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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Le vodoun au service de l’entreprise


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« Dans mon travail, le vodoun est incontournable ». C’est ce que m’a confié un jour un Chef d’entreprise. Il avoue que dans le milieu des affaires, tous ses collègues sont contraints de consulter les Bokonon, d’implanter quelques fétiches ou encore de laper quotidiennement quelques poudres « préparées ». Qu’il s’agisse d’aller rencontrer quelques partenaires sérieux, de négociations plus ou moins difficiles ou encore de démêlées judiciaires, la majeure partie des chefs d’entreprises au Bénin ne peuvent se passer de ces solutions endogènes. A quoi servent-elles ?

En réalité, la solution africaine aux enjeux qui jalonnent l’entreprise réside bien souvent dans le recours presque généralisé aux pratiques occultes. Le cas le plus connu est celui du marché Dantokpa réputé pour être l’épicentre même de cette tendance. Elixir pour attirer la clientèle, gris-gris pour protéger des mauvais yeux, ou encore sorcellerie en bonne et due forme pour éliminer les concurrents gênants constituent la panoplie des affaires. En lieu et place du marketing agressif des sociétés européennes ou asiatiques, nos commerçantes optent pour des adjuvants variés puisés dans le mysticisme le plus obscur de nos ancêtres.

Ainsi, l’on raconte comment l’eau ayant servi à laver les cadavres dans les morgues est très prisée pour concocter des solutions marketing à la béninoise. Il y a aussi les organes humains dont les vertus sont connues. Une enquête minutieuse menée à ce sujet sera publiée prochainement dans l’Evénement Précis. Elle montre en tout cas comment l’industrie de la mort nourrit les espoirs et surtout les fantasmes des vivants dans une conjuration plus que sordide.

A Dantokpa comme ailleurs dans les grands marchés du pays, il est de notoriété publique que nul ne saurait durer et prospérer dans ses affaires s’il n’a à sa dévotion une kyrielle de Bokonon de qualité, puisés dans les villages les plus réputés. Bien entendu, certains décès brutaux, certaines faillites inexplicables ou encore certaines richesses soudaines trouvent également leur source dans ces pratiques qui enterrent les uns pour élever les autres. Parfois, on pactise carrément avec le diable. Les étalages, les boutiques et autres magasins fonctionnent dès lors sur le mode de la peur permanente. Peur des fétiches que l’on enterre à l’entrée, peur des poudres répandues pour nuire, peur de l’argent « préparé » qu’un client improbable a pu glisser dans votre commerce pour le voir s’effondrer, peur simplement de la salutation de l’autre…

Un directeur de société me confiait que pour gagner un marché public, des sacrifices innombrables sont nécessaires avant comme après l’adjudication définitive. Après, parce que là encore peu de concurrents acceptent leur défaite et sont capables de se venger par tous les moyens. Dans toute cette tendance, il est impossible de ne pas compter ceux qui font feu de tout bois.

Ils sont de toutes les églises et de toutes les mosquées en même temps qu’ils mettent à leur service une armada conséquente de Bokonons qui veillent de jour comme de nuit sur eux et leurs affaires. Ce mélange des genres va jusqu’à associer les sectes maçonniques, bouddhiques ou shintoïstes pour la bonne marche de leurs affaires. De là, à dire que les chefs d’entreprises au Bénin sont de grands adeptes de l’occultisme, il n’y a qu’un pas.

Dans ces conditions, ce sont les pratiques souterraines qui prennent le pas sur la recherche des innovations techniques qui font l’entreprise. La rationalité entrepreneuriale devient alors un vain mot.

S’il y a souvent des pratiques irrationnelles dans nos administrations en charge des marchés publics, cela est généralement redevable de la forte charge mystique ayant conduit à la prise de certaines décisions d’adjudication. Autant ces pratiques obscurantistes constituent des éléments d’élévation, autant elles sont des facteurs de recul. Elles nuisent notamment au processus décisionnel au sein des administrations publiques et privées.

Elles donnent surtout l’illusion au chef d’entreprise que le plus important reste le mouton sacrifié ou le Tolègba à qui l’on a donné à manger. Pendant ce temps, les autres entreprises se concentrent sur la qualification de leurs personnels, l’innovation technique et managériale auxquelles s’ajoute la priorité accordée à la démarche marketing et à la démarche qualité. Elles seules permettent d’attirer, de fidéliser la clientèle et de s’assurer des produits et des prestations irréprochables, gages de succès.

En un mot, comme en mille, le gris-gris n’est pas un outil de conquête du marché.

Olivier ALLOCHEME

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