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Le triomphe de la vérité

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Interview sur l’iode et les troubles liés à la carence en sel iodé avec Théophile NTAMBWE, Consultant au Bureau Régional de l’UNICEF à Dakar :« La carence en iode a des conséquences très graves sur la santé, l’éducation, l’économie et le développement »


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Dr Théophile NTAMBWE, Consultant au Bureau Régional de l’UNICEF à Dakar

Théophile Ntambwe est un spécialiste des questions relatives aux troubles liées à la carence en iode. A la faveur du récent atelier de concertation sur le système du contrôle du sel iodé au Bénin organisé par l’UNICEF à Cotonou, le spécialiste a bien voulu répondre à nos préoccupations. Dans l’entretien qui suit, Théophile Ntambwe revient sur le rôle joué par l’iode dans l’organisme. Il aborde aussi les conséquences de la carence en iode pour l’organisme, ainsi que la situation de la lutte au Bénin pour l’élimination des troubles dus à la carence en iode (TDCI).

L’Evénement Précis : Quelle définition peut-on donner à l’iode et quel est son rôle?

Théophile Ntambwe : L’iode est un élément chimique qui entre dans la composition de certains aliments. Je la définirai comme étant une composante alimentaire d’origine minérale dont le corps a besoin en très petite quantité. Le rôle essentiel de l’iode est d’aider la glande thyroïde qui est située à la base du cou à produire les hormones thyroïdiennes.

Ce sont des hormones qui interviennent dans la croissance physique, la maturation du cerveau, le développement des muscles, le développement des organes génitaux. Ce sont des hormones qui ont un rôle essentiel dans le maintien de la température du corps et qui ont donc un grand rôle à jouer pour le développement de l’être humain.

L’iode est donc un oligo élément ?

Parfaitement. L’iode fait partie des oligo éléments. Je dirais même, en termes de nutrition, que l’iode fait partie des micro nutriments et c’est un élément essentiel à la vie, mais dont le corps a besoin en très petite quantité.

Vous mettez l’accent sur la quantité. Que se passerait-il en cas d’excès ?

Je serai franc avec vous. Tout excès est nuisible. L’iode, tel qu’on recommande sa consommation à travers le sel iodé, concerne de très petites, d’infimes quantités qui ajoutées au sel permettent d’apporter à l’organisme la quantité d’iode compatible avec son fonctionnement. La régulation de notre organisme est vraiment phénoménale. L’organisme humain, pour le fonctionnement de la tyroïde, retient juste la quantité dont il a besoin et le reste est éliminé.

Quelles conséquences la carence en iode peut-elle entraîner pour l’organisme ?

Nous avons vu l’importance de l’iode et de la fonction thyroïdienne. S’il arrive que l’iode manque, cela peut entraîner, sur le plan de la santé, des avortements spontanés, la survenue d’enfants mort-nés, des fœtus qui ne vont pas bien se développer, la naissance d’enfant dysmature, avec un petit poids. Il peut même être prématuré. La péri mortalité est vraiment importante dans les zones à carence en iode sévère. On peut noter aussi comme conséquences le retard mental parce que le cerveau ne s’est pas bien développé, et ça c’est irréversible. Il y a également l’hypotonie et là, l’enfant est tout fatigué, sans force.

Toujours sur le plan de la santé, on peut noter la stérilité qui peut survenir, parce que les hormones thyroïdiennes jouent un rôle dans la maturation des organes génitaux. Le lait, chez la femme allaitante peut être insuffisant. On a aussi le goitre qui est l’effet le plus connu et le crétinisme qui est l’effet le plus grave. Dans ce dernier cas, le sujet est arriéré mentalement, totalement déficient sur le plan intellectuel. Il ne peut pas travailler et doit être pris en charge par sa famille. Il a une arriération mentale profonde. Ça, c’est sur le plan de la santé.

Sur quels autres plans se situent les conséquences de la carence en iode?

La carence en iode a un impact négatif sur l’éducation. Nous avons vu quelqu’un traîner un retard mental en capacités intellectuelles avec un quotient intellectuel réduit à 13.5, ce qui est vraiment très grave. Ces sujets, s’ils vont à l’école, n’auront pas de bons résultats. La carence en iode a également un impact sur l’économie, car elle entraîne une réduction des capacités de travail et des capacités d’apprentissage. Et ça veut dire en définitive qu’il y aura une baisse de la productivité et donc le développement socio-économique sera affecté. En un mot, la carence en iode a des conséquences très graves sur la santé, l’éducation, l’économie et le développement.

