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Le triomphe de la vérité

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INTERVIEW AVEC MONSIEUR MOUKARAM BADAROU SUR LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS:« Pour sortir des difficultés, il faut se mettre résolument au travail»


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L’ex-secrétaire général du Parti du Renouveau Démocratique (Prd) s’est prononcé sur l’état critique de l’économie béninoise dans une interview qu’il a accordée au quotidien l’Evénement précis et au cours de laquelle il s’est réjoui qu’au sommet on en a bien conscience.

L’Evénemnt Précis: Quelle analyse faite vous de la situation économique actuelle du Bénin?

Moukaram Badarou: D’entrée, je tiens à vous remercier de l’initiative que vous avez prise d’aller me voir pour prendre mon point de vue sur quelques questions d’actualité au niveau de notre pays et peut être de la sous région. Pour revenir à votre question, à l’état actuel des choses, la situation économique de notre pays n’est pas des plus reluisantes et on n’a même pas besoin d’être un spécialiste pour le constater.

 Il suffit d’entendre des Béninois de toutes les couches et de toutes les conditions, il suffit d’observer la réalité du panier de la ménagère, il suffit d’entendre les opérateurs économiques du secteur privé, il suffit d’observer le nombre de navires en rade sur nos côtes. Et mieux, quand on prend les chiffres macroéconomiques notamment le taux de croissance qui a été de 3% environ en 2011 et qui a fait qu’on a été classé dernière économie des pays de l’espace UEMOA, on peut bien affirmer que nous traversons une période de morosité économique due en partie à une crise aigue qui sévit sur le plan international.

Mais ce qui est heureux et qui mérite d’être souligné, c’est la conscience de la situation au sommet de l’Etat et les efforts qui se font pour revoir la copie. Souvenez-vous de la déclaration du chef de l’Etat, lui-même, lors de l’une de ses tournées pour encourager les producteurs du coton, et ce, après avoir pris connaissance du classement du Bénin au niveau de la sous région : « je n’aime pas être dernier », a-t-il déclaré. Une des sagesses de chez nous affirme : « celui qui reconnait ses faiblesses commence par être fort ».

Donc prenons tous conscience de la situation et mettons-nous au travail tout en cessant de nous faire peur. Une chose me parait essentielle, c’est qu’il faut aider le chef de l’Etat, Boni YAYI, dans la mise en place et l’exécution des reformes structurelles et institutionnelles sans lesquelles, nous ferons du surplace. Chacun doit prioriser l’intérêt général.

Comment a-t-on pu en arriver à la situation actuelle où les indicateurs macro-économiques sont au rouge ?

La situation actuelle est due essentiellement au malheureux processus d’inversement des valeurs en cours dans notre pays depuis un certain nombre d’années. Le processus est caractérisé par la croyance à une seule chose, l’argent. Toutes les autres valeurs ont cédé place à cet instrument d’échange qui, en réalité, n’a que sa valeur faciale.

Chacun veut tout gagner et toute de suite. Le travail bien fait au niveau du service public n’est plus de mise et comme conséquence, nous avons une administration gangrénée qui pose de réels problèmes à l’essor de l’économie nationale. L’homme qu’il faut n’est pas toujours à la place qu’il faut et chacun pense toujours qu’il peut faire ce que l’autre fait sans disposer des compétences requises. Au niveau politique ainsi qu’au niveau de la société civile, les normes élémentaires ne sont toujours pas respectées.

Ce qui ne peut pas manquer de jouer sur les données économiques. Malheureusement, au demeurant, il ne faut pas s’alarmer outre mesure et il faut avoir la tête sur les épaules pour mieux apprécier et faire avancer les choses. Je crois que le chef de l’Etat fait de son mieux pour une meilleure situation aux Béninois. Dans un entretien accordé à la chaine nationale le 29 juillet 2012, Jonas GBIAN, le Ministre des finances et de l’économie a déclaré que « le Bénin n’a pas un problème de trésorerie et les finances publiques ne posent aucun problème ».

 C’est heureux de l’entendre donner cette bonne information à l’endroit de notre peuple, lui l’argentier national. Et je suggère que de telles sorties médiatiques, qu’il en fasse souvent, en tout cas périodiquement pour éviter que les rumeurs ne prennent la place de la réalité. D’ailleurs, ses propos ont été confirmé d’une manière ou d’une autre par M. Mario ZAMAROCZY, conseiller du département Afrique du FMI qui, après une mission d’évaluation de la situation macroéconomique du Bénin a déclaré le 30 juillet que « la situation budgétaire du Bénin est satisfaisante ».

 Conséquence directe de cette situation, le social des Béninois n’est pas enviable. Qu’en dites-vous ?

Dans une situation de morosité économique, il n’est pas possible que les conditions de vie de nos concitoyens soient meilleures surtout les couches les plus vulnérables. Cependant dire que le social des Béninois n’est pas enviable est trop fort comme phrase. Ce qui est certains, c’est qu’il y a des difficultés et il faut travailler pour remettre les pendules à l’heure. Il faut entretenir les grands équilibres et rendre meilleur le climat d’affaires. Chacun doit jouer sa partition et le gouvernement en premier lieu.

La situation politique n’est pas reluisante non plus, quelle analyse faite vous de la recomposition de la classe politique ?

Quand l’intelligence déserte le forum, c’est la médiocrité qui s’installe et quand les valeurs cèdent place à la seule valeur que constitue l’argent, il serait difficile, voire impossible d’avoir de bons résultats et ce, dans tous les domaines. La classe politique béninoise est dans un bal masqué où on ne sait pas qui fait quoi.

