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Le triomphe de la vérité

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Difficultés de gestion des centres de formation sportive:Les conséquences psycho-sociales sur les usagers


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La fermeture du Cifas a laissé des traces

La gestion des centres de formation sportive au Bénin n’est pas des plus optimales. Une situation confuse qui crée beaucoup de dommages aux usagers.

Le Cifas a fermé depuis le 20 juillet 2011. L’Etat béninois n’a guère prévu de mécanisme pratique pour gérer les conséquences de ces genres de situation. Aujourd’hui, l’avenir de la plupart des apprenants, voire des usagers est hypothéqué. A Parakou, la plus grande métropole du nord-Bénin située à 410 km environs au nord de Cotonou, nous avons rencontré le jeune Mama Seïbou, ex capitaine de la sélection nationale cadette du Bénin, et ancien pensionnaire du centre.

Il n’a pas voulu parler du Cifas. Sur notre insistance et après hésitation, il lâche, les yeux embués de larmes : « c’est cruel ce qui est arrivé. J’ai passé cinq ans au Cifas et j’y ai laissé une partie de ma vie. Avec sa fermeture, tous mes espoirs se sont évanouis. C’est vrai que j’évolue aujourd’hui avec les Buffles de Parakou. Mais, ce n’est plus la même chose. Mon évolution est bloquée quelque part », dit-il, très amer. Alors qu’il était en classe de 3e, Mama Séïbou a dû retourner à Parakou, la ville où il été sélectionné cinq ans plus tôt.

« C’est à l’âge de 12 ans que mon enfant a été retenu pour intégrer le centre Cifas à Cotonou. Je n’étais pas consentante parce que je le trouvais encore trop fragile. Mais, son père m’a convaincue et j’ai fini par le laisser partir…», a rappelé dame Mariam, la mère de l’enfant rencontrée à son domicile à Parakou. Pour elle, tout allait bien et les espoirs étaient permis avec ses résultats prometteurs. Et subitement, patatras !!! « Le centre ferme et l’enfant nous revient meurtri, complètement découragé et démotivé.

 Aujourd’hui, il ne fréquente plus. Son avenir est hypothéqué. Mais, nous ferons tout pour le remettre à l’école. Car, un enfant sans éducation et sans qualification professionnelle est un candidat à la délinquance. Nous voulons du bien pour notre rejeton et sommes prêts à tous les sacrifices », a confié Sieur Salifou Mama, son père géniteur.

De l’impression générale qui se dégage de notre entretien, c’est comme s’il y a eu de la trahison de la part des responsables du Cifas. « En venant chercher notre enfant, on a promis en faire une star du football, ou lui donner des armes au plan scolaire. La conclusion aujourd’hui est qu’aucun des deux objectifs n’est atteint.

Le promoteur Ajavon a certainement ses raisons en fermant le centre. Nul ne doute de ses bonnes intentions. La preuve est que tous les pensionnaires du centre sont entièrement pris en charge. Je condamne plutôt l’Etat béninois qui a laissé faire et qui n’a pas su infléchir cette décision à temps », a regretté dame Mariam.

Dégâts incommensurables

Toujours sur place à Parakou, nous avons rencontré Anzim Gounou (18 ans), un ex pensionnaire du Cifas qui garde un très mauvais souvenir de son passage dans ce centre. Il y a passé trois ans et faisait partie de l’effectif qui a fait monter l’équipe du centre de la 2e à la 1ere division. La joie de la montée a rapidement fait place à un sentiment de regret.

Car, selon lui, très peu de promesses liées à la montée ont été tenues par les responsables du centre. « Nous avons été remerciés en monnaie de singe. On nous a promis monts et merveilles pour la montée. Nous avons rempli notre part de contrat. Non seulement on ne nous a presque rien donné, mais habilement, on a sorti du centre la grande majorité de l’effectif pour d’autres joueurs extérieurs au Cifas », lâche-t-il, très énervé. A l’en croire, son rêve est complètement brisé et il se console pour le moment en jouant avec les Buffles, le club de Parakou. « Malgré les nombreuses sollicitations de clubs de Cotonou, je n’ai plus envie de refaire une autre aventure.

 C’est comme si un ressort est cassé en moi », confit-il. Beaucoup d’autres anciens pensionnaires du Cifas rencontrés et qui ont requis l’anonymat ressentent les mêmes sentiments de rejet, d’abandon, voire de trahison. D’autres parents rencontrés à Abomey, Cotonou et Porto-Novo sont très déçus de la fin dramatique du Cifas. « Je croyais que c’était juste une décision politique pour obliger les gouvernants à intervenir dans la crise du football au Bénin.

Mais à ce jour, rien n’a été fait. Il faut se convaincre que le centre a fermé définitivement. J’ai tenté de réinscrire mon enfant dans un collège de la place. Il n’a plus le goût des études. Il reste nostalgique du Cifas et la nuit, ne fait que délirer : ‘’… je veux retourner au Cifas. Sans le Cifas, je ne suis plus rien. Pdg Ajavon, fait quelque chose pour nous…‘’, hurle-t-il souvent la nuit. J’en suis vraiment préoccupé », s’est inquiété ce parent d’enfant.

