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Le triomphe de la vérité

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Edito 25 mars 2013: L’échec d’une lutte


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La guerre s’est-elle mal terminée ? Tout porte à croire que oui. La lutte engagée par le gouvernement contre l’essence de contrebande semble avoir pris du plomb dans l’aile. Sur le terrain, les prix à l’informel ont commencé leur course à la baisse, tandis que ceux des stations-services montent en flèche. C’est le signe le plus visible que le marché noir a repris du service et que les services de sécurité coopèrent (joyeusement) avec les trafiquants.

       L’échec inéluctable de la lutte contre le kpayo se lit d’ailleurs entre les lignes du communiqué du conseil des ministres de mercredi, le gouvernement étant réduit à constater la quasi-absence de stations dans certains départements comme l’Ouémé et le Plateau. Il a certainement oublié de préciser que la lutte ne s’est menée qu’à Cotonou et environs. Et que dans certaines parties du pays, l’on n’a entendu parler de lutte contre le trafic qu’à la radio et à la télé, en se demandant bien comment le pays pourrait s’en sortir sans kpayo, comment les centaines de milliers de jeunes et moins jeunes, d’enfants et de femmes qui n’ont trouvé aucun emploi ailleurs pourraient subvenir à leurs besoins s’ils ne s’étaient rabattus sur ce pis-aller, et comment diantre les paysans et les commerçants d’Oké-Owo, de Dogbo ou encore les pêcheurs de Bonou pouvaient remplir leurs réservoirs s’il n’y avait pas l’essence de contrebande. La lutte portait en elle-même les germes de son échec.

       La question se pose réellement de savoir si un tel combat aura jamais de succès dans un pays comme le nôtre. Partageant avec le Nigeria une frontière de plus de 700 km, le Bénin ne saurait se lancer tout seul dans le combat de sa surveillance. Il faut, pour cela, tout au moins l’appui des autorités d’Abuja, afin d’anéantir les stations sauvages installées à ciel ouvert le long des frontières côté nigérian. Mais, il s’agit d’un commerce lucratif auquel s’adonnent là-bas nombre de hauts gradés de l’armée. Ils n’ont aucun intérêt à voir disparaître du jour au lendemain leur source de revenus. Et il n’est un secret pour personne que le Nigeria n’a pas les citoyens les plus disciplinés encore moins les autorités les plus honnêtes du monde…

       Côté béninois, il faut se demander si les forces de sécurité engagées dans la lutte font preuve d’une détermination sincère. Ce n’est pas aux Porto-noviens que l’on apprendra quelles connivences existent entre trafiquants et agents de sécurité. Il est même étonnant que le conseil des ministres n’ait rien dit sur la poursuite tenace du trafic malgré la présence dissuasive des militaires, gendarmes et autres policiers. Comment se fait-il que malgré les millions que dépense l’Etat quotidiennement pour payer leurs frais de mission et carburation, le résultat de la lutte soit aujourd’hui à l’étape que nous voyons ? Il faut, en définitive, qu’une enquête se mène pour déterminer leur niveau de responsabilité, savoir s’il faut ou non continuer la lutte ou simplement trouver des solutions d’avenir à un trafic qui déshonore l’Etat.

       Parce qu’en réalité aucun Etat sérieux ne peut pas ne pas lutter contre de tels trafics qui sapent les bases de l’économie. Leur utilité sociale ne doit pas occulter le fait qu’ils constituent une menace sérieuse au développement agricole d’autant que les jeunes ruraux s’y investissent majoritairement au détriment des travaux champêtres. D’où alors la faiblesse de la production agricole.

       On ne doit pas oublier non plus que si le phénomène zémidjan a pris une telle ampleur dans nos centres urbains, c’est en grande partie en raison du coût bon marché du carburant. Tous ces jeunes se débrouillent en ville au lieu de travailler en campagne, beaucoup allant jusqu’à vendre leurs terres pour acheter des motos utilisées pour faire le fameux taxi-moto. Pour faire renaître les villages, la lutte constitue un impératif de taille : elle obligera les bras valides à s’adonner aux activités rurales et donc à diminuer les prix des produits agricoles et halieutiques.

L’échec de l’expérience actuelle ne doit donc pas faire baisser les bras aux pouvoirs publics. Avoir désormais une vision holistique, et donc globale, rendra à l’action publique toute son efficacité. L’option uniquement militaire et policière a montré ses limites.

Olivier ALLOCHEME

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