Quelle est la situation de la lutte pour l’élimination des TDCI au Bénin ?

Le Bénin a démarré la lutte contre les TDCI en 1994 par la prise d’un arrêté interministériel rendant obligatoire l’iodation du sel produit, importé ou commercialisé au Bénin. Suivant les résultats des enquêtes menées sur le territoire national en 2011, pour la plus récente, le Bénin est arrivé à avoir 84% de couverture de ménages utilisant du sel iodé.

L’objectif à atteindre pour parler d’élimination des TDCI est 95%. Donc, il y a encore un effort à faire. On a aussi constaté que le sel consommé au Bénin, soit il a très peu d’iode, soit il en a trop. Le système de contrôle devrait être vraiment opérationnel pour faire respecter les normes par rapport au sel iodé.

Ce qu’on a encore constaté, c’est que le Bénin produit autour de 15% de sa consommation en sel. Mais ce sel n’est pas iodé parce qu’il est produit avec des méthodes qui utilisent le bois de chauffe. Cette chaleur qui se dégage entraîne des déperditions, des pertes d’iode. Car l’iode est produit volatile. Il est vendu sans qu’on lui ait restitué l’iode, comme on le fait généralement après avoir produit du sel, qu’il soit du sel marin ou du sel gemme.

Comment expliquer ce paradoxe alors que nous avons trois unités d’iodation au Bénin?

C’est un problème important que vous soulignez, dans la mesure où depuis plus de 15 ans, un effort a été fait, notamment avec l’appui de l’UNICEF, pour rendre disponibles des unités d’iodation et du matériel pour ioder le sel produit localement au Bénin. Mais, il se trouve qu’une unité a été implantée à Ouidah, à côté du grand marché. Cette unité est un peu distante des endroits où est produit le sel et le sel produit n’est pas acheminé à l’unité.

 L’unité est donc sous exploitée. Les productrices du sel et ceux qui les encadrent aimeraient avoir une unité proche des sites de production parce qu’il y a un coût du transport qui intervient et ce coût est difficile à prendre en charge. Il y a aussi une autre unité à Comé qui a été fournie à la même période et n’a jamais été utilisée. L’unité a été équipée pour pouvoir produire. Mais elle n’a jamais été exploitée depuis plus de 15 ans. J’espère que ce problème sera résolu un jour et le plus rapidement. C’est un investissement important qui a été consenti et les populations ont besoin de sel iodé.

Il y a également une unité à Grand-Popo et qui n’est pas opérationnelle. Donc, il y a cet effort à faire pour l’exploitation des unités, et je dirais aussi que les sites de production sont assez éparpillés dans la région côtière qu’il y a une nécessité d’encadrement de ces productrices qui doivent se regrouper. C’est plus facile d’appuyer avec des unités d’iodation des groupes organisés plutôt que de devoir penser à équiper chaque personne.

Quelles actions s’avèrent, selon vous, fondamentales pour atteindre l’élimination des TDCI ?

Je pense que l’engagement politique est fondamental. L’engagement politique traduit au travers de la coordination intersectorielle de cette activité, c’est vraiment le centre de l’action. La prise de conscience au niveau national, le fonctionnement, notamment d’un comité multisectoriel où se retrouvent les différents secteurs impliqués dans le contrôle, impliqués dans le suivi de la consommation, dans la commercialisation, le suivi épidémiologique. Ces différents secteurs doivent se retrouver ensuite pour pouvoir faire le point, faire le suivi et prendre des mesures correctrices et mutuelles en vue de pouvoir atteindre les objectifs liés à l’élimination des TDCI. C’est un objectif réalisable, à la portée de beaucoup de pays.

 

Entretien réalisé par

Flore S. NOBIME

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  1. Éphrem Prudencio

    Dr Théophile NTAMBWE, Consultant au Bureau Régional de l’UNICEF à Dakar, vient malheureusement de nous quitter. Paix à son âme.

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