux pour défendre un certain nombre de principes.

Report surprise ?

Nous avons demandé le report. On nous a dit que le Chef de l’Etat a donné son feu vert pour que les états généraux aient lieu à partir du 29 avril. Pour ne pas passer pour des troubles – fêtes, l’Unamab et le Syntrajab ont pris leurs responsabilités et je crois que nous sommes prêts. Nous avons mis en place un dispositif pour participer comme cela se doit aux états généraux afin que nos résolutions puissent être entendues par les participants et les médias en son temps. En effet, le report, c’est pour permettre à l’exécutif de mieux se préparer, de permettre aux ministres de s’imprégner du Doing business afin qu’ils ne se contredisent pas. Ça veut dire que de l’autre côté, on est bien en ordre, et nous aussi, on n’est pas en désordre.

Indifférence de l’Unamab par rapport aux magistrats en fin de formation

C’est une question indiquée pour Mme le Garde des sceaux. Nous sommes dans une République et les rôles sont bien partagés et distincts. En réalité, la difficulté majeure à cette question-là relève de l’ex Garde des sceaux, ministre de la justice. En ce qui concerne le travail qui a été fait, c’est-à-dire, la répartition des magistrats dans les juridictions, l’Unamab a estimé que les dispositions de l’article 37 de la loi portant sur le code de la magistrature ont été violées et, après avoir adressé une correspondance au Conseil supérieur de la magistrature, a souhaité être entendue. Nous n’avons pas été entendus et on ne nous a pas reçus. Le conseil supérieur de la magistrature a donné son avis sur la question. Le Chef de l’Etat qui est très avisé et qui suit de très prêt les questions de la justice, n’a pas donné son onction à cette proposition. Aujourd’hui, il semble qu’on est en train de reprendre ces propositions. Or, on peut couper la poire en deux si l’Unamab était entendue. Les gens ont peur de l’Unamab et on pense que ses responsables sont intransigeants. On estime que si on collaborait avec eux, on peut se retrouver facilement dans le décor. Si on respecte les textes, je crois qu’on ne partira pas de la trajectoire, on ne peut pas déraper. Mais, si on ne respecte pas les textes, nous sommes dans un milieu où force doit rester à la loi.     Si force ne reste pas à la loi en milieu judiciaire, on ne pourra jamais rendre justice aux autres. Couper la poire en deux, c’est quoi ? Il est plus difficile de déplacer les anciens que d’affecter les nouveaux. Donc, on peut les répartir dans les juridictions puisqu’ils ne sont que 27. En attendant de mieux faire, on peut les répartir et il n’y a aucun problème à ce niveau-là. Mais les gens estiment qu’il faut faire d’une pierre plusieurs coups, c’est-à-dire qu’au moment où on déploie les jeunes, on peut aussi redéployer les anciens. Peut être que Mme le Garde des sceaux est en train de se préparer pour mieux sauter, pour mieux faire.

Le travail des magistrats béninois

 Moi, j’en suis très satisfait. Seulement que nous sommes dans le monde des humains et il y a toujours des difficultés. Mais, par rapport à ces difficultés, il y a une tribune, à savoir, l’assemblée générale de l’Unamab qui fait le point de certaines questions, se positionne par rapport aux comportements de certains collègues. Mais si ces comportements violaient les textes, le statut de la magistrature, les règles déontologiques qui régissent le monde du magistrat, il appartient au Garde des sceaux d’agir. Dans une République, chacun n’a qu’à jouer son rôle. S’il y a des comportements anti-professionnels, il appartient au Garde des sceaux d’agir et de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. L’Unamab est une association de magistrats dont la mission principale est d’assurer la défense des intérêts matériels et moraux de la corporation. Dans les intérêts moraux, on peut trouver le respect des règles déontologiques du métier et je vous dis que l’assemblée générale de l’Unamab sert de tribune pour passer en revue certains comportements que nous n’estimons pas conformes aux statuts de magistrat.

