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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Banania


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L’hyperprésidentialisme à la béninoise. Ainsi pourrait être intitulé un ouvrage sur l’amoncellement des pouvoirs qui écrasent le régime Yayi. Cette superpuissance qui habite la Marina se donne à voir dans la rue, dans les médias, et même dans les plus petits services administratifs du pays. Dans les médias, c’est cette overdose de Yayi véhiculée à longueur d’images dans les journaux télévisés qui détonne.

Il est vrai que la communication présidentielle a fait son siège dans les quatre chaines de télévision. Celles-ci disposent d’entrées confortables au Palais de la République. Et même Canal 3 qui s’était fait expulser, y a refait une entrée remarquée : désormais toutes les audiences et les déplacements du Chef de l’Etat y passent, exactement comme à l’ORTB. Ce monopole de l’image n’a son pendant, ni dans les radios ni dans les journaux. Là du moins, subsiste encore une liberté qui est finalement incontrôlable.

Mais celui qui a échappé à la surexposition de la télévision n’échappera pas aux grandes affiches savamment déposées aux grands carrefours de Cotonou. Chacune véhiculant des messages d’une fatuité désarmante, cette forme de « communication » donne l’impression que l’envahissement télévisuel ne suffit plus. Que le citoyen doit être poursuivi jusque dans la rue, dans une indécence qui confine à la myopie. C’est à croire que les gourous de cette forme de communication qui exposent les faits et gestes du premier d’entre nous, avec une telle absence de goût, ne voient pas ce que je vois tous les jours.

Et si la sur-médiatisation presque compulsive du Chef de l’Etat reflétait dans les faits sa conception du régime et des pouvoirs ? La question ne se pose même plus. Boni Yayi est un adepte avéré de l’hyperprésidentialisme, c’est-à-dire de ce régime dans lequel le Président de la république ramène tous les pouvoirs à lui et à lui seul. Au nom de son hyperpuissance, c’est lui et lui seul qui contrôle tous les leviers dans tous les ministères.

La semaine dernière encore, il est allé jusqu’à rencontrer directement les cadres du ministère des finances, comme auparavant il a été capable de négocier avec les syndicats de base, en escaladant allègrement leurs centrales et confédérations syndicales. Les moindres discours, les moindres interviews des ministres ou des cadres à quelque niveau que ce soit, font référence à sa personne comme étant l’inspirateur de ceci, l’initiateur de cela.

Par malchance, les Ecureuils Cadets n’ont pu se qualifier pour la CAN 2013 de leur catégorie. Sinon, on aurait eu droit à quelques salades sur « l’engagement personnel » du Chef de l’Etat et sa « vision » de faire du Bénin un pays footballistiquement fort…

Ministre de la défense, en charge des travaux publics ainsi que de l’économie maritime, Boni Yayi est aussi Chef de l’Etat et Chef du Gouvernement. Et le drapeau de l’Union Africaine négligemment posé sur l’écran de la télévision nationale nous rappelle à chaque seconde qu’il est bien le Président de toute l’Afrique (c’est-à-dire de l’Union Africaine).

Je tiens du journaliste et philosophe français Jean-François Revel la sentence suivante : « l’excès de pouvoir tue le pouvoir, ou, pour être plus précis, l’action. » (L’absolutisme inefficace, ou, Contre le présidentialisme à la française). Peut-on expliquer par là les échecs répétitifs de la gouvernance actuelle ? La question reste posée.

Pour le moment, ce qui surnage dans l’opinion c’est l’agacement des citoyens face à cette overdose communicationnelle à laquelle ils sont quotidiennement exposés, comme s’il s’agissait de leur imposer par l’image la personne du Chef de l’Etat. Les républiques bananières d’Amérique Latine avaient l’habitude de tomber dans le piège du culte grégaire de la personnalité. Ils finirent tous dans les poubelles de l’histoire, pour avoir multiplié les dérives et transformé les loufoqueries en mode de gestion.

Plus proche de nous, l’hyperprésidentialisme n’a guère porté chance à Nicolas Sarkozy. Il a fini par retourner une bonne partie de l’opinion contre lui.

C’est l’effet exact que produit une communication à outrance. Ce n’est pas pour rien que les discours présidentiels passent aujourd’hui inaperçus. La voix du Chef du l’Etat n’est plus une voix singulière, celle qui ne se fait entendre qu’à des moments spécifiques et précieux. Résultat des courses : on court vers la banalisation de la parole présidentielle.

Olivier ALLOCHEME

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