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Le triomphe de la vérité

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ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE ZINKPE, DIRECTEUR EXECUTIF DE LA BIENNALE REGARD BENIN 2012: « Je lutte pour que l’art ne soit pas politisé »


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Dominique Zinkpè, «C’est aussi une manière de montrer que l’art visuel n’est pas que pour satisfaire le goût des artistes et que ça peut aussi contribuer au développement.»

Depuis le 8 novembre dernier, le Bénin tient pour la 2ème fois consécutive, sa biennale intitulée, « Biennale Regard Bénin 2012 ». Des expositions d’arts s’exécutent quotidiennement au Centre Kora de Cotonou retenu comme quartier général de l’événement. Rencontré, Dominique Zinkpè, le Directeur exécutif de la Biennale fait un bilan à mi-parcours de cette initiative mise en branle par un consortium d’associations d’artistes plasticiens. Puis, il parle de son combat contre la politisation de l’art au Bénin.

L’Evénement Précis : Il y a environs un mois, le train de la biennale Regard Bénin 2012 a été mis en route et poursuit son chemin jusqu’à ce jour. Quel bilan faites-vous des différentes activités qui sont inscrites au programme par rapport à cette biennale?

Dominique Zinkpè : Nous pourrions dire que c’est trop tôt pour faire un bilan. En même temps, nous pourrions faire des constats parce que l’événement a été lancé, les projets spéciaux prévus continuent d’offrir au public des expositions aussi bien à Cotonou au centre Kora qu’à Porto-Novo, à Abomey et à Ouidah également.

 En ce qui concerne les artistes invités, la plupart sont rentrés et ce qui est réjouissant, c’est que leurs œuvres sont restées et le public continue de les admirer. En ce qui concerne les artistes locaux, ils marquent, par leurs dispositions et nous avons aussi les médiateurs culturels qui permettent des visites guidées aux enfants qui viennent régulièrement au centre Kora pour découvrir les expositions. Donc, en gros, c’est le constat que nous avons fait maintenant.

 Donc, ce qui est important, c’est l’après biennale. C’est souvent dans ces grands rendez-vous artistiques. Il y a l’effervescence la première semaine, le plus dur, c’est de continuer pour permettre au public de découvrir cette énergie produite par les artistes. Donc, c’est un travail qui ne pourra se terminer qu’à la fin de l’exposition, c’est-à-dire le 13 Janvier.

Vous venez de dire que la plupart des artistes étrangers sont déjà partis. Est-ce pour des raisons liées aux difficultés de parcours ?

Ce qui est important, c’est que les artistes sont venus en amont à la manifestation pour produire leurs œuvres sur place et une fois exposées, ils laissent ça dans la main des guides parce que vous savez que la plupart des artistes honorent d’autres expositions. C’est valable aussi pour les commissaires et les journalistes internationaux. C’est souvent dix jours, une semaine sur place mais après, ce n’est pas évident vu les frais que ça coûte à une biennale de garder les gens à l’hôtel et les faire déplacer pendant un mois, c’est onéreux.

La présence est importante à l’ouverture de la manifestation. Mais, après, ce n’est pas important qu’on oblige les artistes à être gardiens de leurs œuvres. Nous avons confié le soin à l’équipe d’organisation de continuer à animer l’exposition et qu’à la fin, on puisse leur rendre leurs œuvres.

L’autre constat qu’on peut faire, c’est que lorsque vous vous rendez au centre Kora, l’affluence n’est pas ce qu’on aurait souhaité pour une grande manifestation comme la biennale Regard Bénin 2012. Comment expliquez-vous cela?

Effectivement, il n’y a pas l’engouement qui est prévu pour ces genres d’événements, et il faut reconnaitre que les gens ont leurs activités qui les retiennent tous les jours. Mais on ne pourrait pas dire que le Béninois n’est pas curieux. Ce qui manque, ce n’est qu’un début et c’est peu à peu, car nous sommes à notre première vraie édition et peu à peu, cela rentrera dans les habitudes des Béninois de visiter les expositions. C’est un travail à long terme.

