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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Vous avez dit indépendance ?


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En pleine tourmente cotonnière, les diplomates européens en poste au Bénin ont été reçus vendredi en audience par le Chef de l’Etat. Comme souvent en pareilles circonstances, les ambassadeurs ont eu leurs mots à dire dans la crise, mots répétés en fin d’audience par le Chef de la Délégation européenne au Bénin, Françoise Collet.

Du verdict qu’elle a prononcé, il ressort, d’après ses propos, que « le Bénin bénéficie de cette image tout à fait justifiée de pays tout à fait respectueux des principes démocratiques et il est indispensable que ces principes soient aussi respectés pour le développement des activités commerciales et des investissements privés». Même nimbés de circonlocutions diplomatiques, ces propos sont une menace.

Ce ton impératif est certainement dicté par la polémique cotonnière, mais surtout par la fragilisation de l’image du gouvernement béninois. L’opération de réquisition manu militari des intrants à la société SDI n’est pas étrangère à cette détérioration, du moment où l’Etat lui-même a joué gros en se mettant dans la posture combien polémique du dictateur. Il a pris le risque de rappeler aux Béninois des souvenirs de larmes et de sang. Les explications fournies jeudi sur l’opération commando peinent à rassurer l’opinion publique, y compris les diplomates.

Il faut donc reconnaître aux chancelleries occidentales le droit de s’inquiéter des dérives éventuelles qui mettraient à mal les acquis fondamentaux de ces vingt dernières années, des acquis qui n’ont pu se concrétiser sans l’apport de leurs contribuables qui ont fourni aides financières, matérielles et techniques au long de ces décennies de démocratisation branlante.

Placée sous biberon, notre démocratie est du reste ballottée au gré des frayeurs jalonnant les élections dans lesquelles nous frôlons presque toujours des éruptions de violences ethniques et régionalistes. Et aucune élection n’a jamais pu se tenir ici sans l’aide de ces fameux PTF. C’est pourquoi, les remarques de Françoise Collet ne sont rien d’autre que le signe de l’inquiétude de nos partenaires soucieux avant tout de voir si les fonds de leurs contribuables ne sont pas jetés par la fenêtre du fait d’une gouvernance hasardeuse. D’où d’ailleurs, presque dans le même contexte, cette autre remarque de la même Françoise Collet lors de la journée de l’Europe, en mai dernier.

Elle disait : « nos engagements auraient pu être plus élevés si certains indicateurs sociaux ou macro-économiques avaient été meilleurs. A l’origine de cette situation, il y a une cause principale, non pas la crise mais la qualité de la gouvernance ». Et d’ajouter devant les membres du gouvernement: « J’ai exprimé notre déception, mais elle s’accompagne aussi d’espoir. Nous restons confiants qu’une amélioration marquera l’année 2012, mais cela dépendra essentiellement de l’engagement concret, réel, tangible du Bénin et de ses acteurs pour le développement. »

Ce n’est pas courant de voir un diplomate s’immiscer de façon aussi itérative dans la gestion d’un pays qui n’est pas en guerre. Sous d’autres cieux, elle eût été rappelée à l’ordre par le gouvernement, un gouvernement autrement plus ferme quant à ce déni de souveraineté. Et à mon avis, les Béninois ne devraient plus continuer à s’aplatir devant ces admonestations incessantes, ces intrusions qui disent indirectement : « vous êtes globalement des gens irresponsables, sans nos remontrances constantes, vous auriez mené votre pays au chaos».

L’ambassadeur du Bénin à Paris, par exemple, n’aurait jamais eu l’outrecuidance d’aller faire les mêmes remarques sur la gouvernance du gouvernement français empêtré pourtant jusqu’au cou dans la crise afghane. Pas plus d’ailleurs que notre représentant en Belgique n’aurait jamais pu s’exprimer sur la pagaille qui a conduit ce pays à passer plus d’un an sans gouvernement.

Si Françoise Collet et ses pairs s’autorisent la posture paternaliste qu’on leur voit, c’est parce que notre gouvernement leur en donne raison. Et surtout du fait d’une dépendance intellectuelle, financière et diplomatique exploitée à fond par nos partenaires pour nous faire avaler mille couleuvres. Passe encore que les diplomates en poste chez nous traitent notre pays de tous les noms dans leurs câbles destinés à leurs métropoles. Passe encore que ces câbles réputés confidentiels se retrouvent très vite dans la presse à sensation. Je veux signifier qu’un pays responsable ne devrait pas accepter ces entorses constantes aux usages diplomatiques qui dénotent d’une seule chose : ces gens ne nous respectent plus.

Olivier ALLOCHEME

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