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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Association de nulles


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« Armées africaines : pourquoi sont-elles si nulles ? » Ce titre explosif de Jeune Afrique a fait grand bruit il y a quelques semaines. Le magazine panafricain s’était employé à faire un portrait sans concession de nos forces de défense et de sécurité. Le patron d’Africom, le commandement militaire américain pour l’Afrique, le général Carter F. Ham y déclarait notamment : « Depuis des années, les rares armées opérationnelles du continent ont été entraînées et équipées pour participer à des opérations de maintien de la paix, mais elles sont incapables de mener une guerre offensive ».

« Cinquante ans après les indépendances, aucune armée ou presque n’est en mesure de défendre son propre territoire national », s’est alors exclamé Jeune Afrique avant de prendre l’exemple des pays comme la RD Congo, le Mali, la République Centrafricaine ou même la Côte-d’Ivoire dans lesquels les armées se sont fait avoir par des rébellions plus ou moins hétéroclites.

« L’on pourrait multiplier les exemples de ces armées de parade, aussi remarquables les jours de défilé qu’inaptes sous le feu, aussi redoutables dès qu’il s’agit de taxer les véhicules qui s’aventurent aux abords de leurs barrages qu’incapables de tenir leurs positions sous la mitraille, souvent contraintes par carence et aboulie de sous-traiter les lignes de front à des supplétifs incontrôlés : Maï-Maï en RDC, Ganda-Koy et Ganda-Izo au Mali, Libériens et Dozos en Côte d’Ivoire, Djandjawid au Soudan », ajoute le magazine.

Dans certains cas, comme au Liberia de Samuel Doe ou au Zaïre d’un certain Mobutu, ce sont les hommes en uniforme qui sont dans les rues et les casernes le jour et se transforment en criminels la nuit. Les populations paient alors le prix fort, d’avoir à entretenir leurs propres bourreaux. Mais il y a pire, lorsque les hauts gradés s’attachent aux délices du pouvoir et se trouvent des destins de Présidents de la République.

Car, du fait des nombreux privilèges dont ils jouissent au sein de nos Etats, les hiérarchies militaires se perçoivent comme au-dessus des lois et de la République. « Seul corps organisé au sein d’Etats à peine naissants », comme on disait dans les années 60-70, l’armée a fini par être, en effet, le seul recours dans le chaos politique entretenu aux lendemains des indépendances. Chaque Chef d’Etat a pu se constituer une garde prétorienne généralement mieux entretenue que le reste de la troupe. A cela s’ajoutent les milices qui ont fait florès au point d’être utilisées tout récemment encore par Laurent Gbagbo.

Dans tous ces cas, nous avons affaire à des Etats déstabilisés, conduits à l’abattoir par la soldatesque. Ce qui est en cause, c’est moins la formation des hommes que leurs conditions d’utilisation dans des Etats en difficultés économiques endémiques. Même si les soldes sont conséquentes et que nos hommes s’engraissent bien volontiers à force de primes et indemnités largement au-dessus de la moyenne nationale, les conditions matérielles de travail tiennent généralement de la gageure.

Qui condamner, si ce ne sont les politiques eux-mêmes qui ont affamé la troupe suite aux crises diverses ayant frappé nos Etats. Dans bien des cas, ce sont les hauts gradés, embourgeoisés au-delà de toute imagination, qui imposent à la meute des hommes de rang une misère insoutenable propice à toutes les manipulations.

Le Bénin a réussi à échapper à toutes ces contingences militaires jusqu’ici. Ce qu’il faut saluer, c’est surtout le caractère républicain des recrutements. Ceux-ci ne sont pas soumis aux quotas ethniques qui plombent ailleurs l’unité au sein de la Grande Muette. Même si des équilibrages politico-régionalistes sont souvent à la base des promotions aux grades d’officiers supérieurs, le Bénin peut s’enorgueillir d’avoir gagné le pari de l’unité de ses forces de défense et de sécurité. Mais la véritable question est encore là : peuvent-elles faire face à une agression armée de groupes organisés similaires aux djihadistes du Nord-Mali ?

Les conjectures sont impuissantes à nous situer. Ce qui est visible, c’est cet équipement obsolète et cette discipline encore vacillante remarquables lors des parades des grands jours. Peu d’armées africaines ont la réactivité qu’a eue l’armée française en se positionnant sur le théâtre malien avec une rapidité foudroyante qui a dérouté les rebelles eux-mêmes. Pendant ce temps, les armées de la sous-région ont encore du mal à se trouver un rôle et tournent en rond depuis des mois. C’est tout dire.

Olivier ALLOCHEME

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