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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Le cas Ahanhanzo


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Tout le monde est embarrassé. Blaise Ahanhanzo retournera-t-il au gouvernement ? D’une part, on sent que le ministre de l’urbanisme a été victime d’un coup monté, un grossier traquenard à la béninoise probablement fait pour l’humilier et contraindre le Chef de l’Etat à le démettre de ses fonctions. Et l’objectif a été partiellement atteint, puisque tout ministre qu’il est, il a été gardé à vue pendant près de 72 heures avant d’être libéré. Contrairement à ses habitudes dans de pareils cas, le procureur de la république s’est gardé de tout point ou conférence de presse.

Il n’a même pas daigné émettre le moindre communiqué de presse pour qu’on sache pourquoi un ministre en fonction a été placé en garde à vue. De sorte qu’aujourd’hui, le dossier est soumis aux rumeurs les plus sombres. On se moque même de savoir si cette action a des répercussions sur la crédibilité du gouvernement. Comment peut-on mettre en garde à vue tout un ministre et le libérer après avec pour seule justification qu’on ne lui reproche rien ? A quel moment l’appareil judiciaire béninois a-t-il atteint un tel niveau de banalisation de la dignité des gens ?

D’autre part, il est clair que dans un pays sérieux, Blaise Ahanhanzo aurait choisi lui-même de démissionner. Et s’il ne le faisait pas, le Chef du gouvernement l’y aurait gentiment contraint pour sauver la crédibilité de son équipe. Dans tous ces cas, c’est la gloire des comploteurs qui triomphe, c’est ceux qui lui en veulent pour avoir porté plainte dans le dossier de construction du siège de l’Assemblée nationale qui auraient sablé le champagne. Ne pouvant s’arrêter en si bon chemin, ils disposeront des moyens pour arrêter la procédure judiciaire enclenchée, en tout cas pour empêcher qu’elle touche à leurs protégés.

Et donc, pour éviter d’en arriver au triomphe des conspirateurs de tout poil qui jubilent déjà de toutes leurs dents, le Chef de l’Etat ne saurait limoger un ministre à qui la justice ne reproche rien. A moins d’être lui-même un acteur de la conspiration. Il a même le devoir de dire au peuple béninois ce qui s’est passé en ces jours d’humiliation où le monde entier a été informé de l’arrestation de son ministre. Il a le devoir de nous dire si nous pouvons continuer à avoir confiance en une justice visiblement instrumentalisée. Une telle justice fait peur, en effet, surtout pour la dignité et l’impartialité qu’elle est censée incarner.

Dans la même affaire, les clarifications qui s’imposent concernent également les cadres du ministère de l’urbanisme actuellement incarcérés. Parmi eux, deux sont directement rattachés à la personne même du ministre. Ils sont en prison depuis des semaines, alors que le ministre lui-même est libre de ses mouvements. La question est alors celle-ci : s’ils sont réputés complices du ministre, pourquoi sont-ils toujours gardés alors que la même justice a dit qu’elle n’a rien à reprocher au ministre qui était censé être le coupable ? Doit-on alors comprendre que les vrais coupables, ce sont eux, eux qui n’ont fait qu’exécuter des ordres ?

A vrai dire, le rôle de la justice reste encore ambigu dans cette affaire. Entre soumission au pouvoir politique et accomplissement de sa mission républicaine, elle est tiraillée entre mille pressions qui en font une machine sans âme dans un pays qui a plus que jamais besoin de justice. Il y a quelques semaines, j’écrivais encore ici dans ces mêmes colonnes ceci : « L’Etat de droit se dépouille de plus en plus de sa réalité. Il est devenu une incantation au même titre que d’autres flatteries basses qui fleurissent lors des grands foras ou des conférences internationales dans lesquels les paroles de circonstance importent plus que la réalité. Et le drame, ce n’est pas la prolifération de l’injustice. C’est la dissipation effrénée de la capacité d’indignation du peuple ».

Aujourd’hui plus qu’hier, cette impression d’une justice injuste n’a jamais été aussi forte. Impression de devoir fuir peut-être un jour comme Lionel Agbo, parti dare-dare comme un voleur de mouton sans attirer la moindre désapprobation populaire. Parce que les gens sont fatigués d’une justice qui ne sait pas être au-dessus de tout soupçon.

Olivier ALLOCHEME

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