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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Le retour à Mathusalem


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La dictature du développement est en marche. Depuis le 09 septembre, jour où le Chef de l’Etat a lancé son idée de participation communautaire et collective aux tâches de développement, sa trouvaille a fait du chemin. Bientôt donc, chacun devra aménager dans son agenda personnel, une journée (entière) pour s’occuper aux tâches de sa commune.

Le conseil des ministres du 12 septembre, s’est voulu plus explicite. « Chaque Commune, selon le gouvernement, devra décider de demander à chacun des citoyens (maçons, soudeurs, couturiers et couturières, coiffeurs et coiffeuses, cadres civils et militaires, opérateurs économiques) de consacrer un jour par semaine, soit 52 jours par an, aux actions qui concourent au développement de sa localité ». Donc, l’Etat instruit les communes pour que les populations se lèvent pour bâtir leurs localités, sans avoir à attendre un quelconque appui du pouvoir central.

« Il s’agit, selon le communiqué du Conseil des Ministres, de créer au sein des populations, les valeurs de solidarité agissante, d’émulation, d’amitié et de tolérance afin que désormais ensemble, les citoyens d’une même localité unis, soient plus forts pour mener le combat contre la pauvreté ambiante qui les étouffe. L’Etat continuera naturellement de jouer sa partition ».

Allant plus loin, les ministres ajoutent que « le nouveau cadre ainsi créé sera soumis au contrôle citoyen pour une meilleure gouvernance des affaires de la commune. Grâce à l’effet de la prise de conscience individuelle et collective et grâce à la prise en main de son destin par les communes, notre pays évitera de transférer à nos collectivités le virus de la mal gouvernance dans laquelle baigne aujourd’hui l’administration centrale.

Le signal donné à Dogbo par la construction du module de trois classes est valable aussi bien pour le secteur scolaire que pour tous les autres secteurs (santé, assistance sociale, aménagement des pistes etc.) » Que de bonnes intentions !

L’initiative sort de l’ordinaire pour un pays démocratique comme le nôtre habitué depuis une vingtaine d’années à l’individualisme et où s’est construit le capitalisme le plus sauvage. Pourquoi recourir à cette main-d’œuvre communautaire pour réaliser les tâches de développement ?

C’est d’un retour à la période révolutionnaire que veut Boni Yayi ; période où les citoyens devaient participer certains samedis à des opérations de salubrité rigoureusement encadrés. Rigoureusement, parce que le régime du PRPB disposait alors de nombreux relais locaux, d’une milice tatillonne et de services de renseignements distribués aux quatre coins du pays. Cette surveillance multiple ajoutée aux craintes de dénonciations des voisins donnait une certaine efficacité à ces travaux forcés.

C’était aux temps forts de la collectivisation, où il fallait appliquer à tout prix les préceptes des kolkhozes russes, sous le prisme idéologique du marxisme-léninisme. Mais les turpitudes du régime révolutionnaire ont eu raison de cette errance, de ces errements comme de toutes les autres utopies construites depuis les bureaux climatisés des ministères et imposées au bas-peuple.

Mon impression, c’est que cette expérience dépassée est en train d’être remise au goût du jour. Mais dans un contexte qui en fait un objet de musée, un monstre idéologique parfait.

Il est, en effet, curieux qu’en plein cœur du XXIème siècle triomphant, l’on s’imagine encore que ces formules bancales du passé puissent encore prospérer aujourd’hui. Si l’expérience révolutionnaire a échoué malgré tout le dispositif contraignant mis en place pour assurer sa pérennité, c’est parce que la collectivisation en elle-même est un fléau.

Elle est fléau parce qu’elle absout les responsables locaux de leurs responsabilités et crée une sorte de responsabilité communautaire qui est négation de toute responsabilité. Ce n’est pas pour rien que les coopératives et toutes les initiatives analogues, n’ont mené nulle part. Elles ont signifié que les initiatives personnelles sont les principaux vecteurs de développement et de croissance.

Si la période révolutionnaire a été propice au dirigisme d’Etat et donc à l’imposition autoritaire d’un mode de gouvernance inspiré de la dictature, le contexte actuel puise sa source dans une démocratie qui fait systématiquement échec à toute forme d’imposition non inspirée des canons du droit.

Boni Yayi tombe dans les pièges du passé, d’un passé qu’il a voulu ressusciter dans un contexte situé à mille kilomètres de ceux d’hier. Il y a donc amalgame. Et il y aura forcément échec.

Olivier ALLOCHEME

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