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Le triomphe de la vérité

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Editorial:L’âge des contraires


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Me Houngbédji serait annoncé au prochain remaniement au poste de Premier Ministre. C’est une « information » qui secoue le landernau politique. D’autant que l’intéressé lui-même a fait mine de la banaliser. Qu’ont-ils, ces plumitifs, à lui coudre des habits aussi bas ? Son dédain souverain n’en aura ravivé que plus fortement la rumeur. Annoncé à la primature, le voilà qui reçoit hier la deuxième personnalité de l’Etat, celui qui a précisément intérêt à voir partir l’actuel locataire des lieux.

Mathurin Nago ne serait pas du tout malheureux de voir partir un des potentiels challengers de 2016. Personne n’est dupe pour croire qu’il ne serait pas intéressé par un éventuel déplacement de Pascal Koupaki vers des cieux plus sombres que ceux de la primature. Là, en effet, il bénéficie des ors de la République et n’en profite que très bien pour parfaire son image d’homme d’Etat. Tout ce dont il a besoin pour 2016. Qui mieux que Nago pourrait faire la promotion de Houngbédji pour qu’enfin disparaisse des starting-blocks cet obstacle gênant?

On aura beau clamer que la morale interdit à Houngbédji de faire ce grand écart. Il reste que la politique au Bénin a ses raisons que la raison elle-même ignore. Nous sommes dans un pays où le mystère tend trop souvent à dépasser le réel, où la fiction prend place dans le présent pour transformer la scène politique en un jeu où l’intelligence s’élève à la hauteur des intérêts.

Nous sommes dans ce que Willy Brandt a appelé la Realpolitik, une espèce de manœuvre constamment tournée vers le résultat, sans égard pour l’éthique ou la morale. Et dans nos contrées si minées d’analphabétisme, qui donc se soucie encore de morale et d’éthique ? Ce sont quelques quarterons de cadres idéalistes sortis des sphères administratives et économiques. C’est-à-dire, moins de 1% de la population. Le reste pense que tous les moyens sont bons pour se retrouver aussi près que possible de la mangeoire nationale.

En l’absence d’une véritable opinion publique, le politicien est autorisé à tout faire, une chose et son contraire, pourvu qu’il parvienne aussi près que possible du pouvoir et de ses avantages sans nombre. Ceux des cadres qui s’accrochent à l’éthique et à la morale, ne le font que par faute de n’avoir pas (encore) été nommés à un poste éclairé de la République. Le jour de cette consécration, ils deviennent bien méconnaissables, adeptes des méthodes que naguère ils avaient pu conspuer avec véhémence. Nous sommes dans le pays des contraires. Tous les coups sont permis, pourvu qu’on soit au pouvoir.

C’est d’autant plus vrai que pour la circonstance, Houngbédji pourrait bien sortir de sa « retraite », lui qui est dépourvu du strapontin parlementaire comme de la possibilité de se présenter en 2016. Lui donner la primature servirait à le sortir de la torpeur de ces jours d’ennui. L’opposition n’est pas une vocation ni une profession de foi.

Le piteux exemple de la RB est là pour nous édifier. C’est au nom de la Realpolitik qu’elle a rejoint « le camp d’en face », un camp pourtant voué aux gémonies lors de la campagne électorale par la même RB. Il faut donc penser que le parti des Soglo pourrait bien inspirer le PRD à prendre sa part du devoir républicain. Ce faisant, il aurait l’avantage du terrain : ouvrir le parti au pouvoir, contrecarrer l’hégémonie de la RB pour les communales à Cotonou et servir à se repositionner utilement pour les prochaines échéances.

Non, tout cela, je l’admets, fait partie de la fiction politique. C’est un puzzle époustouflant qui découle de la vision, en se basant opportunément sur l’immoralité du personnel politique comme de la population électorale elle-même, l’un étant si proche de l’autre que l’on se demanderait bien qui a donné naissance à l’autre. Les terres pauvres sont fertiles en dépravation des mœurs.

Que le personnel politique se dévoie joyeusement au point de n’associer le pouvoir qu’à un jeu subtil consistant à s’accaparer par tous les moyens les rênes du pouvoir, ce n’est qu’un avatar de l’épaisse moisissure qui s’est déposée sur la conscience nationale elle-même vidée de toute substance.

Olivier ALLOCHEME

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