Pendant plusieurs mois, de jeunes athlètes ont séjourné au Cifas grâce à une convention signée avec la Fédération béninoise d’athlétisme (Fba). En peu de temps, leur progression est bien notable, a confessé M. Théophile Montcho, patron de l’athlétisme béninois. Mais aujourd’hui, ces apprenants sont réinscrits ailleurs. Avec forcément des conséquences néfastes sur leur évolution.

Du côté des éducateurs, c’est aussi l’amertume. Ils étaient environ soixante pour s’occuper de la centaine de jeunes répartis en quatre catégories (U12, U14, U16 et U18). Pour la plupart, ils se sont retrouvés sans emploi du jour au lendemain. « Je suis enseignant de sport et je gagnais bien ma vie au Cifas. C’était une entreprise formidable.

 On y voyait l’avenir du football béninois. Mais, en raison des incongruités de certains dirigeants de football mus par l’intérêt personnel, tout est remis en cause. A ce jour, je n’ai plus un emploi permanent et sécurisé. J’ai de plus en plus du mal à joindre les deux bouts… », a confié un éducateur du centre qui a requis l’anonymat. Et ces propos résument la nouvelle vie de nombre d’entre eux que nous avons rencontrés.

Il faut dire que la situation qu’on déplore aujourd’hui est la résultante de la désinvolture de l’Etat béninois depuis plusieurs années.

En effet, le recensement effectué en début de l’année 2012 par le ministère des sports fait état de 29 centres de formation en football. Trois seulement remplissaient les critères établis par l’Office béninois de sport scolaire et universitaire (Obssu). Il s’agit de Bénin foot Academy de Cotonou, Adefob Académie foot de Bohicon et Dimension foot de Godomey.

De graves dysfonctionnements

Par contre, une demi-douzaine sont déclarés éligibles, mais doivent satisfaire à des critères importants tels que la certification des diplômes des encadreurs et/ou l’identification des terrains propres à eux. Tout le reste est loin du compte. Pas d’inscription au Journal officiel, pas d’agrément du ministère de tutelle, et/ou pas d’infrastructures sportives adéquates etc. On jongle, on ‘’se débrouille’’ comme on peut.

C’est vrai, beaucoup de centres de formation ne sont pas en régime Sport et Etudes. Les enfants y viennent pour apprendre à jouer au football. Pour les études, on fait comme on peut. Pour ne pas dire qu’on fait semblant d’y jeter un regard bienveillant. Ailleurs, c’est la valeur marchande de l’apprenant qui importe. Lorsqu’on projette sur une moyenne de 45 enfants par centre de formation, on envisage déjà 900 jeunes exposés. Sans oublier les failles et points de faiblesse de la dizaine de centres Sport et Etudes disséminés dans tout le Bénin.

A SAEM Promotion de Natitingou (Centre des Arts, Sports et Métiers) qui se situe à plus de 600 km au nord de Cotonou par exemple, malgré les efforts, des situations préoccupantes sont à déplorer. Une centaine d’apprenants y séjournent. Quelques enfants sont déscolarisés et ne s’adonnent qu’au football.

Alain Satingo Anato, pensionnaire du centre, ne va plus à l’école depuis le début de l’année scolaire 2011-2012. Selon ses dires, il a dû abandonner en classe de 1ere par manque de soutien de ses parents qui vivent dans la commune de Zè, une banlieue située à une trentaine de km au nord de Cotonou.

A l’en croire, il mise tout sur le football pour s’accomplir. Ce qui le rend presque insouciant de sa situation précaire. « Pour le moment, je ne peux pas faire autrement. Cette année est déjà perdue. Avec la promesse de certains proches, je vais reprendre les cours l’année prochaine. Mais, je suis certain de réussir en football… », confit-il. En fait, il n’est pas seul dans le cas. Trois ou quatre autres pensionnaires du Centre de Natitingou sont également concernés.

Pire, un nombre important d’apprenants voient par moment leur scolarité suspendue pour non payement de contributions scolaires. C’est par exemple ce qui s’est passé juste avant les congés de Pâques en avril dernier. Il a fallu attendre la reprise des cours pour voir la situation se régulariser.

Interpellé sur ces manquements graves, le promoteur du centre, M. Adrien Houandjinou, réaffirme ses bonnes intentions depuis plus d’une décennie pour les enfants. « C’est vrai, le centre est payant. (Ndlr : de 300.000 à 400.000 F.CFA). Mais, près de la moitié sont des enfants en situation difficile que nous récupérons et qui ne paient pratiquement rien. Donc, ce sont les contributions des uns qui permettent de supporter les autres.

Et quand ces subsides ne viennent pas à temps, nous avons du mal à honorer nos engagements vis-à-vis des tiers », confesse le promoteur du centre. Même le ministère des sports qui y a placé une bonne trentaine d’enfants peine à honorer son engagement. Pour atténuer les difficultés, le promoteur envisage créer très prochainement des unités pédagogiques au sein de son centre pour la scolarité de ses protégés.

Réalisé par Pascal Hounkpatin avec le soutien de l’Association danoise des journalistes d’investigations (FUJ)

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