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Le triomphe de la vérité

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Dossier: Kpayo: Est-ce la fin ?


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Des dizaines de bidons d’essence saisis par les forces de l’ordre

Commerce informel

Comment le kpayo s’est imposé aux Béninois

La chasse à l’essence de contrebande est plus que jamais lancée. Durant ces dernières décennies, l’Etat a pourtant échoué à interdire ce commerce qui a fini par s’ancrer durablement dans les mœurs. Selon une enquête de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE) réalisée en 2005, même les institutions et structures étatiques s’approvisionnent dans le secteur informel pour leurs besoins en carburant. Les forces de sécurité ont déjà arraisonné des stations-services officielles mais qui s’approvisionnent au marché noir.

Tout ceci du fait que le pays partage avec le Nigeria 750 km de frontière sur toute sa longueur orientale. Premier pays producteur d’or noir en Afrique, le Nigeria est réputé pour la corruption de son administration, notamment des autorités en charge des hydrocarbures. C’est grâce à leur complicité que des millions de litres de produits pétroliers partent pour le Bénin. Les prix pratiqués ici sont alors très bas et attirent les consommateurs confrontés à un faible pouvoir d’achat.

Un commerce illicite

Dans la vente de l’essence frelatée, cinq principales catégories d’acteurs interviennent. Il y a d’abord les exportateurs nigérians et les importateurs béninois. Ils font acheminer vers les entrepôts frontaliers, soit des camions citernes qui déversent leurs produits dans de grandes cuves mises en terre, soit des dizaines de fûts de 200 litres. Ce sont souvent de hauts responsables politico-administratifs béninois et nigérians qui opèrent souvent par personnes interposées.

Viennent ensuite les grossistes. Ils exercent au terminus des voies d’eau ou le long de la frontière : Cotonou (Agbato et Ménontin), Abomey-Calavi, Igolo, Ifangni, Nikki, Ségbana. En aval de la chaine de commercialisation, se trouvent les demi-grossistes et les détaillants qui assurent la vente des produits. Les stocks des premiers dépassent rarement les 400 litres. Le convoyage du produit est assuré par des automobilistes, les motards et les piroguiers qui constituent les intermédiaires ou les agents d’approvisionnement du marché béninois.

Les automobilistes sont les plus importants de par leurs nombres et de par la quantité des produits qu’ils brassent. Certains notamment de la partie méridionale couplent le transport de passagers avec celui du carburant. Ils n’hésitent pas à doubler, voire à multiplier par 2,5 leur réservoir avant de le remplir au Nigeria pour le livrer aux grossistes et demi-grossistes dans les grands centres urbains. De ce fait, deux circuits servent de support au trafic frauduleux. Il s’agit du circuit lagunaire et du circuit terrestre. Le circuit lagunaire, très développé dans la partie méridionale, alimente cinq principaux terminaux : Adjarra, Porto-Novo lagune, Cotonou (Agbato et Ménontin) et le débarcadère d’Abomey-Calavi.

Si le site d’Agbato est l’une des plaques tournantes du circuit lagunaire, l’embarcadère d’Abomey-Calavi constitue le plus important point de chute des produits pétroliers de contrebande au Bénin. Les barques motorisées employées peuvent contenir chacune 300 grands bidons noirs de 50 litres ou 600 jaunes de 25 litres. Quant au circuit terrestre, il est plus ou moins long. Il part des stations-services nigérianes, soit en direction des centres de consommation, soit vers les frontières des pays voisins, le Togo et le Burkina-Faso notamment.

A Ménontin, les trafiquants expliquent que le carburant leur est acheminé à la lagune de Porto-Novo. Et c’est de là qu’ils le convoient à Cotonou. Ici, le liquide est acheminé aux détaillants et demi grossistes par des motos et minibus. « Quand la journée est bonne, je peux faire une recette de 10.000 F Cfa. En cas de morosité, je rentre au moins avec 5000 F Cfa », confie un conducteur de moto transportant de l’essence de contrebande. Au débarcadère d’Abomey-Calavi, les trafiquants font savoir qu’ils se rendent à la frontière nigériane en passant par la douane de Porto-Novo.

 Une voiture vient récupérer les bidons vides. Et à un endroit précis, le chef des transporteurs fait libérer les stocks aux environs de 4 heures du matin. Entre temps, il a déjà négocié avec la douane. Ensuite, les trafiquants les convoient à Abomey-Calavi. Ici aussi, ils affirment qu’ils sont parfois confrontés à des tracasseries douanières sur le chemin du retour.

