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Le triomphe de la vérité

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(Suite de la parution N°934 du Mercredi 09 Mai 2012) Relecture de la loi fondamentale du Bénin:Voici les propositions de la Commission Gnonlonfoun sur la révision de la constitution


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La commission Gnonlonfoun a déposé son rapport la semaine dernière. Nous vous proposons les grandes lignes du rapport qu’elle a déposé et qui figure dans un document intitulé Consolider les acquis démocratiques. Il s’agit d’une révision en profondeur de la loi constitutionnelle tenant compte des acquis fondamentaux de la Conférence Nationale.

CHAPITRE V

DE LA RATIONNALISATION DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

L’ambition de rationaliser la justice constitutionnelle commande quelques réformes. La première institue formellement la question préjudicielle de constitutionnalité, la seconde ajourne le contrôle de constitutionnalité des décisions de justice, la troisième encadre le droit à réparation ouvert par le juge constitutionnel et enfin la quatrième limite le procès des droits fondamentaux aux violations du fait de la puissance publique.

1ère proposition : La question préjudicielle de constitutionnalité

1l s’agit ici d’une révision technique. La technique ne change pas, pas plus que le changement de nom n’affecte la garantie des droits fondamentaux. Les modalités de la question préjudicielle de constitutionnalité ne diffèrent pas de celles actuellement sollicitées pour la mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité.

Seulement, la proposition du remplacement de la formule « exception d’inconstitutionnalité» par celle de «question préjudicielle de constitutionnalité» répond à un souci de rigueur terminologique. En effet, lorsque la connaissance d’une question échappe par sa nature à la compétence du juge judiciaire, on parle de question préjudicielle et non d’exception. C’est notamment le cas lorsque le constituant subordonne le jugement du procès civil à la solution d’une question posée à la Cour constitutionnelle.

 En l’espèce, notre loi fondamentale impose au juge saisi de l’action principale de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait rendu sa décision sur la question qui lui est déférée. En réalité, le mécanisme institué par l’article 122 de la Constitution relève plus de la question préjudicielle de constitutionnalité que de l’exception d’inconstitutionnalité. A titre d’illustration, l’on peut évoquer la centralisation du contrôle de constitutionnalité de la loi contestée.

Même si elle est soulevée devant le juge judiciaire, la question de la constitutionnalité ou non de la loi est bien tranchée par le juge constitutionnel. La différence majeure avec l’exception d’inconstitutionnalité réside dans le fait que la question préjudicielle de la constitutionnalité ou non de la loi contestée devant le juge judiciaire est tranchée par ce dernier et non pas par le juge constitutionnel.

La question préjudicielle est donc propre au système de contrôle de constitutionnalité centralisé alors que l’exception d’inconstitutionnalité relève davantage du système de contrôle de constitutionnalité diffus. C’est à partir de ces éléments que la Commission propose de donner à ce mécanisme sa dénomination technique désormais consolidée en droit constitutionnel: la question préjudicielle de constitutionnalité.

2ème PROPOSITION: Le différé du contrôle de constitutionnalité des décisions de justice

La Constitution béninoise n’organise pas expressément le contrôle de constitutionnalité des décisions de justice. Son apparition dans l’ordre juridique béninois relève d’un long cheminement jurisprudentiel qui a trouvé son épilogue avec la décision de la Cour constitutionnelle DCC 09-087 du 13 août 2009. Or, à l’origine, la Cour constitutionnelle, se fondant sur les articles 3 et 131 de la Constitution, s’est toujours refusé à contrôler la constitutionnalité des décisions de justice.

Deux raisons fondamentales sous-tendaient son refus: Premièrement, il s’agissait de ne pas empiéter sur les attributions de la Cour suprême qui est seul juge de la légalité. Deuxièmement, il s’agit de respecter l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour suprême. Dans plusieurs décisions, la Cour constitutionnelle affirmera puis confirmera son incompétence quant au contrôle de constitutionnalité des arrêts de la Cour Suprême.

Mais, depuis quelques années déjà, le juge constitutionnel va rappeler sa compétence exclusive quant à la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques que l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour Suprême ne saurait remettre en cause2• En conséquence, le Professeur Ouinsou, ancienne présidente de la Cour, va alors proposer d’interpréter l’article 131 de la Constitution instituant cette autorité de la chose jugée « comme ne s’appliquant pas à elle de façon absolue, en matière de violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Ce qui revient à mettre les décisions de la Cour Constitutionnelle au-dessus de celles de la Cour Suprême dans le domaine précis des droits de l’Homme ». Ce sont-là les prémices d’un processus de hiérarchisation des décisions des deux hautes juridictions. Elle prendra sa forme jurisprudentielle la plus achevée dans la décision DCC 09¬087 du 13 Août 2009.

