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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Donatien Gbaguidi, lauréat du concours de presse sur le droit à l’alimentation au Bénin:«Je vous supplie d’accorder un peu d’attention à ceux qui souffrent autour de vous »


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Donatien Gbaguidi, lauréat du concours de presse sur le droit à l’alimentation au Bénin

Il a nom Donatien Gbaguidi, journaliste à l’Evénement Précis. Pour avoir participé au concours de production de presse sur le droit à l’alimentation au Bénin organisé par la section béninoise de l’Alliance Contre la Faim et la Malnutrition (ACFM-Bénin) en relation avec le FAO, le FIDA, le PAM et autres institutions internationales, il a décroché le prix unique mis en jeu dans la catégorie presse écrite. Au même titre que lui, Wilfried Ahouassou, le reporter de la radio Capp FM a reçu le prix unique de la catégorie presse audio. Donatien Gbaguidi, après son brillant succès, livre ses impressions dans le cadre de cet entretien et exhorte les uns et les autres à veiller sur les conditions de vie des enfants, notamment sur leur alimentation.

L’Evénement Précis : Vous êtes lauréat du concours de production de presse sur le droit à l’alimentation des enfants au Bénin. Quelles sont vos impressions ?

Donatien Gbaguidi: En de pareilles circonstances, on ne peut qu’être heureux. On ne peut que se réjouir de voir ses efforts couronnés de succès. Mes sentiments sont ceux de joie, de bonheur comme cela devrait l’être dans de pareilles circonstances.

 Alors dites-nous un peu comment la faim sévit au Bénin ?

(L’air serein et légèrement méfiant). Ce serait trop prétentieux pour moi de dire comment se manifeste la faim sur le plan national. Mais pour l’enquête que j’ai réalisée dans le cadre de ce concours, j’ai pu découvrir la vraie face de la faim ici au Bénin, précisément dans notre capitale économique, Cotonou. J’ai pu mesurer que bon nombre d’enfants continuent de mourir, parce qu’ils n’ont pas de quoi se nourrir. Ailleurs, quand on parle de malnutrition, il s’agit souvent de victimes qui mangent à satiété et qui sont parfois obèses.

Mais ici chez nous, la malnutrition rime avec la pauvreté, ça rime avec des maladies mortelles. Je ne pouvais jamais me l’imaginer. Dans des centres hospitaliers, j’ai découvert des cas d’enfants malnutris qui, juste parce qu’ils n’ont pas de quoi se nourrir, meurent. Cela nous interpelle. Cela interpelle non seulement les politiques, parce que quand nous parlons toujours des politiques nous n’arriverons pas à bout de ce que nous souhaitons, mais également tous les citoyens. Je veux dire qu’il urge de faire attention à ce qui se passe autour de nous.

Faisons attention aux enfants qui sont dans la tranche d’âge de 0 à 5 ans, qui sont issus de familles très pauvres mais qui sont pourtant nés et qui, avant d’atteindre l’âge de 5 ans, meurent. J’ai vécu ça dans les hôpitaux. Ça fait pitié. Je vous supplie d’accorder un peu d’attention à ceux qui souffrent autour de vous. Il ne sert à rien de manger convenablement à sa faim alors qu’autour de vous, il y a des gens qui meurent justement parce qu’ils n’ont rien à manger.

 Après avoir mené de fond en comble cette enquête pour découvrir les désastres qu’on observe aujourd’hui autour du phénomène, que ressentez-vous ?

Je ressens du choc. C’est le choc et la pitié que j’ai ressentis. Imaginez-vous une mère ménagère qui a à sa charge trois enfants, orphelins de père, qui est obligée de passer de maison en maison, faire la lessive avant de pouvoir nourrir sa progéniture. Elle n’a pratiquement pas d’habitation. Lors de mon enquête, j’ai rencontré un cas comme ça, et son enfant souffre cruellement de la malnutrition. Cet enfant heureusement a pu résister. C’est une fille. Elle a pu résister à cette malnutrition sévère qui la minait. Ceci, grâce à la générosité de personnes de bonne volonté, parce qu’il fallait l’hospitaliser.

 Et c’est le lieu pour moi de remercier tous les hôpitaux qui ne reçoivent pas de subventions de l’Etat mais qui essayent quand même, par le biais de leur centre, de faire ce qu’ils peuvent, ne serait-ce que pour sauver ces vies humaines. Je veux parler surtout du cas de la petite Yolande que j’ai rencontrée. Elle a environ 3 ans. Je l’ai rencontrée à l’hôpital Saint Jean de Cotonou. Elle était agonisante. N’eût été les bonnes volontés et l’implication personnelle des autorités de cet hôpital, cet enfant serait déjà décédée. Deux jumeaux, Delphin et Delphine sont décédés parce qu’ils souffraient d’une malnutrition sévère. Ce sont des cas réels.

Ce cas m’a été révélé à l’hôpital de Mènontin. Ils ont tout fait mais l’état dans lequel se trouvaient ces enfants n’a pas permis au personnel soignant de les récupérer. C’est pratiquement tous les jours qu’on assiste à de pareilles situations. Les hôpitaux que je viens de citer reçoivent beaucoup de cas d’enfants malnutris. Donc cela interpelle notre conscience. Si vous mangez aujourd’hui et que vous voyez à côté quelqu’un qui souffre, n’attendez pas que votre poche soit d’abord pleine avant de lui venir en aide. Parce que même une boule d’akassa peut calmer une faim et peut sauver à un instant T une vie humaine.

S’il vous est permis de formuler un coup de cœur à l’endroit de tout le peuple, qu’allez-vous dire ?

(Un souffle). Des coups de cœur non, des coups de gueule, oui. Coups de gueule parce qu’on crie beaucoup et les choses n’avancent pas. Je veux dire que, selon les découvertes que j’ai faites par rapport à une enquête récente qui a été faite sur l’état des ménages au Bénin par l’Institut National de la Statistique et d’Analyse Economique (INSAE), sur le plan national, 35,2% de la population béninoise vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins d’un dollars par jour, ce qui fait environ 400 FCFA. Par jour, il y a 35,2% de Béninois qui n’ont pas cela. Comment voulez-vous alors qu’ils subviennent à leurs besoins ?

Ils ne peuvent pas et la conséquence logique de ce que nous voyons dans les hôpitaux, ce sont ces cas d’enfants malnutris qui meurent tous les jours. Donc cessons de crier et agissons. Je ne parle pas des politiques seuls. Je parle de tout le monde. Que vous soyez élève, étudiant, manœuvre je ne sais quoi, faites attention à ce qui se passe autour de vous. C’est très important.

Entretien réalisé par Teddy Gandigbé

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