Liberté du magistrat béninois face à l’exécutif

L’indépendance est une quête permanente et est aussi une question de personnes. Je me plais à parler plus de l’indépendance du magistrat que de l’indépendance de la justice. L’indépendance du magistrat ou, pour être plus simple, l’indépendance du juge. C’est une question beaucoup plus personnalisée qu’une question d’un système ou d’une institution. Je le dis parce que, si vous élaborez les textes susceptibles de garantir l’indépendance du système et que vous avez des hommes qui sont friands de la dépendance, ça ne vaut pas la peine de parler de la dépendance du système. Donc, il vaut mieux mettre l’accent sur le mental du magistrat, formater ce mental à être beaucoup plus jaloux, afin qu’il soit beaucoup plus jaloux de son indépendance et à partir de ce moment, le système va se porter davantage mieux. Dans aucun pays, il n’y a jamais eu d’indépendance. C’est toujours une quête et il faut se battre.

Les dossiers empoisonnement du Chef de l’Etat, Désiré Vodonou, Pascal Todjinou etc.

Tous ces dossiers réunis, je ne sais pas ce qui s’est passé, peut être que « Sous l’arbre à palabres » va recevoir un jour les collègues qui les ont gérés et ils pourront vous dire ce qui s’est passé. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’indépendance du juge, de la magistrature se rapporte beaucoup plus aux juges. Les collègues du ministère public, c’est-à-dire les collègues du parquet sont sous la coupe du Pouvoir exécutif. Donc, sous ordre. Le magistrat a pour supérieur le Procureur, qui a pour supérieur le Procureur général et le procureur général à pour supérieur le Garde des sceaux qui a pour supérieur le Président de la République. Donc, n’espérons pas l’indépendance là où les textes n’ont pas prévu l’indépendance, sinon, ça va être une attente vaine. Si c’est un magistrat ou un juge qui est monté au créneau pour faire une conférence de presse ou dire un certain nombre de choses, l’Unamab est en droit de le rappeler à l’ordre. J’ai bien dit si c’était un juge au tribunal surtout que des tribunes existent. Cela nous permet de laver le linge sale en famille et dire aux uns et aux autres ce qui ne va pas. Dans tous les cas, le magistrat est suffisamment responsable. Vous allez me dire responsable avec les textes en termes de sanctions. Si vous révélez les règles régissant votre corporation, votre sanction, la faute disciplinaire est imprescriptible. Si vous avez un pouvoir, dès lors qu’il n’est plus en place, un autre pouvoir peut vous faire courir, vous asservir par rapport aux fautes disciplinaires que vous avez eu à commettre. Que vous soyez magistrat, juge au tribunal ou au parquet, vous avez prêté le même serment. Donc, c’est par rapport à la portée du serment que la responsabilité du magistrat est engagée. Donc, restons tranquilles et sachons situer les responsabilités. Moi, j’ai appris à situer par les temps qui courent, beaucoup plus la responsabilité à mon propre niveau qu’à la rechercher au niveau des autres. Supposons que les journalistes décident de ne plus couvrir les reportages par rapport aux dossiers en instruction ou aux dossiers qui sont même en enquête préliminaire. Il n’y aura pas de tapage à ce niveau-là. Mais, ceux-là qui sont devenus subitement friands de la médiatisation n’auront plus de tribune pour s’exprimer. Ils auront envie de se prononcer. Mais, s’il n’y a pas vos caméras, vos micros où vos stylos et papiers, c’est fini. Leurs envies seront très tôt étouffées dans l’œuf. Je crois que si chacun joue bien sa partition, la République se porterait mieux.

La face humaine du juge

Savez-vous tout ce que les magistrats font pour que la question des libertés soit mieux gérée ? Aujourd’hui, dans le nouveau code de procédure pénale, on a institué le juge des libertés. Mais, souvenez-vous que les magistrats ont participé à ces travaux préparatoires, ont soutenu cette innovation.

C’est quoi le juge des libertés ?

