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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Regardez ces terres inutiles


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Des centaines d’hectares, des milliers d’hectares vides, inutilisés. Voilà le spectacle que découvre tout visiteur à l’intérieur du pays. Nos terres sont-elles si ingrates pour être laissées à l’abandon ?

La question en soi parait paradoxale au regard de la vocation agricole de notre pays. C’est pourtant la seule interrogation qui nous étreint lorsque face à de vastes étendues plates et vides, on se met à deviner ce qu’elles auraient pu donner si elles avaient été exploitées. De Sakété à Adja-Ouèrè, de N’Dali à Nikki, de Kouandé à Kérou en passant par Péhunco ou encore de Ouidah à Lokossa, on peut s’étonner d’une chose : nos terres ne sont pas suffisamment exploitées.

Oui, l’agriculture manuelle basée sur des méthodes réputées archaïques reste la cause fondamentale de ce phénomène. L’agriculture pratiquée ainsi reste essentiellement pénible, abandonnée des jeunes, délaissée par les opérateurs économiques, fuie de tous. La houe, la daba, le coupe-coupe ne sauraient emblaver que des espaces restreints qui nourrissent la petite famille. C’est l’agriculture de subsistance, celle qui ne satisfait que les besoins primaires de ses acteurs.

Les petits producteurs de cinq, dix ou vingt hectares s’en sortent avec leurs greniers qui débordent de récoltes même si les soudures sont pénibles et que les périodes d’inondation ou de sécheresse sévère drainent des drames qui brisent leurs sourires. Ce ne sont que des accidents de parcours pour une agriculture aux objectifs très grégaires.

A l’évidence, l’agriculture de type familial est loin de contribuer efficacement à la croissance économique, au regard des objectifs macroéconomiques inscrits dans les plans de développement de notre pays. Il faut un sérieux coup de main de l’agrobusiness, impératif reconnu du reste par le plan stratégique de relance du secteur agricole (PSRSA). Ce plan préconise l’alliance stratégique entre à la fois les plantations modestes de type individuel ou familial et les grands espaces industriels. C’est la théorie. Dans la pratique aujourd’hui, le caractère étriqué des emblavures inquiète.

Il n’est que de voir les vastes hectares qui s’enchainent au Ghana ou en Côte-d’Ivoire. Ananas à perte de vue, palmier à huile sur des centaines de milliers d’hectares, bananeraies à ne pas en finir…Idem en Afrique du Sud ou au Zimbabwé par exemple où tout le monde se surprend face aux énormes plantations de tabac. Et j’ai la faiblesse de croire que si la Côte-d’Ivoire a pu tenir la dragée haute au point d’être aujourd’hui dans le peloton de tête des pays francophones en termes de croissance, c’est précisément à cause de cette énorme capacité nationale de production.

Se relevant à peine d’une longue guerre civile de dix ans, le pays est aujourd’hui, comme hier, le pilier central de l’UEMOA et risque de l’être pour longtemps encore, parce que ses producteurs produisent. En prenant appui sur une économie de service essentiellement tournée vers le transit et le commerce, l’économie béninoise ne saurait dans ces conditions rêver d’émergence, encore moins de développement humain durable.

Cependant, la production nationale est aussi handicapée par les problèmes fonciers. Le cadastre béninois est d’une grande complexité. Au point qu’un spécialiste en aménagement du territoire comme Cyriaque Agonkpahoun estime que nos lotissements ont toujours été mal faits. Et qu’il faut pour le secteur une véritable révolution. Les terres laissées à l’abandon sur des dizaines de kilomètres appartiennent à des gens, à des collectivités jalouses de leurs propriétés.

Dans la brousse la plus épaisse de Birni, de Matéri ou de Kétou, tout exploitant spontané se verrait opposé un propriétaire déclaré se référant à un titre de propriété datant de Mathusalem acquis de haute lutte par feu son aïeul. A ceci s’ajoute de plus en plus, le gel des terres, phénomène engendré par les cadres et tous les autres acquéreurs qui achètent des centaines d’hectares gelés, pour les besoins de la spéculation foncière devenue un sport national. Des milliers d’hectares acquis dans ces conditions sont en friche, inexploités, alors que des jeunes sans emploi et sans terre espèrent les mettre en valeur un jour. Faudra-t-il alors que l’Etat et les collectivités locales rachètent toutes les terres ?

C’est l’une des solutions préconisées par Cyriaque Agonkpahoun pour qui il est plus qu’impérieux de remédier à la situation. Comme en Côte-d’Ivoire, le Bénin peut bien parvenir à une propriété publique du foncier, permettant d’allouer des terres aux opérateurs économiques et autres individus désireux de les mettre en valeur. Toute autre alternative serait simplement du leurre.

Olivier ALLOCHEME

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