 Ce qui est contraire à la démocratie. Le jeu est flou et une clarification s’impose pour pouvoir vivifier les acquis de la conférence nationale et poser des actes qui permettent d’aller de l’avant. Martine AUBRY, la secrétaire nationale du PS en France a dit que « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». La situation politique est à revoir et je jouerai ma modeste partition pour aider à contribuer à un nouvel élan politique dans notre pays.

 De l’élan politique dépend l’avenir des autres secteurs comme l’économie et le social. Il devient donc impérieux et important qu’il y ait effectivement une réelle recomposition de la classe politique en vue d’une meilleure gestion de la saine émulation de nos populations. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut pas être de l’opposition et de la majorité à la fois. Une opposition pro-gouvernementale ne cadre pas avec la démocratie.

Une démocratie, c’est une majorité affirmée qui gouverne et une opposition qui s’oppose et qui travaille à proposer une alternative. Le fonctionnement régulier des deux bords favorise le développement et donne une certaine aération du jeu politique. Vous savez très bien que, quand moi je veux m’opposer, je sais bien le faire.

 Il est annoncé l’entrée prochaine de l’opposition, surtout du PRD au gouvernement. Qu’en dites-vous ?

C’est le chef de l’Etat qui décide de celui ou celle qui entre ou sort du gouvernement. Ceci en vertu de l’article 54 du titre 3 de la constitution du 11 décembre 1990.

 En 2013, les Béninois se rendront aux urnes pour les élections locales mais jusque-là, la correction de la LEPI n’est toujours pas devenue une réalité. Peut-on dire que les mêmes erreurs ont repris au niveau des acteurs politiques?

D’abord, la LEPI concerne ou doit concerner tous le monde et pas seulement des acteurs politiques. Ceux de la société civile sont aussi concernés au premier chef. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est la prise de conscience des uns et des autres sur le sujet. La LEPI est un instrument de développement et sa réalisation doit impliquer tous le monde. Il ne doit y avoir place à la moindre complaisance encore moins à une quelconque exclusion.

Au niveau de la majorité présidentielle plurielle, le 1er juin 2012, nous avons tenu une journée de réflexion sur la question et des propositions concrètes ont été faites. D’autres formations politiques ont aussi fait des propositions pour corriger ou pour améliorer l’existant. Par ailleurs, il y a eu ce que je pourrai appeler l’initiative du Président IDJI KOLAWOLE à l’Assemblée nationale qui a rassemblé les députés représentant les différents groupes parlementaires.

Aussi, sous l’égide du groupe de travail présidé par l’Honorable DEBOUROU, il y a eu des rencontres de travail avec les différentes forces en présence notamment, les acteurs politiques et ceux de la société civile. Manifestement, la volonté de bien faire est observée de part et d’autre et c’est le plus important. Maintenant, comme vous le dites à propos des élections locales de 2013, il faut intégrer le facteur temps.

Mais il ne faut pas perdre de vue la nécessité de faire une LEPI fiable. Une LEPI consensuelle qui met d’accord sur l’essentiel tous les acteurs politiques et même ceux de la société civile. En somme, ces différentes contraintes amènent à faire une option idoine qui prend en compte le facteur temps et celui de la fiabilité

 La refondation, dont a parlé le chef de l’Etat, peine à prendre. Qu’est-ce que vous en dites, vous qui soutenez qu’on renoue avec les repères ?

On ne change pas les habitudes du jour au lendemain encore moins d’une semaine à l’autre. C’est un exercice de longue haleine. C’est toujours difficile d’opérer des reformes parce que ça ne manque pas de faire des victimes et donc il faut s’attendre à des résistances. Dans un pays où chacun pense qu’il peut toujours régler son problème avec de l’argent ou qu’il faut toujours passer par un parrainage pour faire avancer son dossier, pour réussir les reformes, il faut de la volonté, de la rigueur et de la persévérance.

J’ai la conviction profonde que nos difficultés tirent leurs sources de nos comportements peu citoyens et de l’inversement des valeurs. Tout en mettant de la souplesse et en associant les différents acteurs, il faut continuer les réformes. Celles qui ont été faites et qui nécessitent des ajustements, il faut les faire en tenant compte des réalités du terrain. Le reste des reformes envisagées, il faut avoir le courage de les faire.

C’est vrai, avec beaucoup de pédagogie afin d’obtenir le maximum d’adhésion possible. J’ai la certitude que notre pays retrouvera ses lettres de noblesse si nous renouons avec les repères. La conscience citoyenne, le sens de l’intérêt général, les valeurs morales et sociales sont des valeurs que nous devons intégrer dans nos comportements et dans nos prises de décision. Le contraire, à coup sûr, conduit au désastre.

 Que faut-il faire pour sortir des difficultés ?

On parle déjà de ça. Pour sortir des difficultés, il faut se mettre résolument au travail, opérer des reformes en vue de renforcer la bonne gouvernance, remettre de l’ordre dans notre administration publique, améliorer le climat des affaires et aider le secteur privé à se promouvoir. Il faut renforcer les capacités de nos paysans en vue d’améliorer les performances de l’agriculture dans notre pays. Comme vous le constatez, Il y a tellement de choses à faire que chacun doit faire de son mieux pour apporter sa contribution.

 Votre mot de fin pour cet entretien

Je vous remercie pour cet entretien. Notre pays a d’énormes potentialités mais malheureusement nous nous comportons comme une biche au bord de la rivière qui a soif et qui ne peut pas boire de l’eau. 52 ans après les indépendances, je pense que nous pouvons faire mieux. Mettons-nous donc au travail et faisons l’effort de mettre chaque chose à sa place tout en sachant hiérarchiser nos priorités. En clair, il faut renouer avec les repères. Bonne fête de l’indépendance à toutes et à tous.

Entretien réalisé par la Rédaction

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