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Le triomphe de la vérité

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Edito du 18 février 2013:La tristesse


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Au fond de nos âmes, l’angoisse. La mort de Zouley est comme une tempête dans un ciel  serein. Brutale, tragique, foudroyante. Un coup de massue tombe sur la république et nous cloue au pilori. Tout est obscur, nuit noire qui ensevelit les profondeurs de la terre. Ô mort, que tu es méprisable!

 Zouley nous avait habitués à sa voix. Suave.  Chaude et caressante. Celle qui s’en va dans la brutalité insoutenable où on l’a vue, est née pour nous gaver de mélodies. Car, en  dehors de son sens inné de la chorégraphie, sens que l’on peut apprécier dans tous ses clips,  il y a cette voix ! Trésor de beauté et de caresse, le timbre de sa voix vous pénètre de toute sa langueur. Il faut écouter son morceau Yékpébéri pour savourer cette tendresse infinie d’une voix venue de loin. Timbre unique, frisson garanti, tout un condensé de mélancolie et de beauté au cœur d’une mélodie simple, vive et recherchée. Au déluge acoustique qui accompagne la musique dite moderne, elle oppose ici la symphonie filtrée des professionnels.

On peut retrouver en plus raffinée encore cette musique venue d’ailleurs dans son dernier album au titre prémonitoire, « Seul ». Dans le titre « Kokari », on voit un hommage à la culture Ditammari avec en toile de fond la voix ! Ici aussi, c’est une Zouley incroyablement dense qui s’exprime. Nul ne peut écouter « Kokari » sans tomber, en effet, sous le charme envoûtant  de cette voix mélancolique et chaude à la fois.

Et tout ce talent naturel  est accompagné d’un professionnalisme mâtiné d’une rigueur technique indéniable. Car, Zouley reste l’un des rares artistes béninois capables de mélanger avec un égal bonheur des rythmes venus d’horizons divers. On l’a vu avec le Tipenti et le Têkê modernisés. On l’a aussi vu avec le Zinli d’Abomey ou encore ce qu’il est convenu d’appeler la world music. Musicienne sans  frontière, elle a su marier agréablement des rythmes apparemment différents pour en faire une seule et bonne musique, la musique béninoise. Le succès de sa carrière n’est que la consécration de ce talent inouï que seul Dieu peut donner.  Et alors, reste la question la plus folle, celle de la mort qui nous enlève Zouley.

« Voulez-vous que je vous dise pourquoi vous n’avez pas peur de la mort ? Chacun de vous pense qu’elle tombera sur le voisin »,  avait dit Sartre, comme pour railler ce sentiment d’immortalité qui sourd en chacun de nous. Chaque femme et chaque homme pense pouvoir bénéficier de la grâce de l’éternité. De sorte que la mort est toujours un malheur, une surprise aussi désagréable que certaine. C’est la seule vraie certitude de l’existence : nous allons tous partir, jeunes ou vieux, pauvres ou riches, blancs ou noirs. Tous.  Et Paul Valéry l’avait déjà dit : « L’homme est adossé à sa mort, comme le causeur à la cheminée ».  Comme le chasseur qui tient son carquois au dos, l’homme tient sa mort accrochée à sa vie. C’est une évidence, mais aussi la faille la plus béante de la créature humaine. Toutes nos courses pour  le confort ou la survie, tous nos combats, tous nos espoirs les plus fous s’affaissent devant elle. Elle les anéantit d’un coup. Zouley croyait aussi, sans doute, en son immortalité, pouvoir servir à quelque chose sur terre. Elle finit dans l’horreur, morte seule dans une maison vide. Seule.

« Dieu est pour nous un abri sûr,
un secours toujours prêt dans la détresse », dit le Psaume 46. Il nous invite à ne pas désespérer de la vie, de nos vies qui sont si vaines mais si incroyablement riches et belles à la fois. Nous voilà aux prises avec la dualité indépassable de l’existence. A la vérité, notre vie doit sa saveur à cette confrontation permanente entre l’éternité et la finitude, entre le bien et le mal, entre la vie et la mort…

Que serions-nous devenus s’il n’y avait pas cette soif de Dieu, ce Dieu qui nous dit de ne pas perdre espoir et de garder la foi ? Des monuments de vacuité, sans doute. Nos cris de douleur face à la tragique disparition de Zouley expriment notre incompréhension. Qu’ils soient aussi nos prières pour une mort plus juste. Plus humaine.

Olivier ALLOCHEME

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