Ce que l’Etat perd

Selon le Docteur Soulé Bio Goura du Laboratoire d’Analyse régionale et d’expertise sociale (LARES), l’Etat perd environs cent vingt-cinq milliards (125.000.000.000) F CFA par an à cause du commerce illicite des produits pétroliers. Ce qui représente, au bas mot, environ 45% de la masse salariale du Bénin. Selon une enquête du LARES, il y a environ 50.000 vendeurs du produit.

Quant aux chiffres d’affaires annuels des trafiquants, il avoisine les 235 milliards de F Cfa, écrit Gnonna Afangbédji, journaliste au quotidien La Nation dans l’une de ses publications. Un détaillant résidant à Agla-Hlazounto qui a requis l’anonymat témoigne : « C’est ce commerce qui me nourrit, moi et ma famille. J’ai appris la soudure ; mais je n’ai pas pu me libérer. Je suis père de six enfants. Avec le commerce du Kpayo, j’arrive à assurer leur scolarité. Trois d’entre eux ont bien évolué dans les études. Je rends grâce à Dieu »

Faut-il l’éradiquer ?

Eradiquer le commerce d e l’essence de contrebande revient à jeter dans les rues environ 50 000 personnes. De même, enrayer le phénomène, c’est assécher du même coup l’approvisionnement en carburant dans une bonne partie des campagnes où aucune station-service n’est installée. Même dans les villes, il n’y a pas suffisamment de stations-services.

Aujourd’hui, dans des communes comme Ifangnin, Aguégués et So-Ava, les autorités municipales ont instauré des taxes sur le kpayo. A So-Ava par exemple, révèle Bio Goura Soulé, cette taxe représente plus de 40% des recettes budgétaires de la mairie. Il en est de même dans certaines communes frontalières du Nigeria. L’éradication de ce commerce constituera un manque à gagner pour ces communes. Elle va surtout jeter dans les rues, des dizaines de milliers de désespérés.

Olivier ALLOCHEME

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Guerre gouvernementale contre le « kpayo »

Les Béninois souffrent le martyre de la réforme

Panne de carburant. Monsieur Henri T. l’a subie lundi aux environs de 07h 15 depuis le portail du campus d’Abomey-Calavi dans l’espoir de trouver un vendeur d’essence « kpayo » pour le dépanner. Alors que ses enfants devront répondre présents dans leurs classes respectives pour un cours qui démarre à 08 heures, c’est sur environs 4 kilomètres qu’il aura trainé sa moto de la marque Sanili avec les deux (02) enfants, respectivement en classe de 5ème et 3ème.

Après plus de 30 minutes de marche avec ses enfants, élèves au collègue d’enseignement général de Vêdoko, c’est à la station de Mênontin (Cotonou) qu’il a fini par s’approvisionner en carburant. Sur les lieux, il a rejoint une longue file d’une trentaine de clients avant de se procurer 1.000 fcfa de carburant. Ainsi, cet agent de santé aura perdu encore une trentaine de minutes avant d’amener ses enfants à l’école et se rendre lui aussi plus tard au travail.

Très remonté, il affirme : « Je ne m’attendais pas à cette panne sèche à un moment où je pensais à comment assurer ma journée, l’argent de poche de mes enfants qui devraient passer toute la journée dans l’établissement est parti». Le choc a été très dur pour lui. Et une journée sans doute pénible avec la situation financière que traverse le pays. Mais, il ne sera pas d’ailleurs le seul à subir cette épreuve.

Les séquelles d’une insuffisance de stations d’essence

La lutte du « Kpayo » engagée par le gouvernement fait des victimes dans tous les rangs. En occasionnant la rareté du liquide, elle laisse les populations subir un calvaire à un moment où les stations privées sont quasiment insuffisantes dans les environs de Cotonou et autres zones reculées du pays. Pire des stations de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop), végètent dans la brousse sans qu’on prête attention à cette situation.

Tout comme le cas d’Henri, les situations sont diverses. Certains agents en panne d’essence au cœur de la ville se trouvent parfois dans l’obligation d’abandonner leurs motos pour faire de l’auto-stop. Mieux, depuis que la rareté du « kpayo » a commencé par lancer ses signaux, beaucoup de personnes laissent motos ou voitures pour rentrer avec d’autres collègues. Ceux qui sont dans un même service préfèrent s’entendre pour s’amoindrir les dépenses avec une seule moto pour la simple raison qu’ils n’ont pas de station dans leur zone d’habitation.

C’est le cas des localités reculées comme Hêvié, Zoundja, Cococodji, Sèmè-Kpodji… « C’est pénible quand on vit dans une localité où il faut parcourir au moins une dizaine de kilomètres avant de se procurer du carburant », déplore Aimé Ezin, agent comptable dans une société. Le même constat sur tout le territoire national où environs 40 communes peuvent se prévaloir d’être détentrices d’une station Sonacop.