C’est aussi un travail éducatif parce que le spectacle est déjà entré dans les mœurs. Mais, par contre, l’art visuel, c’est souvent vu d’une manière abstraite. C’est peu à peu avec ces genres d’événements que les Béninois auront la culture de visiter des expositions. En gros, quand il y a de grandes expositions qui sont exposées dans la rue, on voit ce que ça donne. Donc, le rite de se déplacer en famille pour aller visiter une exposition ne répond pas totalement à notre envie ou à notre souhait. Donc ça s’est fait d’une manière isolée. C’est pour cela que j’avais parlé tout à l’heure de la visite des élèves avec le soutien de la fondation Zinsou.

 Il y a des bus qui vont dans des écoles pour aller chercher des élèves pour venir visiter et si ce travail continue, je pense que ce sont ces mêmes enfants qui vont convaincre leurs parents à venir mais aussi avoir cette habitude-là d’aller voir les expositions et ça s’explique aussi par le fait qu’au Bénin, il n’y a pas d’école d’art plastique. Je dirais que ce n’est pas une discipline qui est assermentée.

Donc, on a remarqué qu’habituellement, les centres culturels que nous avons au Bénin offrent plusieurs expositions et on remarque aussi que ce ne sont pas les gens de la rue qui viennent visiter ces expositions. Ce sont souvent des gens qui ont un peu de moyens, qui ont un pouvoir d’achat qu’on invite souvent.

Mais une biennale permet quand même d’offrir des expositions gratuites, juste pour partager ce que leurs contemporains font avec le public. Ce phénomène est loin de nous décourager au contraire parce que tout art se partage mais, des fois, s’impose aussi et pour s’imposer c’est à travers ces genres d’événements qu’on pourra commencer peu à peu à les faire rentrer dans les habitudes des Béninois.

Avez-vous déjà réalisé des ventes de tableaux puisque le but aussi, c’est de faire vivre les artistes plasticiens de leur art ?

Il y a deux cibles. A travers quelques expositions, en dehors de l’exposition nationale qui n’est pas une exposition forcément à but lucratif puisqu’elle est subventionnée, mais n’empêche pas que des commandes qui se fassent et surtout ce sont des programmes d’expositions qui s’offrent aux artistes béninois. Ce ne sont pas des ventes directes. Mais, c’est comme un marché de l’art ; ce qui voudrait dire qu’il y a des collectionneurs qui ont été invités.

Il y a d’autres personnes également qui sont venues à Cotonou particulièrement à l’ouverture de la biennale pour découvrir la scène artistique locale et programmer des artistes pour des expositions en dehors du Bénin. Et même si les ventes ne sont pas pour tout de suite, ça ouvre des portes aux artistes de pouvoir exposer en France parce que, jusqu’à présent, il y en a qui sont en France, en Allemagne et en Israël. Ce qui est étonnant, c’est Israël avec qui nous n’avons aucune coopération directe et qui ouvre ses portes. Pour des ventes directes, j’ai remarqué que ça se passe souvent à travers des projets spéciaux comme ceux présentés par la fédération des associations d’artistes du Bénin qui est inscrite à la place du souvenir.

En dehors des ventes directes, il y a l’aspect culturel, l’apport du développement que la culture peut amener, c’est-à-dire toutes ces médiathèques qui ont des salariés. C’est aussi une manière de montrer que l’art visuel peut générer aussi des bénéfices pour le développement social. Il y a plus de quatre vingt dix personnes qui ont été logées. Donc ça apporte des gains. C’est une manière aussi de montrer que l’art visuel n’est pas que pour satisfaire le goût des artistes et que ça peut aussi contribuer au développement.

On ne peut passer sous silence la guéguerre qu’il y a eu au départ entre vous et Ousmane Alédji sur la paternité de la biennale. Les armes sont-elles finalement rangées entre vous?

En réalité il n’y a ni d’armes ni de guerre. Ce que moi je remarque, c’est la démonstration que le Bénin offre beaucoup de potentiels pour permettre d’abriter deux biennales en même temps, même si ça ne nous honore pas trop. Le Bénin est un petit pays sur le plan géographique mais un pays intelligent et il n’y a aucune raison de continuer à mener une guerre parce que cela ne pourra que ternir l’image du peuple béninois.

