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Le triomphe de la vérité

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Noyades sur les plages de Cotonou: Quand la mer devient un piège mortel


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Des cadavres rejetés par la mer et retrouvés sur les plages du Bénin. C’est le spectacle macabre que vivent les riverains des plages chaque semaine. Autour du phénomène, existe pourtant un silence lourd.

 Noyades sur noyades. Il n’y a pas ce week-end ou cette période de fête où l’on n’enregistre sur les plages de Cotonou, Ouidah et de Grand-Popo, ces cas de disparition subite de gens venus prendre un bain de mer. Même si les cas diffèrent d’une plage à une autre, les victimes s’en vont, dans la détresse générale de leurs proches.

 Un appel téléphonique emporte Hermann

Toujours sous l’effet de la disparition de son conjoint en 2011, Marie-Reine raconte : « Il a quitté la maison aux environs de 17 heures à la suite d’un appel téléphonique. Pour quelle destination, je ne savais. Des heures après, j’ai constaté qu’il ne rentrait pas. J’ai commencé à appeler ses portables qui sonnaient certes, mais que personne ne décrochait. Aussitôt, j’ai alerté son frère qui habitait le même quartier que nous. Mais, c’est le lendemain que nous avons été appelés par la police. Et d’après les informations reçues, ce sont les gardes-vélos qui assuraient la sécurité des motos qui ont constaté que sa moto était la seule. Par la suite, on a retrouvé ses vêtements sur la plage le lendemain. Tous les éléments étaient réunis pour confirmer qu’Hermann a été emporté par la mer. Toute la famille était sous le choc quand, au troisième jour, on nous a informés qu’un corps a été enterré par la voirie au cimetière communal de Somè dans la commune d’Abomey-Calavi.

 Le corps décomposé mais reconnu

Sans les yeux, le nez, les oreilles, complètement décomposé, le corps gonflé comme un ballon sans les doigts ni les orteils était méconnaissable. C’est dans cet état qu’Hermann a été retrouvé sur la plage de Jacquot trois jours après sa disparition. « Les poissons se nourrissent des organes des victimes quand elles séjournent dans l’eau », nous a confié Maurice Ayizo alias Azizo, pêcheur demeurant à Fidjrossè. Mais, il a fallu que la famille d’Hermann se rapproche de la police pour que le corps soit déterré pour vérification de son identité. « J’ai reconnu mon mari, grâce à la culotte qu’il a portée, sinon il a connu une déformation incroyable », déclare Marie-Reine, affligée. Elle poursuit, les larmes aux yeux : « l’homme n’est rien ». Des analyses du médecin légiste, il a été constaté une liquéfaction générale des organes internes, décollement de l’épiderme et gonflement massif de tous les viscères notamment de la langue, des testicules, de la rate, du foie, des poumons, etc. C’est ainsi que sur autorisation de la justice et de la police qui ont établi un procès verbal, les parents de la victime ont emporté le corps pour les rituels dans l’intimité familiale.

Des rituels pour ramener une personne

Très souvent, certaines victimes de noyade sont irretrouvables. Tandis que certains corps ont la chance de réapparaitre quelques heures ou encore deux ou trois jours après le drame, au même endroit, d’autres passent des jours en mer, à la dérive. Selon des pêcheurs, il faut alors invoquer certaines divinités pour que leurs corps réapparaissent. Alex K. Djaho, maître-nageur ayant assisté quelques fois à ces rituels, « le retour du noyé est possible et même régulier. Il intervient pour éviter que le corps apparaisse sur une autre plage ». Dans certains cas, ce sont les grands pêcheurs qui sont sollicités. A leur tour, ils cherchent un certain nombre d’objets avec lesquels les rituels se font. Des ingrédients tels que le boa, un poulet, l’essence, un pneu qu’ils brûlent avec les chaussures et les vêtements de l’individu sur les lieux. Et une fois que la cérémonie est faite par les grands pêcheurs, moins de trois jours après, la victime sort au même endroit. « La mer ne garde pas la saleté », a-t-il rappelé.

 La noyade, une fatalité 

« Parfois, certaines parties de la mer prennent la couleur rougeâtre et quand c’est le cas, il faut s’en méfier. Il ne faut même pas y mettre les pieds », confie Fernand Plagbéto, un pêcheur. A en croire ses propos, ces colorations proviennent des tourbillons qui surviennent subitement en pleine mer. Selon le maître-nageur Alex K. Djaho, quand la victime va en profondeur, à environs deux mètres de profondeur, son bras sort quelque temps et il disparait complètement. C’est alors que les maîtres nageurs sautent dans l’eau pour aller à son secours. Là encore, il va falloir de la vigilance et de l’habileté au maître- nageur, sinon il peut aussi être désorienté et subir le même sort que la victime. La situation n’est pas inconnue au Colonel Jean-Marie Stéphane Ahodi, commandant du Groupement national des sapeurs pompiers du Bénin. Selon ses propos, « il arrive des moments où même ceux qui sont professionnels ne peuvent pas prendre le risque d’aller à la mer sans prendre des précautions. Donc, ceux qui vont à la plage ne constatent pas souvent qu’il y a des endroits dangereux». Mais, pour certains, ces accidents sont mystérieux. Bernadin Nikoué, garde vélo sur la plage de Fidjrossè déplore le fait que certains croient qu’ils peuvent nager et confondent la mer à la piscine. « Or, la piscine n’est pas la mer », précise t-il. Mais, il y a de véritables cas de suicides. Séraphin Lossikindé, commissaire e police à Placodji à Cotonou indique que « ce sont des cas que les forces de sécurité aussi n’arrivent pas à comprendre. Cela peut être dû à une déception, une grossesse non désirée ou autre chose encore ». Et mieux, ajoute–t-il, « parfois, certains commettent des assassinats et jettent leurs victimes à la mer et simulent une noyade ».

Désiré était sorti avec ses camarades

 « Mon frère Désiré était élève au CEG Dantokpa », témoigne Yvette, employée dans une société de la place. « Le samedi 6 mars 1999, ses camarades étaient venus le chercher pour la plage de Jacquot. Le soir, ils sont revenus nous dire qu’il s’est noyé et qu’ils ont tout fait pour le sauver, sans succès », se rappelle-t-elle encore. Elle rapporte que le lendemain, son corps a été retrouvé dans les environs du port, amputé du nez. Enterré au cimetière PK 14, il a fallu le déterrer. « Quelque temps après, nous avons commencé à constater des choses bizarres à la maison. On nous a alors dit qu’il y a des cérémonies à faire avant de l’enterrer. On a été obligé de déterrer le corps pour faire les cérémonies et l’enterrer cette fois au village, à Abomey », confie-t-elle.

Emmanuel GBETO

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