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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Voleur d’engrais


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Etat menteur pour les promesses non tenues, gouvernement ventilateur pour les actions qui se multiplient et ne donnent rien, le régime Yayi s’est revêtu d’une autre épithète peu flatteuse : voleur d’engrais. Ce qui s’est passé dans les magasins de la société Atral sort de l’entendement républicain. Il s’apparente à un braquage en règle mené par les soins des services de sécurité payés pourtant par le peuple béninois pour assurer sa quiétude.

Le tout aurait pris l’allure d’un western de mauvais goût si l’opération n’était commandée par un haut gradé de l’armée. Le chef d’Etat-major général, le Général Soumanou Oké est-il content de ses hommes utilisés pour les tâches les plus illégales auxquelles un militaire puisse être associé ? Parions que non. Sinon, c’eût été le plus terrifiant des déshonneurs qu’une troupe ait pu essuyer dans notre pays depuis 22 ans.

En fait, nous allons d’étonnement en étonnement. Hier encore, les ministres, toutes tendances confondues, assuraient que « l’année blanche cotonnière n’aura pas lieu ». Personne n’a oublié les conférences de presse très collégiales organisées aussi bien par le ministre de l’agriculture Sabaï Katè que par les cadres de son ministère pour démontrer à qui veut les entendre que l’Etat « a pris toutes les dispositions » pour éviter que la saison cotonnière ne soit une catastrophe.

Et donc c’est dans ce sillage qu’une certaine société dénommée WABCO COTIA a été mise à contribution pour fournir 28 000 tonnes d’engrais NPK et 10 000 tonnes d’urée à l’Etat en cas de défaillance des sociétés adjudicataires des appels d’offres lancés pour la fourniture d’intrants dans le cadre de la campagne cotonnière en cours. Du reste, c’est le même Etat qui, prenant en prétexte les actes présumés délictuels de l’AIC et de la CSPR, a suspendu l’accord-cadre liant l’Etat à l’AIC et contraint à l’annulation des procédures engagées par cette institution en vue de l’acquisition des intrants. C’est le gouvernement lui-même qui s’est chargé de l’affaire, chargeant un comité restreint de veiller à son heureux aboutissement.

On en a entendu des vertes et des pas mûres sur les présumées dérives de l’AIC qui ont nécessité toutes les mesures draconiennes prises à l’encontre de ses premiers responsables. Mis en examen, gardés à vue au commissariat central de Cotonou avant d’être relaxés en attendant les enquêtes, ces hommes sont devenus subitement la planche de salut de la saison cotonnière que l’Etat assurait avoir déjà sauvé. Alors question : que s’est-il donc passé pour qu’un Etat, tout un Etat dans les mains desquelles nous avons eu l’outrecuidance de déposer la puissance publique, comment cela s’explique-t-il donc qu’il en arrive à une opération commando proche du mercenariat le plus vulgaire ?

Il est clair que malgré ses fanfaronnades, le gouvernement n’est nullement capable et ne peut à lui seul éviter une année blanche cotonnière. Les décisions cavalières, prises sous l’emprise de la fureur, de la rancœur et de la suffisance, ne peuvent aboutir qu’à cet acte mémorable d’abjection et d’outrance. C’est même un outrage à la République, une injure à la démocratie béninoise. Nous n’avons certainement pas fait la conférence des forces vives pour que 22 ans après, des individus sans boussole et sans repère sapent les bases les plus emblématiques de notre république : la justice, la fraternité et l’égalité.

Une autre interrogation ? Ce n’est pas ce qui manque à propos de cette opération décidément curieuse. Pourquoi donc tant d’inimitiés entre deux hommes réputés amis, l’un finançant l’autre et l’autre livrant les marchés publics à l’un ? Bien malin qui pourrait donner des réponses sérieuses à des questions aussi graves. Ce que l’on sait du moins, c’est que l’Etat de droit est plus que menacé. Il est en cours de démantèlement. Ce qui arrive à Talon est loin d’être un simple épiphénomène. Il aurait pu s’abattre sur n’importe lequel de nous ou de nos parents et amis

En attendant, les ambiguïtés de cette nouvelle crise sont nombreuses. En braquant des dizaines de tonnes d’engrais, le gouvernement veut certainement les livrer à vil prix à des paysans qui n’en ont plus besoin, étant entendu que les délais sont presque tous dépassés. Si même il les livrait au vrai prix, qui procèdera au recouvrement des fonds ? Quels agents de l’Etat sont formés pour aller recouvrer des créances engagées dans des conditions aussi douteuses ? La route d’un procès gagné d’avance avec des dizaines de milliards de dommages et intérêts est ouverte.

Olivier ALLOCHEME

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