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Le triomphe de la vérité

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Regard critique sur le roman « Le calvaire d’un enfant prodige » de Idrissou Takou:Le combat triomphal d’un enfant contre la sorcellerie


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L’auteur du roman, Idrissou Takou

Cet ouvrage d’Idrissou Takou Sounnon Bori présente bien des intérêts aussi bien sur le plan social que sur le plan littéraire. C’est un ouvrage qui tient le lecteur en haleine de bout en bout, à travers un style aussi croustillant que pathétique. Ce livre se présente comme un cri d’espoir malgré les déboires.

Une œuvre qui vient en panacée pour la société africaine

Il est à noter que le projet esthétique de l’œuvre, après lecture, est de condamner et bouter hors d’usage les méchantes pratiques de la rationalité d’Afrique. C’est un livre qui expose une dualité. Takou formule dans une originalité atypique les forces et les faiblesses de la tradition africaine. Cette tradition qui fait les diagnostics médicaux, guérit et fait beaucoup d’autres… extraordinaires par les feuilles et la parole.

L’ouvrage en dit long. « Notre véhicule a eu un accident et est tombé d’un pont. Comme j’avais antérieurement avalé le gris-gris de la disparition, alors, l’effet s’est déclenché face au danger et je me suis retrouvé en pleine pluie et dans une nuit noire, dans la forêt, non loin d’un campement peuhl » p.22. Voila une expression vivante de la force dans la tradition africaine. Il s’agit clairement d’une disparition, une méthode traditionnelle de survivance en cas de dangereuse situation inévitable. « Merci beaucoup, mais il y a quelque chose que je n’ai pas compris.

Pourquoi m’appelez-vous Bassira ? Je t’appelle Bassira parce que tu es un futur chef », demandait Dangui au féticheur Gourou. p.54. C’est là une mise en valeur de la parole en tant qu’énergie mouvante et latente qui concrétise toute imagination, selon les spirituels. L’écrivain convie donc à avoir une foi permanente en la chose. Dans le même temps, il s’applique à remettre en cause les attitudes mesquines, jalouses et roublardes qui conditionnent parfois une méchante pratique de ces ressources traditionnelles en Afrique, l’écrivain montre qu’il est important d’approcher la rationalité africaine avec prudence.

« Toko (un guérisseur) affirma que ses esprits lui avaient révélé qu’elle était victime d’un envoûtement et que les gens jaloux d’elle, étaient venus enterrer une nuit à son domicile, des gris-gris qui se seraient déjà décomposés et qu’il était impossible de déterrer. Pour résoudre ce problème, il apporta quatre petits piquets de bois…il les planta aux quatre côtés du mur à l’extérieur de la chambre…dès que cette opération fut faite, les malaises de Sawé, loin d’être soulagés, étaient devenus plus intenses » p. 15.

Toko était sensé guérir la vieille Sawé, jugez-en vous-même. C’est ce mauvais côté de la chose qui empêche de jouir pleinement des ressources de la tradition et qui, par ricochet, freine le décollage du développement de l’Afrique. Cet usage cruel constitue donc une faiblesse. Et c’est ce que le romancier combat. Dans une autre dimension, l’auteur montre la possible cohabitation de la médecine moderne avec la médecine traditionnelle. « Un jour, pendant qu’elle était gravement malade, elle se rendit à l’hôpital. Mais les examens cliniques n’avaient rien révélé. C’est alors qu’on lui conseilla les services d’un sorcier du village.

Il s’appelait Toko ». p.14. L’écrivain n’a donc pas pris la défense radicale, ni de la tradition ni de la modernité et il ne les a pas opposés non plus. Il les a mariés. Il révoque par ailleurs l’absence quasi totale d’hygiène dans les pratiques ancestrales. « Damagui rassura les uns et les autres qu’il était à même de guérir Koto Dangui. Qu’il était habitué à traiter les mangeurs de sable. Il demanda qu’on lui apporte un gros morceau de viande de bœuf et un litre de lait de vache. Damagui enterra le viande dans la boue d’une douche dont le sol n’était pas cimenté. Le lendemain il déterra la viande et demanda de préparer une sauce dans laquelle elle fut cuite. Koto Dangui fut obligé de manger ladite sauce en une seule prise » p.32. Insolite n’est-ce pas ?