C’est cette dynamique que la commission présidée par le Professeur Ahanhanzo ¬Glèlè va reprendre et inscrire dans son projet de révision de la Constitution. Il s’agit d’une proposition novatrice qui doit être examinée sans apriorisme, sans tabou mais avec le seul souci de parvenir à assurer la sacralité de la personne humaine, la fondamentalité des droits et libertés protégés par la Constitution et surtout la cohérence de l’ordonnancement juridique de notre pays.

 Mais à l’étape actuelle de l’organisation juridictionnelle du Bénin et en raison de l’articulation insuffisante et imprécise des compétences du juge constitutionnel et du juge judiciaire, la Commission recommande de différer cette réforme importante. Elle doit être précédée d’une analyse de fond sur l’étendue des compétences du juge constitutionnel mais surtout de la répartition du procès des droits fondamentaux entre les deux hautes juridictions de notre pays. Sans ce débat fondamental, sans cette clarification préalable, l’institution d’un contrôle de constitutionnalité des décisions de justice créera une série de problèmes.

1. À titre d’exemple, on peut citer les décisions DCC 11-94 du I1 mai 1994 et DCC 98-017 du 11 février 1998.

2. Voir décisions DCC 11-94 du 11 mai 1994 et DCC 95-001 du 6 janvier 1995 de la Cour constitutionnelle du Bénin.

Si cette réforme est opérée en l’état, elle:

1. brouillera encore la lisibilité et la cohérence de notre ordonnancement

juridique;

2. exacerbera les risques de justice parallèle, de concurrence de compétences en matière de protection des droits fondamentaux entre le juge constitutionnel et le juge judiciaire;

3. engendrera des difficultés supplémentaires d’ordre juridique et juridictionnel;

4. compromettrait la garantie même des droits que l’on cherche à garantir;

5. poserait in fine le problème de la sécurité juridique de l’ordre constitutionnel.

C’est pour toutes ces raisons, que par précaution, la Commission a renoncé à aller dans la direction préalablement indiquée. Elle suggère en conséquence qu’une réflexion soit ouverte sur les voies juridictionnelles et les modalités susceptibles de mieux garantir la suprématie de la Constitution et la protection des droits et libertés.

3ème PROPOSITION: L’encadrement du droit à réparation ouvert par le juge constitutionnel

Non prévu par la Constitution, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle a progressivement consacré le droit à réparation consécutive aux violations des droits de l’homme. Mais cette avancée notée est pour l’instant privée d’effets. Car, il ne suffit pas d’ouvrir seulement droit à réparation, encore faudrait-il en fixer le quantum et en ordonner l’exécution si possible en recourant à des mesures de contraintes.

Si l’on ne dénie pas à la Cour constitutionnelle sa compétence en matière de protection des droits fondamentaux, il reste que ces décisions sont dépourvues de toute possibilité d’exécution forcée. De même, le défaut d’articulation et d’harmonisation avec le juge judiciaire prive l’office du juge constitutionnel et le citoyen du bénéfice qu’ils sont en droit d’attendre des décisions de la Cour.

En conséquence, la Commission propose d’inscrire formellement la faculté d’ouvrir droit à réparation dans la Constitution. Cependant, cette faculté reste encadrée par deux bornes: d’abord, l’ouverture de droit à réparation sera limitée aux seules violations des droits et libertés des citoyens imputables à la puissance publique; ensuite, la fixation du montant de la réparation est confiée au juge judiciaire.

4ème PROPOSITION: La limitation du procès des droits fondamentaux aux violations du fait de la puissance publique

Pour la Commission, l’encadrement de l’ouverture de droit à réparation doit annoncer l’assainissement du procès des droits fondamentaux devant la Cour constitutionnelle. La Commission propose que ce procès soit toujours ouvert aux citoyens mais il doit désormais être limité aux violations des droits et libertés imputables à la puissance publique. Les raisons qui ont poussé la Commission à cette rationalisation sont nombreuses. Les avantages qui en découleront aussi.