Le chômage, la déscolarisation et le retour des vices en perspective

« J’emploie près de 200 personnes », a révélé un grand bonnet du secteur informel des produits pétroliers. Selon les propos de M. Alain K., c’est avec grand regret qu’il laisse ses employés, des pères et mères de familles, désormais en chômage technique. Parlant des universitaires qu’il emploie, il affirme qu’ils peuvent être reconvertis par le gouvernement qui a souvent pensé que « nous sommes inutiles dans la société ». Mais, le plus grave est ailleurs, c’est-à-dirie, dans le rang des jeunes déscolarisés. « Eux, ils vont renouer avec d’autres vices tels que le vol, la prostitution et bien d’autres.

Et c’est la société béninoise qui en fera les frais », a-t-il déploré. Dans le lot, certains contrebandiers voient leurs intérêts menacés. « C’est la seule activité que j’exerce depuis une quinzaine d’années et qui me permet de payer la scolarité de mes enfants dont certains sont déjà au collège », a avoué dame Marcelline. C’est dire que la réussite de cette mesure du gouvernement sera bientôt désastreuse pour les élèves. Car, leurs parents autrefois, dans le secteur informel des produits pétroliers, se verront dans l’incapacité de payer désormais leur scolarité. Toutefois, certains acteurs du secteur de l’informel n’attendent que la réussite de la décision du gouvernement. Ils restent optimistes sur le retour du « Kpayo » dans quelques mois.

 Comme d’autres, Alain K. estime que « la reconversion des vendeurs n’est pas pour demain ». Selon lui, « le ver est dans le fruit et il faudra le détruire ». Et à un agent du ministère du commerce d’ajouter que « le gouvernement ne pourra plus réaliser d’autres stations d’essence pour la Sonacop ». Pour lui, « la lutte engagée est une stratégie pour le gouvernement de récupérer les 3.000.000.000 fcfa investis dans le ravitaillement de la Sonacop ». Une stratégie qui n’est pas appréciée de tous. Les mesures d’accompagnement sont toujours étendues.

Emmanuel GBETO

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Henri Assogba, «Le Chef de l’Etat doit nous associer»

Interview avec Henri Assogba, Secrétaire général de l’association des revendeurs de « kpayo » au Bénin

« Même avec les forces de l’ordre, le Kpayo viendra toujours au Bénin »

L’Evénement Précis : Alors comment vivez-vous la décision du gouvernement d’éradiquer la vente de l’essence de contrebande au Bénin ?

Henri Assogba: C’est une décision qui nous a tous surpris. Et on ne peut que demander au Chef de l’Etat de mettre de l’eau dans son vin. Il doit analyser ce que le kpayo fait pour le peuple béninois en termes de recettes, s’il aime vraiment ce pays. Qu’il observe cet aspect afin de décider autrement.

D’où vient aujourd’hui le kpayo qui résiste sur les étalages ?

C’est difficile parce qu’il y a certains qui essayent de diminuer la quantité qu’ils amènent par le lac. Là, ils arrivent à dribler les forces de l’ordre avant de venir décharger sur les berges lagunaires. Dans le même temps, il y a d’autres qui essaient d’aller acheter quelques bidons avec leur moto à Sèmè-Kraké.

Les arrangements avec les forces de l’ordre implantées aux entrées des berges lagunaires se poursuivent-ils ?

Je ne suis pas encore informé des négociations qui se font avec les forces de l’ordre. Il faut dire que ce sont des gens qui sont sur les nerfs à tout moment au point où on ne peut même pas s’approcher d’eux pour négocier quoi que ce soit. Il peut y en avoir mais moi, je ne suis pas informé.

En ce qui vous concerne, êtes-vous prêt à renoncer à la vente du kpayo ?

Quelqu’un qui mène une telle activité ne ment pas. Il a toujours l’habitude de dire la vérité. Si aujourd’hui, on me demande de cesser avec ce commerce, je dirai, non.

Pourquoi ?

Voilà. Ce que cette activité me rapporte est énorme. Avec ce commerce, j’arrive à supporter au moins trois (03) enfants qui sont à ma charge parce que orphelins de père et de mère. Ils sont les enfants de ma grande sœur qui ne vit plus de même que son mari. Mais la fille aînée qui a 21 ans prépare sa licence cette année en transport logistique. Elle a déjà eu son Bts l’année passée. C’est l’argent du kpayo qui me permet de joindre les deux bouts à ce niveau.

