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Le triomphe de la vérité

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Edito du 20 juin 2012/De Gantin à Dagnon


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En Gilbert Dagnon, l’Eglise catholique a perdu un éclaireur, le Bénin, une conscience morale vive. Le compositeur de l’Aube Nouvelle sera inhumé demain au Grand Séminaire Saint Gall de Ouidah, sanctuaire où repose aussi l’illustre Bernardin cardinal Gantin.

C’est une grâce pour l’Eglise du Bénin d’avoir eu Gilbert Dagnon, l’intellectuel racé, l’organiste de génie, le musicologue doué et le pasteur inspiré. On ne parlera jamais assez de son apostolat tout dédié à la Vierge Marie, figure à laquelle il vouait une dévotion et un zèle tout à la fois fécond et continuel. Il fait partie de ceux qui se nourrissent de la présence de la Mère de l’Eglise et qui, sans cesse, rendent témoignage de sa grâce et de son infinie bonté.

On n’oubliera pas non plus l’exorciste, métier de circonstance, mais sacerdoce central au cœur d’un Bénin si plein de mystères. Et puis, tout le monde connait sa passion débordante pour la musique sacrée dont, il faut le dire, il constitue une référence impérissable, de rigueur et de pureté. Le chant demeure un pilier de la liturgie chrétienne. Et les prêtres qui s’y consacrent sont rares.

Sa prédilection pour le grégorien pur jus transparaissait dans son amour du latin qu’il savait partager durant la sainte messe. Rappelons cette délectation qui se saisit de la foule des fidèles lorsque du haut de l’autel retentit sa voix chevrotante qui entonne le Gloria, le Te Deum ou le Credo. Comme tous les prêtres de sa trempe, il créait cette atmosphère unique dans laquelle la musique élève le fidèle et le dissout dans la puissance de l’Eternel.

C’est aux confins de ce Dagnon de l’Eglise, pasteur d’un peuple de foi, qu’apparait le compositeur de l’hymne national. L’Aube Nouvelle, le beau chant, chant extatique qui fouette notre patriotisme et sème en nous l’ardeur de la nation. Enfant du Bénin debout, cri d’engagement, volcan qui irrigue notre fougue nationale. Voilà l’ineffable héritage qui jamais ne mourra tant que se dresseront debout les enfants du Bénin. La liberté d’un cri sonore chante aux premiers chants de l’aurore…

Le décès du prélat intervient à quelques jours seulement des assises catholiques qui auront lieu la semaine prochaine. Elles poseront pour aujourd’hui et pour demain les linéaments de la participation du catholique à la construction de la cité. Mais surtout, celui de l’affermissement de sa foi agissante au milieu de la corruption du monde. Le Père Francis Aupiais avait déjà posé les bases de cet engagement du chrétien dans les affaires publiques en étant élu député en 1946 au titre du premier collège au Dahomey.

Plus tard, le cardinal Bernardin Gantin, pare-feu presque officiel de la République aux heures de tourments, servira à temporiser les ardeurs belliqueuses entre gouvernement, opposition et syndicats. L’Eglise joue ainsi son rôle de repère moral et montre chaque fois le chemin aux hommes et femmes engagés sur la voie difficile de la conciliation nécessaire. C’est le rôle public, celui qui apparaît lorsqu’à bout de dialogue de sourds, le gouvernement et ses partenaires sont contraints de recourir à une autorité morale suffisamment forte pour faire entendre à tous la voix de la raison et l’intérêt supérieur de la nation.

Cependant, elle a un autre rôle éminemment social, celui qui transparait dans sa mission éducative et son action caritative. On peut le regretter, celles-ci ne sont plus aussi visibles que par le passé. Même si nos églises continuent de se remplir de fidèles toujours aussi enthousiastes, toujours aussi débordant de foi, elles ne vibrent plus comme par le passé pour la veuve et l’orphelin. L’Eglise sanctuaire de la foi, délaisse trop souvent les pauvres, préoccupée qu’elle est par les ors de ce monde.

Les belles églises, les beaux parvis, les beaux chasubles ou encore les belles voitures, commencent à prendre le pas sur la doctrine sociale de l’Eglise. Dans certaines paroisses plus que dans d’autres, l’on assiste à ce dévoiement qui lime à bas bruit les fondements même de cette force que constitue la doctrine sociale de l’Eglise. Mais nous voyons sur mille paroisses des modèles qui nous réconcilient avec notre Dieu, Lui qui est tendresse et pitié, pour tous, mais surtout pour le pauvre, le malade, le petit.

La figure du Père Dagnon peut apparaître comme un appel à se saisir de l’opportunité de son décès pour rappeler ce devoir sacré d’une Eglise au service du peuple de Dieu.

Olivier ALLOCHEME

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