 Premièrement, les raisons. La Commission a estimé que les litiges opposant un particulier à un autre doivent être du ressort du juge judiciaire, juge traditionnel des libertés. Cet allégement de charges est dicté par la nécessité de désengorger la justice constitutionnelle des affaires domestiques. Elle sera exclusivement et entièrement orientée vers ce qui fonde son office en la matière, c’est-à¬-dire, la protection de l’individu et du citoyen contre la puissance publique ainsi que les excès, les abus et l’arbitraire auxquels l’exercice des charges publiques peut conduire.

Deuxièmement, les avantages. L’orientation des litiges individuels vers le juge judiciaire limite d’emblée les risques de justice parallèle. Ainsi, avec la nouvelle organisation, le citoyen dont les droits sont violés par un autre citoyen ne pourra s’adresser qu’au seul juge judiciaire.

Il n’aura plus, comme c’est actuellement le cas, le choix entre deux juges pour la même infraction. Ainsi, l’ordonnancement juridique de notre pays gagne en lisibilité et en cohérence. De même, la garantie de ces droits et libertés s’en sort davantage renforcée. Les violations des droits de l’homme et des libertés publiques protégés par la Constitution peuvent ainsi donner lieu à un procès et déboucher en cas de condamnation sur une réparation en bonne et due forme De ce point de vue, la rationalisation de la justice constitutionnelle que propose la commission doit être considérée comme un approfondissement de l’Etat de droit et un moyen supplémentaire de concrétisation du dessein du constituant de 1990.

CHAPITRE VI

DU RENFORCEMENT DES GARANTIES DE PERENNITE DÉMOCRATIQUE DU RÉGIME

Deux réformes peuvent contribuer à mieux consolider les garanties de pérennité du modèle démocratique béninois. Il s’agit de l’extension des normes intangibles et du contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles.

1ère PROPOSITION : L’extension du domaine des normes intangibles

Pour assurer à la Constitution du 11 décembre 1990 ses chances de survie, mais surtout pour garantir son équilibre, le constituant a élevé à l’article 156 quelques interdits. Il s’agit, au sens strict, de la forme républicaine du Gouvernement, de la laïcité de l’Etat. Ceux-ci s’imposent aux organes de révision de la Constitution qui ne pourront pas, dans le cadre de la mise en œuvre de l’ordre ainsi établi, les corriger ni les remettre en cause. Mais il est possible par une lecture extensible d’y inclure, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle, les options fondamentales issues des travaux de la Conférence nationale.

En tenant compte de ces options fondamentales autour desquelles il semble qu’un large consensus politique et social s’est dégagé, la Commission recommande de renforcer davantage les garanties de pérennité démocratique du modèle démocratique que notre peuple expérimente depuis plus de deux (2) décennies. Dans cette option, la Commission propose de rendre intangible, c’est-à-dire, insusceptible de révision sans qu’elle s’assimile à une fraude à la Constitution, deux points jugés vitaux pour la survie de notre modèle démocratique: Ce sont premièrement, la limitation à deux (2) du nombre de mandats présidentiels, deuxièmement, la garantie des droits fondamentaux inaliénables et inviolables de la personne humaine.

Désormais, si cette proposition rencontre l’adhésion du pouvoir constituant, 1’on pourrait proclamer qu’en tout état de cause, et tant que le Bénin est régi par la Constitution du 11 décembre 1990, aucune révision constitutionnelle ne peut remettre en cause la forme républicaine, la laïcité de l’Etat, mais surtout la limitation à deux (2) du nombre de mandats présidentiels et les droits fondamentaux inaliénables et inviolables de la personne humaine.

Au total, à la lumière de l’actualité politique de notre continent marquée par des révisions opportunistes de la Constitution, sources de régression démocratique, l’on peut raisonnablement soutenir que la stabilisation de ces normes constitue assurément une clause de sûreté démocratique supplémentaire qui empêche tout recul ou toute remise en cause des fondements essentiels du régime politique béninois.

2ème PROPOSITION : Le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles

Formellement, la Constitution du 11 décembre 1990 n’a pas organisé expressément le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles. La conséquence est qu’en principe, échappent au contrôle du juge constitutionnel, toutes les révisions qui sont apportées à la loi fondamentale. Que cette révision soit obtenue par voie parlementaire ou référendaire, qu’elle soit de bonne ou de mauvaise qualité, qu’elle marque un approfondissement de l’Etat de droit ou le démantèlement de ses principes fondamentaux, elle entre en vigueur sans que le juge de la constitutionnalité des normes ne puisse apprécier sa compatibilité avec l’ordre constitutionnel en vigueur, l’admettre ou la rejeter.