 En ce qui concerne la seconde fille, il y a deux ans, l’année à laquelle le succès au Bepc a été rude avec 30% de réussite, elle était admise. Juste avec son brevet, elle a demandé à faire la comptabilité et passera son Cap cette année. Le dernier qui a dix ans a eu son Cep cette année. Si on supprime le kpayo, qui prendra en charge ces enfants orphelins pour ce qui me concerne. En plus de tout cela, il y a moi-même mes charges. Je ne fais que ça car les gouvernements précédents ont déjà fait l’erreur en laissant des milliers de personnes rentrer dans le secteur.

Vous pratiquez cette activité depuis combien d’année ?

Je pratique cette activité, il y a déjà plus de 20 ans. J’ai des étalages dans Godomey et Kouhounou. J’ai plusieurs employés qui sont tous des pères de familles. Et j’ai quatre (04) employés par étalage.

Observez-vous la motion de grève lancée ce dimanche à 00 heure par le collectif ?

Le Chef de l’Etat a parlé et impose une exécution avant réclamation. On doit d’abord exécuter ce qu’il a dit. Malheureusement, on a vu depuis hier qu’il y a des files devant les stations. On a constaté que beaucoup trainent leurs motos, les véhicules tombent en panne dans des endroits où il n’y a pas une seule station. Donc, c’est suite à ça que nous nous sommes réunis tout à l’heure pour rompre la grève ce mardi à partir de 00 heure. Donc, ce mercredi, on reprend avec la vente. On avait décidé faire une semaine, mais au regard des problèmes, on a décidé de cesser.

Si vous devez reprendre ce jour, cela sous entend que le produit continue de venir dans le pays

Le produit va toujours venir quelle que soit la stratégie du gouvernement. Car, le problème n’est pas de mettre les militaires aux entrées des lagunes. Non, le gouvernement doit nous appeler. Nous avons les solutions qu’il va exploiter pour que les stations aussi vendent pour faire les recettes qu’elles veulent.

Qu’est ce que vous revendiquez en réalité ?

On a constaté qu’on est négligé. Il doit donc nous appeler. Car, nous sommes les acteurs incontournables du secteur. Nous sommes des citoyens et faisons partir des 75% qui l’ont amené au pouvoir. Je ne peux pas me mettre de dire tout cela maintenant. Entre nous, on pourra trouver une solution.

Que proposez-vous pour que la Sonacop renaisse de ses cendres et pour que l’Etat entre dans ses fonds ?

C’est un secret d’Etat que je ne peux pas dire au public. Quand le gouvernement sera prêt, on leur dira le secret pour que la Sonacop fasse ses recettes.

Mais, vous avez déjà été reçus par le Chef de l’Etat, il y a quelques années. Pourquoi n’avoir pas fait ces propositions ?

Vous savez, en tant que jeunes, on a plus de stratégies que les adultes. En ce moment, personne n’avait cette proposition. C’est au fil des jours que nous l’avons sortie suites aux multiples réunions que nous tenons pour aider le gouvernement. Aujourd’hui, si on nous laisse pour compter sur les militaires, nous sommes prêts à faire même affronter les Israéliens. Vous verrez toujours « kpayo » au Bénin. Que les populations prient pour le pays. Sinon quand le « kpayo » va disparaitre, le Bénin va bouger.

Comment appréciez-vous les dégâts du « kpayo » sur les populations ?

C’est parce que le Chef de l’Etat même a pris un risque qu’il a accepté postuler à la fonction présidentielle. Donc, il n’y a pas de métier sans risque. Nous mesurons bien cet aspect. C’est la volonté de Dieu qui se fait sur toute âme. Tout réside dans le plan de Dieu. Dans d’autres pays, les gens meurent aussi par le feu.

Mais au Nigéria, d’où vous amenez le produit, cela ne se passe pas comme ça. Vous en êtes bien conscient ?

Au Nigéria, tous les 200 mètres, il y a une station. Alors, est ce que c’est le cas au Bénin. Si les dispositions étaient prises, qui exerceraient encore cette activité ? Il faut savoir que quand il y a rupture au Nigéria, le carburant circule de façon parallèle mais pas comme cela se passe ici. C’est le problème capital et nous devons prier pour le pays.

Propos recueillis par

Emmanuel GBETO

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One thought on “Dossier: Kpayo: Est-ce la fin ?

  1. Aimé

    Ce qui m’étonne dans cette affaire, le gouvernant ne reconnait pas la vente de l’essence frelaté mais reconnais l’association des vendeur de l’essence frelaté. Qui veut tromper qui. Au lieu de trouver une solution contre la crise économique, on cherche à divertir le peuple avec la chasse aux contrebandiers.
    Mr le Président le peuple qui vous a élire à plus de 50% à faim trouver une solution.

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