Le juge des libertés est un rôle qui va contrebalancer les pouvoirs tant du Procureur général que du juge d’instruction en ce qui concerne la gestion des questions de liberté. C’est-à-dire que le juge d’instruction, désormais, aura pour mission exclusivement de poser des actes, rassembler les preuves à charge et à décharge contre la personne poursuivie et inculpée. Les questions de liberté seront gérées par une autre personne qui sera un juge au tribunal. On est allé loin jusqu’à proposer que le juge d’instruction chargé de conduire l’information judiciaire soit désigné par le Président du tribunal et non par le Procureur de la République. On a proposé le contrôle judiciaire, c’est-à-dire, éviter que le juge n’ait que pour seule alternative le placement en détention. C’est-à-dire au lieu de placer en détention, il peut saisir le passeport ou prendre d’autres précautions afin d’éviter que cette personne ne soit introuvable où ne réponde pas à ses convocations. On est allé plus loin en disant que lorsqu’un magistrat conduit un dossier, c’est-à-dire qu’il a placé quelqu’un sous mandat de dépôt, et que par la suite le dossier n’aboutisse pas ou qu’il se solde par un non-lieu ou un acquittement, une relaxe, l’Etat béninois sera appelé à réparer le préjudice subi par cette personne qui a inutilement été gardée en prison. Il appartient à l’Etat béninois de se retourner par le biais d’une action récursoire contre le magistrat qui a géré la liberté de cette personne-là. Le magistrat est avant tout un être humain, un être sensible qui a plus foi en l’Eternel que beaucoup d’êtres humains.

Erreurs médicales vue par la justice

La justice ne peut jamais être un obstacle. La justice est notre justice à nous tous, c’est le patrimoine du peuple béninois. Lorsqu’il y a un dossier du genre et qu’on a l’impression qu’il y a des goulots d’étranglement, des obstacles, il faut situer ces obstacles-là. Si c’est du côté d’un magistrat, l’Unamab peut agir. Si cela s’analysait comme un dysfonctionnement, il y a les services anti-dysfonctionnements dans le dispositif de l’inspection des services judiciaires. L’inspection, aujourd’hui, n’existe pas du fait de l’ex Garde des Sceaux. Il y a le Garde des Sceaux qu’on peut saisir directement pour se plaindre. Il existe plusieurs possibilités pour contourner l’obstacle. De toutes les façons, lorsqu’un magistrat est saisi d’un dossier et qu’il accuse de temps pour rendre justice, lui-même, il tombe sous le coup de la loi. Il engage sa responsabilité au double plan disciplinaire et pénal, et pourquoi pas civil ! On n’est pas clément vis-à-vis des gens de la santé. Il y en a qui ont fait la prison civile. Le gros problème que nous avons, c’est celui des preuves. Et pour faire la preuve contre un agent de santé, Il faut trouver un autre agent de santé. Nous sommes au Bénin et les pesanteurs sociologiques aidant, on peut aboutir à ce qui est déploré. Situez les responsabilités et vous pourrez aider les justiciables victimes de ces cas-là.

Quelles contraintes pèsent sur le magistrat ?

Il n’y a pas de contraintes en tant que telles. C’est vrai que le magistrat doit se surveiller, ne doit pas manger n’importe où, ne doit pas faire un certain nombre de choses, encore que vous pouvez vivre dans un trou ou dans un bunker, vous aurez toujours des gens autour de vous. Le magistrat doit vivre de façon décomplexée. S’il fait bien son travail, il n’aura aucun ennemi parce que celui qu’on condamne sait qu’il est fautif. S’il sait qu’il est fautif, qu’il est bien condamné et qu’il n’y a pas d’erreur judicaire, il n’aura pas à en vouloir au magistrat. Ce qui est sûr et important, c’est que lorsqu’un verdict tombe, il y a forcément un mécontent, l’effort que ce magistrat doit faire, c’est que ce mécontent soit un mécontent sur l’autel du droit, l’autel de la justice. Si c’est cela, c’est que c’est Dieu qui protège le magistrat. Le bouclier du magistrat c’est l’Eternel. Je ne sais pas si à chaque fois qu’on met un justiciable en prison, il faut marquer un point. Quelle fierté a-t-on à priver son prochain de liberté ? Et si nous étions fiers à priver les gens de liberté, les mesures protectrices de libertés contenues dans le nouveau code de procédure pénale n’auraient pas été soutenues et défendues par les magistrats.

Votre mot de fin

Je vous remercie d’avoir fait le tour de toutes les questions, sans tabou. L’essentiel, c’est de se mettre au service d’une justice qui soit à notre service à nous tous.

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