C’est quand même là, une méthode curative atypique du guérisseur traditionnel Damagui. Idrissou Takou revendique donc une ouverture d’esprit et une prise de conscience. Il combat la mesquinerie et la cruauté dans l’usage des ressources traditionnelles pour la paix et le développement durable de l’Afrique.

Un roman fantastique

Cette peinture de Takou porte une facture littéraire sans précédant. Le récit, dans son ensemble, est inscrit dans le registre fantastique. Et quand on parle de registre fantastique, il s’agit de l’irruption brutale du surnaturel et de l’irrationnel dans le réel quotidien. En d’autres termes, ce sont des faits face auxquels l’homme ne parvient à trouver aucune explication possible mais qui, négativement comme positivement, l’influence ou change carrément le cours de son destin.

Koto Dangui, le héros de l’œuvre, est resté en proie à une telle situation dans toute l’intrigue. D’abord l’écrivain bouleverse l’ordre naturel lorsqu’il annonçait par exemple dans le roman l’apparition d’un djinn (Esprit de l’air, bon génie ou démon, dans les croyances arabes) à Dangui. « A la fin du bal, vers deux heures du matin, alors que la lune avait complètement disparu, en pleine nuit noire, les amis de Koto Dangui, qui eux résidaient en plein centre du village, décidèrent de l’accompagner jusqu’à proximité de sa maison. Arrivés à quatre cent mètres de son domicile, ses amis l’abandonnèrent et il dut poursuivre le reste du chemin.

Alors qu’il était à cent mètres de la maison, il apercevait brièvement passer devant lui à environ vingt mètres, un homme habillé d’une tunique blanche. Pris de peur, Koto Dangui s’arrêta un instant. Il eut la chair de poule et se mit à trembler avant de poursuivre son chemin vers la maison, en courant très vite. Il frappa à la porte avec force et voyait trop long, le temps de trois minutes, mis par l’une de ses cousines pour lui ouvrir la porte »p.26.

Dans ce pan de texte extrait en guise d’exemple, l’écrivain a mélangé un certain nombre d’éléments qui portent vivement la marque du fantastique. D’abord le support temporel, «vers deux heures du matin, alors que la lune avait complètement disparu, en pleine nuit noire » c’est une période qui, chez tout humain normal, réveille le sens d’une peur accablante, provoque l’emprise de vives émotions et dresse tous les autres organes sensoriels. Ensuite, l’autre élément à souligner est : «il apercevait brièvement passer devant lui à environ vingt mètres, un homme habillé d’une tunique blanche ».

Un être en apparence bizarre, apparaitre à une heure pareille, vêtu d’une tunique de couleur blanche. La tradition africaine regorge de ces choses (apparition, transformation, disparition, métamorphose…) qui sont d’ailleurs fréquentes et ancrées dans les mœurs. Mais il suffit juste d’être en situation et l’envie pressante de disparaitre de la planète nait. Car, c’est de l’insolite, du surnaturel qui viole le calme quotidien, et là il n’y a aucune ouverture d’explication.

Surtout lorsque c’est lié à une tradition, on parle du fantastique atavique. Même les couleurs qu’il a choisies sont expressives « nuit noire, tunique blanche » lorsque nous sommes surtout en Afrique, les couleurs noire, rouge et blanche sont très expressive dans des contextes bien déterminés. Surtout en cas de conflit. Elles signalent ensemble le danger. Ça, c’est selon la considération africaine. Dans ce sens, le fantastique devient donc géographique.

Puisque sous d’autres cieux, l’interprétation peut prendre une autre allure. A présent, voyons la réaction de Dangui face au phénomène, «Pris de peur, s’arrêta un instant, chair de poule, trembler, poursuivre son chemin vers la maison, en courant très vite voyait trop long, le temps de trois minutes » ce réseaux de sens traduit clairement la panique et la terreur qui secoue Dangui.

 C’est comme cela que le romancier a maintenu l’ambiguïté et a tenu en haleine le lecteur, par des connotations funestes et ténébreuses, du début de l’œuvre jusqu’à la fin. Une déduction logique se dégage, met le lecteur au contact de ce dont il n’a pas la maitrise et l’incite à une veille permanante.

