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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Bruit de bottes au Palais


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La dernière vague de généraux récemment promus a prêté serment vendredi au Palais de la Présidence. Salut militaire, vociférations militaires, ordre militaire, il n’en fallait pas plus pour instaurer dans la salle d’audience du Chef de l’Etat, une ambiance de strict respect des protocoles et usages en vigueur au sein de la Grande Muette.

Tous ceux qui ont pu voir les images ont pu constater (à nouveau) les tics militaires de Boni Yayi, tics qui s’éveillent au contact des hommes en uniforme. Ce qui aura par-dessus tout retenu l’attention, c’est l’image que laisse notre armée au regard de ces promotions. Il y a eu, en la matière, une bonne occasion manquée.

Face à la vague de retraites à la tête de la hiérarchie militaire, Boni Yayi a, en effet, choisi de faire la part belle aux hauts gradés. Il a offert quelques cadeaux en forme de promotion au grade de général à des gens qui n’ont certainement pas démérité. Mais les conditions d’octroi de ces galons jettent un voile opaque sur leurs bénéficiaires.

 Lorsqu’en fin 2005, Mathieu Kérékou a donné le titre de Général au Colonel Azonhiho, ce fut un tollé qui accueillit cette curieuse promotion pour un militaire dont personne n’ignore les états de service. C’était une promotion stratégique, entrant dans le cadre des astuces que le vieux caméléon mettait en place pour semer la confusion dans les esprits à la veille de son départ du pouvoir. Le caractère rétroactif de la promotion en avait surtout fait jaser plus d’un, car c’était la preuve que Kérékou voulait faire cadeau à un ami pour mieux l’utiliser dans sa manœuvre.

Azonhiho fut nommé ministre de la défense dans la consternation générale, accueilli du reste par une immense clameur populaire. Ce fut beaucoup moins grave qu’en 2009, lorsqu’à son tour, désireux de faire plaisir à son prédécesseur, Boni Yayi le fit général d’armée. C’était incongru pour le vieux caméléon à la retraite qui refusa cette promotion assortie là aussi d’effets rétroactifs très juteux. En la rejetant, il rejetait du même coup plusieurs centaines de millions de francs CFA que le Président de la république, son successeur, lui offrait « généreusement ».

Cette fois, c’est le général Oké Soumanou qui a été fait général de division à moins d’une semaine de sa retraite. Pour donner le change, l’astuce a consisté à faire remonter sa promotion au 1er avril 2012. Là encore, comme dans les cas de Martin Dohou Azonhiho et de Mathieu Kérékou, l’acte est porteur des germes de polémique.

Il y a dans ces promotions curieuses, quelque chose de gênant, une volonté de faire plaisir à quelqu’un ou à quelques-uns en usant des deniers de l’Etat, en bafouant l’honorabilité des militaires. Qui peut croire en effet que Oké Soumanou méritait réellement de porter le galon de général de division à quelques jours seulement de son admission à la retraite ? Qui peut croire que le Bénin a besoin de ce jeu de chaise musicale à la tête de l’Etat-major général qui enregistrera en janvier prochain son quatrième Chef d’Etat-major général en moins d’un an ?

Mais, ce n’est pas le plus important. Ces atteintes à la conscience militaire interviennent en effet dans une atmosphère de déclarations et de proclamations de vertus émanant précisément de celui qui se livre à ces manœuvres. En promettant la semaine dernière de lutter contre la déliquescence morale et les problèmes de gouvernance au Bénin, Boni Yayi s’est livré à un exercice de dédoublement psychologique qui n’a échappé à personne.

Comment peut-on croire, en effet, que les Béninois pourraient gober la coexistence nauséabonde entre cet assaut de vertu venant des profondeurs du Bénin et la suprématie des arrangements de cour qui prévaut au Palais de la République ? C’est croire que les gens sont si radicalement incultes qu’ils ne pourraient jamais lire dans les actes et les proclamations présidentielles une injure à leur bon sens.

La comédie de cour déplacée au cœur de l’Etat-major des forces armées béninoises vide de son sérieux l’ensemble des professions de foi de Boni Yayi quant à la qualité de la gouvernance. Nous avons un Président adepte fervent des effets d’annonce et du one man show. Au-delà de cet espace de cinéma, il se perd.

Olivier ALLOCHEME

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