C’est vrai, il y a eu quelques dissensions. Mais, c’est un partage de territoire, chacun doit réussir à avoir son compte. Au fond de nous-mêmes, le Bénin qui fut un quartier latin demeure un pays de culture et ce n’est pas pour des raisons de personnes que nous allons détruire tout le travail que nous effectuons au quotidien.

C’est pour dire que je continue d’entretenir de bons rapports avec Ousmane qui reste aussi un talent pour notre pays. Je lutte personnellement pour que l’art ne soit politisé, détourné à d’autres fins. Si je me suis engagé dans ce domaine, c’est que je voudrais que l’art plastique soit dirigé par des personnes qui ont réellement des expériences dans le domaine.

Des difficultés, il y en a eu certainement. Dites-nous si la Biennale était à reprendre, quelles sont les fausses notes que vous avez notées et que vous auriez pu aplanir pour offrir une biennale prochaine mieux organisée que celle-ci ?

Le plus grand souhait, c’est de rechercher une biennale fédératrice qui réunit tous les Béninois autour d’une même intention, d’une même idée et surtout d’éviter la division en notre sein. Etant donné que ce serait ridicule aux yeux des artistes internationaux que nous avons invités. L’autre chose que j’aimerais, pour la prochaine édition, c’est aussi de réussir à convaincre les partenaires afin qu’ils restent à nos côtés jusqu’à la fin quand ils financent nos projets comme ils le font au démarrage.

Il y a quelques partenaires qui sont à nos cotés tout le temps. Mais ça doit être répétitif et surtout ne pas perdre ce baptême que nous avons eu de nous inscrire dans la sphère de l’art plastique mondial et que désormais le Bénin soit une plaque tournante de l’art visuel et c’est tout à notre honneur si cela se pérennise.

A part le Fitheb, nous n’avons pas de grands événements. Mais il y a des pays qui ont plusieurs fêtes au même moment. C’est à notre honneur que la biennale soit un grand rendez-vous international. Merci au peuple béninois, merci aux partenaires et merci à tous ceux qui ont cru en moi et un coup de chapeau à tous les artistes.

Entretien réalisé par

Donatien GBAGUIDI

 

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1 thoughts on “ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE ZINKPE, DIRECTEUR EXECUTIF DE LA BIENNALE REGARD BENIN 2012: « Je lutte pour que l’art ne soit pas politisé »

  1. Biénnale 2012

    Problème de salaire des médiateurs!

    Subventions donnée pour assurer les salaires de médiateurs détournées… Plus que trois médiateurs à la Biennale depuis le scandale.

    Il n’y a plus que trois médiateurs culturels à la Biennale Regard Bénin 2012!!!! Il étaient pourtant neuf! Neuf médiateurs formés pour accompagner le public du 08 novembre 2012 au 13 janvier 2013.
    Les trois sur le terrain ont reçu la moitié de leur salaire du mois de novembre. Les six dont les contrats n’ont pas été reconduits ont perçu la totalité de leurs salaires.
    L’Institut Français a mis à la disposition de la Biennale 6000 euros (pour la médiation culturelle), prévus pour payer les formés et les formateurs.
    Les formés n’ont pas été payés, certains formateurs ont laissé leur paye pour que les médiateurs formés soient payés mais …
    Qui va assurer l’accompagnement des jeunes élèves qui viennent en bus en debut de semaine? les trois médiateurs rescapés? Les médiateurs de la Fondation Zinsou qui sont normalement là seulement pour assurer la sécurité des oeuvres de la dite fondation et non les visites d’exposition?
    De nouveaux médiateurs seront formés pour assurer les visites?

    Quel destin pour la Biennale Regard Bénin 2012 “de Cotonou”??
    Y aura t-il une comparaison véritable à celle de Porto Novo?
    Biennale Regard Bénin 2014: doit-on faire confiance au consortium à nouveau? lui confier la direction d’une telle manifestation ?

    Finalement il est plus facile de constater et de justifier peut être laquelle des deux Biennales (Porto Novo vs Cotonou) voulait et pouvait revendiquer légitimement une certaine paternité…
    A SUIVRE…

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