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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Justice militaire


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L’affaire Talon s’emballe à nouveau. Les conférences de presse croisées données par les avocats des prévenus et le Directeur de cabinet du ministre de la défense achèvent de nous convaincre que ce dossier enregistre des dérapages. Et ils peuvent porter préjudice à la manifestation de la vérité.

Pour le savoir, il suffit de suivre ce que les avocats des prévenus ont déclaré ce vendredi. Le médecin-commandant Mama Cissé Ibrahim a été auditionné par une commission militaire, extrait de la prison et auditionné à Cotonou en conseil de discipline. Tout cela contre l’avis du juge d’instruction qui avait expressément interdit toute forme d’extraction.

Nous apprenons des avocats que Kora Zoubeyrath et Mama Cissé Ibrahim ont été contraints de signer une demande d’audience au chef de l’Etat. Pourquoi ? Pour aller demander pardon et obtenir ensuite sa grâce ? Mais la lettre du docteur Cissé mieux, que toute autre pièce à conviction, montre qu’il ne se livrera jamais à la comédie que l’on voudrait lui faire jouer. Il ne cèdera sur rien. Et nos vues de s’embrouiller, nos certitudes de s’effondrer comme château de cartes.

Le ciel bleu de nos certitudes s’est assombri pour laisser place à de graves questions, à celles qui de toute éternité annoncent les orages. Pourquoi subitement une procédure pseudo-militaire a-t-elle été activée ? Pourquoi veut-on forcer des prévenus à aller rencontrer leur victime présumée en dehors de la procédure légale engagée ? Si ce n’est pour une manipulation qui se trame dangereusement pour tordre le cou à la vérité, à quoi rime une telle démarche ?

Ces questions qui se bousculent dans nos têtes chenues et qui en soulèvent d’autres encore plus massues, conduisent toutes à une indétermination notoire : est-ce que notre pays sera humilié à nouveau devant le monde ?

Avec la mise en branle précipitée de la prétendue procédure militaire, les voies de recours pour la défense sont en effet largement dégagées. Patrice Talon n’en demandait pas tant, mais il se voit offrir sur un plateau un faisceau d’actes mettant en difficulté la procédure d’extradition engagée contre lui. Il lui suffirait de profiter de cette procédure parallèle pour mettre en exergue l’inexistence au Bénin d’une justice indépendante. D’autant que la procédure militaire a été engagée en dépit de l’interdiction formulée par le juge en charge de l’instruction du dossier.

Mieux, les demandes d’audience ont été obtenues sous la contrainte. Elles donnent l’impression d’émaner d’une partie qui se sent aux abois, obligée de contraindre par la menace et la torture morale pour extorquer des aveux devant servir à quel dessein on ne sait.

La procédure militaire est indépendante de la procédure judiciaire. Soit. Mais en ces moments de polémique exacerbée, la précaution la plus élémentaire recommande que le médecin Mama Cissé Ibrahim soit effectivement condamné par les juges avant que l’on ne pense à une quelconque action militaire. Pour le moment, nul ne saurait juger de la culpabilité des prévenus. Même le juge d’instruction ne saurait tirer cette conclusion sans avoir réellement mené à bonne fin ses enquêtes.

Mais il a fallu que la hiérarchie militaire, désireuse sans doute de plaire à quelqu’un, se jette dans ses propres filets. Elle est sans doute plus prompte que la justice béninoise à détecter le vrai du faux, plus agile que les magistrats les plus expérimentés de nos cours et tribunaux. Mais comment a-t-elle pu établir déjà la culpabilité du prévenu sans écouter patrice Talon en personne ?

A plus forte raison, il semble que l’on ne perçoit pas encore dans cette affaire, la position délicate du Chef de l’Etat. En tant que ministre de la défense, il se retrouve être celui qui doit administrer une sanction jugée neutre alors même qu’il est la victime présumée de la tentative d’empoisonnement. Le citoyen sait lire ici les signes d’une justice mal ficelée, fût-elle militaire.

Non, nous ne tomberons pas dans ce piège à rats. La polémique qui ne fera que s’enflammer davantage, recommande simplement que Boni Yayi démissionne de son poste de ministre de la défense. A tout le moins, il devrait obtenir de la hiérarchie militaire que cesse cette agitation qui nuit à l’enquête et finalement à la manifestation de la vérité.

Olivier ALLOCHEME

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