Autres dimensions littéraires

Il se dit souvent que dans une œuvre d’esprit, tous les acteurs agissants sont une entière propriété de l’auteur. C’est dire qu’il lui revient de leur administrer le traitement qui lui convient. Ainsi Idrissou Takou en bon démiurge (thème technique qui signifie : créateur) a, par exemple, usé de la palingénésie (une technique narrative) pour redonner vie à son personnage Bagana dont il avait la possibilité et le pouvoir de décider de la mort définitive lorsque celui-ci a connu un accident « notre véhicule a eu un accident et est tombé d’un pont.

Comme j’avais antérieurement avalé le gris-gris de la disparition, alors, l’effet s’est déclenché face au danger et je me suis retrouvé en pleine pluie et dans une nuit noire, dans la forêt, non loin d’un campement peuhl » p.22. On comprend donc que cette régénération de Bagana dans l’intrigue n’est pas gratuite. Car ce dernier a servi de recours à Dangui parce qu’ayant une qualité de guérisseur avéré. Lorsqu’on lit « le calvaire d’un enfant prodige », on se rend compte que l’écrivain a bien connaissance du mythe de Sisyphe (la civilisation occidentale, à travers la mythologie grecque, a révélé la figure de Sisyphe, fils d’Eole, condamné dans les enfers à rouler éternellement jusqu’au sommet d’une montagne un rochet qui en retombait aussitôt), la vie de Dangui, dans le roman, ressemble bien à celle Sisyphe, relatée dans ce récit.

 Puisque l’ouvrage s’ouvre par le calvaire et se ferme par l’annonce d’un autre champ de bataille, bien que le héros ait connu un instant de bonheur en sortant vainqueur de la première vague de combat endiablé. Comme quoi, une littérature ne nait jamais seule et de nulle part et la vie est un éternel recommencement. De la lecture de l’ouvrage, il ressort également que le romancier a bien lu « Les aventures ambiguës » de Cheikh Hamidou Kane, « Le Horla » de Guy de Maupassant ainsi que « La métamorphose » de Frantz Kafka.

Nous en voudrons pour preuve, la vie de Dangui qui est similaire à celle de Samba Diallo dans « L’aventure ambiguë », une vie de souffrance extrême qui bute sur la gloire et de Grégoire Samsa dans « La métamorphose » de Kafka. La démesure et le sadisme dans la description sont également la preuve que Maupassant et Kafka sont présents dans le style de Takou Bori. Une intertextualité (thème technique pour désigner l’incrustation consciente ou inconsciente d’un texte dans un autre) se dénote donc du récit de Kora Idrissou Takou Sounon Bori.

 L’autre dimension que nous allons souligner pour finir est que cette œuvre est une autobiographie romancée. Car, aux primes abord, l’anagramme du nom de l’auteur de l’ouvrage donne le prénom du héros, Koto. Les quatre lettres qui le composent, se retrouvent dans le nom de l’auteur. Mais cela ne suffit pas. Un éthogramme (outil d’analyse littéraire) nous a permis de suivre le héros dans son parcours périlleux à travers l’intrigue. Malgré les cataclysmes qu’il a bravés, son cursus scolaire était normal jusqu’à ce que Koto Dangui a pu gravir tous les échelons pour se faire élire comme président de la république.

L’écrivain, après son CEP, son BEPC, son BAC, a obtenu sa maitrise en science politique et relation internationale du premier cycle de l’Ecole Nationale d’Administration du Bénin(ENAB), ensuite il fut successivement secrétaire administratif à SGMP, FODEFCA et UDPC Borgou. Depuis Avril 2006, il est fonctionnaire d’Etat béninois en service au ministère des Affaires étrangère (réf. Quatrième de couverture du roman). L’écrivain, pourra t-il dire qu’il en est à ce stade sans prendre par le labyrinthe de cette vie de Koto Dangui ?

Pourra t-il également nier qu’il ne nourrit pas l’ambition d’occuper le fauteuil ministériel pourquoi pas le fauteuil présidentiel, un de ces jours? L’homme étant insatiable de nature, tout semble donc indexer Kora Idrissou Sounon Bori. Puisque le dénouement de son œuvre se révèle comme un rêve dont l’accomplissement est pour bientôt.

Teddy GANDIGBE (Coll.)

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1 thoughts on “Regard critique sur le roman « Le calvaire d’un enfant prodige » de Idrissou Takou:Le combat triomphal d’un enfant contre la sorcellerie

  1. Habib

    Cet ouvrage est assez poignant, révélateur des tares de notre société traditionnelle. Merci à l’auteur et tous mes encouragements.

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