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Le triomphe de la vérité

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Editorial:A quand demain ?


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Fêter 52 ans sous le signe de la sobriété et de l’austérité. Si tel était l’objectif des autorités béninoises, il semble bien atteint. Au regard du défilé sans panache d’hier, on peut lire le signe d’une austérité voulue, pour coller à la morosité ambiante. « Nous n’avons pas assez d’argent pour fêter avec faste». C’était le message, et il ne pouvait pas être plus clair. Dans les circonstances actuelles, ce symbole est d’autant plus frappant que la morosité économique est reconnue par l’Etat lui-même. Voilà qui nous contraint à voir les choses en face.

52 ans après l’indépendance, l’économie béninoise est encore une grave source d’inquiétude. 52 ans après l’indépendance, l’Etat du Bénin demeure pratiquement incapable de construire un mètre linéaire de route bitumée sans recourir à l’aide extérieure. La diplomatie béninoise demeure à cet égard l’instrument de mise en œuvre de cette politique que l’on qualifierait trivialement de diplomatie de la main tendue.

Elle n’a rien de déshonorant ni de fondamentalement rédhibitoire dans un environnement africain marqué par le sous-développement et la succession des malheurs. A moins de rappeler le brulot de Dambisa Moyo, Dead aid (First American Edition, 2009), qui rappelait tristement il y a trois ans comment l’aide extérieure conduit à la mort de nos économies et donc de nos pseudos Etats indépendants.

L’indépendance a été perçue sous son versant politique, notamment dans sa faculté à procurer aux élites voitures de luxe et villas, voyages d’agrément et fastes mondains. Toutes les luttes, tous les complots, toutes les bagarres électorales tournaient autour du partage des parcelles de pouvoir laissées par le colon : siège de député à l’Assemblée de l’Union Française puis plus tard à l’Assemblée Territoriale, sénateur au Sénat français, Conseiller au Grand Conseil de Dakar, ministre dans les différents cabinets…

C’était la première maladie née ici même au Dahomey dès 1946, aux premières heures de ce qu’on appela Union Française. L’indépendance elle-même fut héritière de cette conception jouissive du militantisme. Elle généra une classe politique et une hiérarchie militaire peu portées sur les questions de développement, mais prolifique au-delà de toute imagination sur les questions politiques. La politique s’est infiltrée dans toutes les interstices de la société, non pas en son sens le plus noble d’instrument de développement, mais comme outil de jouissance des ors du pouvoir.

Tout le monde est convaincu que l’on fait la politique non pas pour développer l’industrie, pour faire prospérer l’agriculture ou l’élevage, ou même pour rendre l’éducation plus adaptée à nos besoins de progrès, mais simplement pour hisser une région, une ethnie ou une personne au banquet du pouvoir.

Du reste, durant des décennies, nous avons été nourris de victimisation. Au lieu d’apprendre aux Dahoméens puis aux Béninois que le développement n’est que le fruit de notre acharnement individuel et collectif au travail bien fait, nous nous berçons d’illusions en croyant que les autres, les Blancs, sont les obstacles à notre développement.

Il y a longtemps que les peuples asiatiques ont compris que le développement ne se donne pas, qu’il s’arrache dans les douleurs de notre soif à bien faire et à exceller partout, sans attendre l’aide de personne. Walter Rodney a écrit en 1972 un ouvrage fameux dont le titre seul était un procès : Et l’Europe sous-développa l’Afrique (Editons caribéennes, 1972). Ce genre d’ouvrage constitue l’archétype parfait des calmants administrés à l’Afrique pour l’endormir.

Car, comme le rappelle si bien Joseph Ki-Zerbo, « on ne développe pas, on se développe ». Aucun Etat n’en développe un autre. Récemment, l’on a accusé les entreprises chinoises de s’engraisser à peu de frais au Bénin. Et en 2010, le réalisateur Patrick Benquet a publié un documentaire sulfureux sur les rouages nauséeux de la Françafrique. Et j’ai été ravi de l’immense scandale qu’il a provoqué. Car, bien qu’excessivement lente, la compréhension commence à germer dans les esprits, et finira par s’imposer un jour.

Qu’ils soient Blancs ou jaunes, les autres se battent pour s’enrichir grâce à l’industrie, à l’innovation, à l’agriculture, au tourisme… Alors, la question est celle de Joseph Ki-Zerbo qui en 2005 la posait dans un livre-entretien : A quand l’Afrique ? Et Césaire de demander dans l’une de ses suppliques que j’affectionne : « quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval des autres » (Ferrements, 1960)

Quand donc nos paysans, nos diplomates, nos préfets, nos ministres, nos étudiants comprendront majoritairement que le développement n’est pas dans la politique ni dans les petites combines administratives mais dans la production, le Bénin fera un pas de géant.

Olivier ALLOCHEME

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