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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Corruption et économie


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Il y a encore du chemin. En pleine semaine nationale de lutte contre la corruption, il me semble qu’il n’y a rien de mieux à dire que cette formule qui nous rappelle les aspérités du chemin qui reste à parcourir dans la lutte contre le fléau. Les spots télévisés, les messages affichés au long des administrations montrent l’urgence de la lutte, mais aussi et surtout les ravages qu’il cause à l’économie.

A l’économie, cela veut dire aux entreprises de tous les secteurs, ainsi qu’à la production. Pendant que les défenseurs de l’intégrité s’échinent à sortir les chiffres les plus alarmants liés à la corruption, l’on ne mesure pas toujours (ou presque jamais) le mal que la corruption cause au mince tissu d’entreprises ayant réussi à passer les mailles du système béninois. Elles meurent par dizaines chaque année, incapables de faire face aux stratégies vicieuses mises en place dans les administrations pour assurer le contrôle des marchés publics. Les jeunes entreprises désireuses de travailler avec l’Etat sont alors obligées d’entrer dans le labyrinthe des pratiques douteuses en vue de survivre.

La question éthique est celle-ci : faut-il mourir pour l’intégrité? Dans bien des cas, les chefs d’entreprises n’ont pas vraiment le choix. Ils ne peuvent tout simplement pas opter pour le renvoi de leur personnel, leur propre chômage, encore moins le harcèlement agressif de leurs créanciers. Corrompre ou périr, tel semble être le dilemme cornélien dans lequel ils sont obligés de s’engager.

Mais en réalité, le choix est facile. Et les dégâts ne se comptent plus. Chantiers abandonnés, utilisation de matériaux de qualité douteuse ou sous dosés, mise en place d’infrastructures qui se détériorent très vite. Telles en sont les conséquences. Autre conséquence aussi, c’est l’arrivée de grands groupes chinois et étrangers. Les entreprises nationales étant taxées d’incompétentes, elles font l’objet de méfiance de la part de la même administration qui les a contraints à l’enlisement.

Il est vrai que les grands groupes internationaux donnent l’impression de ne jamais s’adonner à certaines pratiques corruptives. Donnent l’impression…La réalité, c’est qu’elles s’adonnent à la haute corruption, celle qui a lieu au sommet de l’Etat, sans qu’il soit possible d’en savoir davantage. Elles sont solidement accrochées au parapluie de leurs Etats qui les protègent contre vents et marées.

Quelques entreprises refusent au contraire de travailler avec l’Etat. Elles se tournent directement vers le secteur privé, surtout lorsqu’il s’agit de relations B to B (entre entreprises, ou B to C (de l’entreprise aux clients). Autant dire qu’il s’agit d’une infime minorité.

La loi n° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, ainsi que ses décrets d’application étaient censés résoudre le problème. Ils ne l’ont guère résolu. Dans l’indice de perception de la corruption publié chaque année par Transparency International, le Bénin arrive en 2012 à la 94ème place sur 176 Etats alors qu’il était 100ème en 2011 sur 183 pays. En clair, le mal n’a pas baissé d’un iota. Et les Béninois le perçoivent dans leur quotidien.

Les limogeages en série intervenus ces temps derniers sont des actions fortes. Elles devraient servir à refréner les ardeurs corruptives ancrées dans nos mœurs. Mais il n’est que de constater que les habitudes n’ont pas vraiment changé. Loin de moi l’idée qu’il s’agit d’actions inutiles. Elles ont permis tout au moins de démontrer la détermination du Chef de l’Etat à lutter contre la corruption, même dans son entourage le plus immédiat. Peut-être aussi qu’elles ont instauré une certaine inquiétude dans les administrations. « La peur du gendarme est le commencement de la sagesse », dit une sagesse populaire.

Mais il devient urgent de trouver un moyen pour inculquer à chacun les vertus citoyennes. Il ne s’agira pas seulement de le dire à la bouche, mais d’en être l’expression. Il ne s’agira pas non plus des sempiternels messages qui sont envoyés ou placardés mais de leur mise en œuvre concrète. Tel est le défi.

Olivier ALLOCHEME

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