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Le triomphe de la vérité

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Editorial:La démocratie vide


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C’est dans une relative morosité que le Bénin a célébré pour la cinquième fois, la journée internationale de la démocratie samedi dernier. Le thème de cette édition permet, en effet, de réfléchir sur l’éducation à la démocratie, une obligation institutionnelle passée au crible de discours circonstanciés qui ont rappelé les qualités de la démocratie béninoise : des institutions en place, l’alternance politique, des élections régulières, une presse foisonnante, un océan de partis et de mouvements politiques, la liberté syndicale…Ce sont les facteurs extérieurs de démocratie, et nous les présentons avec une ostentation qui tient de la démesure. Derrière cette façade, se cache pourtant un monstre froid, celui de nos turpitudes quotidiennes qui défient le bon sens.

On a dit démocratie. Et pourtant, le citoyen moyen continue de croire que le combat politique est d’abord un combat pour gagner de l’argent, positionner un enfant ou une région, avoir part au gâteau national. Pour les cadres et autres opérateurs économiques, l’activisme politique est la meilleure échelle pour accéder à des strapontins politico-administratifs ou pour bénéficier de marchés publics. Les louvoiements de tout genre correspondent à ce schéma de pensée profondément ancré dans notre sociologie. Au Bénin, la démocratie est un business.

On a dit démocratie. Et pourtant, il y a très peu de débats d’idées au sein du personnel politique. Au sein même des partis, les questions relatives à l’environnement, à la santé, aux infrastructures, à l’agriculture, à l’industrie, à l’artisanat ou au commerce sont largement secondaires. Il existe de grands partis qui n’ont jamais évoqué ces questions cruciales, même de façon évasive. Parce que ce qui les fonde est loin de ces considérations.

Parce que le mode de mobilisation de la population est basé sur les clientélismes les plus idéophagiques (qui tuent les idées) : l’argent, la région et l’ethnie. Quitter ces sentiers revient à condamner le leadership politique à brasser du vent. Personne n’écoute les hommes politiques dont le discours et l’action ne sont pas orientés vers ces variables. Et c’est pourquoi, dans aucun parti politique béninois, personne n’ose parler de démocratie. Ce serait une offense à la toute-puissance du leader.

On a dit démocratie. Et pourtant, l’arsenal institutionnel a été conçu depuis 1990 pour être aux mains du pouvoir en place. Si ce n’est pas le contrepoids qu’exerce de temps en temps l’assemblée nationale lorsque sa majorité en vient à basculer dans l’autre camp. La Cour constitutionnelle censée être le pilier du système a pu devenir à bien des égards l’antichambre du palais de la république. Elle a été conçue pour n’être qu’un appendice de la Marina, tant et si bien que sa force réelle dépend du bon vouloir de l’exécutif. Il faut un courage surhumain pour que ses membres échappent à la quadrature du cercle.

Et on a dit démocratie. Pourtant, une observation attentive et sans concession des médias laisse apparaître un quotidien très difficile. En l’absence d’un code de l’information qui oblige les pouvoirs publics et privés à se prêter aux médias, c’est généralement la communication institutionnelle qui forme le gros de l’information servie au public. C’est pourquoi, les affaires les plus sulfureuses de ce pays n’ont jamais été que d’émanation institutionnelle : ICC-Services, affaire des 70 milliards, l’affaire du port sec de Tori, affaire coton, PVI, etc.

Si l’on y voit de près, ce ne sont pas les enquêtes des médias qui ont révélé ces grands scandales. Parce que le verrouillage institutionnel et l’indigence économique des médias réduisent les efforts des journalistes à néant. Le cas le plus grave, c’est la chaine nationale de télévision réduite à n’être plus qu’un vecteur d’informations officielles.

On a dit démocratie. Et pourtant, regardez depuis 22 ans que nous bavardons, l’économie béninoise n’est fondée que sur la monoculture du coton. Que produisons-nous ? Qu’exportons-nous ? Quelle innovation industrielle porte la marque du Bénin et lui permet de créer de la richesse ? Je ne trouve que désert.

Nous continuons d’être une économie de rente portée à bout de bras par l’aide internationale, sans réelle capacité productive et dans laquelle il vaut largement mieux se battre aux quatre fers pour entrer à la fonction publique que de créer sa propre entreprise. Qui va alors créer la richesse pour nourrir les fonctionnaires, faire fonctionner les hôpitaux, construire les routes ?

Nous sommes dans une démocratie qui tourne à vide, produit la pauvreté et un fort sentiment de vengeance au sein de la jeunesse.

Olivier ALLOCHEME

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