Cette incompétence du juge constitutionnel expressément organisée par notre loi fondamentale a heureusement été sans conséquence dommageable pour notre régime. Mais ailleurs, dans certains pays de la sous-région, la retenue du juge constitutionnel à l’égard des lois de révision constitutionnelle a été préjudiciable à la suprématie de la Constitution elle-même.

L’incompétence du juge en la matière a livré la Constitution aux envies et aux passions des acteurs politiques qui l’ont tournée et retournée dans tous les sens au gré de leurs intérêts partisans ou personnels et de la conjoncture politique. Cette manipulation sans mesure de la Constitution par le moyen de la révision est aujourd’hui la source principale des tensions et crises qui menacent la stabilité de ces pays.

Le Bénin y a échappé sans doute en raison de la retenue des acteurs politiques et de l’attachement de notre peuple à sa Constitution. Mais, est-il possible d’occulter sur ce sujet le rôle primordial joué par la Cour constitutionnelle dans la défense et la préservation de l’authenticité de notre modèle constitutionnel? L’on se souviendra que c’est par une interprétation créative que le juge béninois s’est auto habilité à contrôler la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle alors qu’aucun texte ne lui en donnait expressément compétence.

La décision du 08 juillet 2006 qui autorise le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles a permis de garder notre Constitution à l’abri de révisions opportunistes, d’une régression démocratique et, peut-être, de tensions politiques et sociales. Parce que le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles a dissuadé les acteurs politiques de toute révision de circonstance et montré son importance, la Commission recommande de l’instituer formellement. La réforme qu’elle induira comprendra deux modalités:

La première modalité consiste dans le contrôle de constitutionnalité des lois de révision constitutionnelle votées par le Parlement. Ainsi, tout amendement à la Constitution, quelle que soit son ampleur, opéré par voie parlementaire, doit au préalable avoir été déclaré conforme à la Constitution.

La deuxième modalité concerne les lois de révision constitutionnelle adoptées par voie référendaire. Elle consistera à soumettre au contrôle du juge constitutionnel, le projet de loi de révision constitutionnelle adopté par le Parlement, et qui va être soumis au peuple.

Ce contrôle préventif a un double avantage. D’abord, il préserve par anticipation, les valeurs fondamentales de la République, les normes et principes cardinaux de la Constitution. Ensuite, ce contrôle évite de censurer a posteriori la volonté du peuple au cas où celle-ci, dans son expression, remettrait manifestement en cause des points d’équilibre de la Constitution.

Au-delà de tout, il semble nécessaire, au regard des expériences récentes dam certains pays africains, de préserver la constitution de toute manipulation même par voie référendaire. C’est pourquoi, sans remettre en cause la souveraineté du peuple et son pouvoir de dernier mot en matière constituante, un contrôle de constitutionnalité du projet ou de la proposition de loi de révision devra être exigé avant la convocation du référendum.

Cette précaution juridictionnelle met le Bénin à l’abri de situations de manipulation du corps électoral et toute instrumentalisation du peuple dans la validation de choix illicites et controversés.

CHAPITRE VII

DU RENFORCEMENT DE LA STABILITÉ DU RÉGIME

La stabilité du régime peut être renforcée par une action combinée réalisant d’une part, l’allongement de la durée du mandat des députés et d’autre part, l’alignement des mandats du président de la République et des députés.

1ère PROPOSITION : L’allongement de la durée du mandat des députés

Le constituant de 1990 a fixé la durée du mandat des députés à l’Assemblée nationale à quatre (4) ans. Cette durée constitue dans la nomenclature institutionnelle du régime une exception, car la durée du mandat des autres institutions de la République est de cinq ans. Ainsi, président de la République, membres de la Cour constitutionnelle, président de la Cour Suprême, membres du Conseil Economique et Social, membres de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication exercent un mandat de cinq (5) ans. Seule la durée d’une législature est inférieure aux cinq (5) années imparties aux autres institutions de l’Etat.

Mais la disparité ainsi présentée trouve quelques éléments d’explication dans le renouvellement ou non de tous les mandats institués par le constituant de 1990. A l’exception de toutes les institutions de la République, seuls les députés à l’Assemblée nationale disposent d’un mandat renouvelable à l’infini. Le mandat du député est certes de quatre (4) ans, mais il n’est pas limité. Le député peut donc siéger sans discontinuité à l’Assemblée nationale tant qu’il bénéficie de la confiance des électeurs de sa circonscription.

C’est actuellement le cas de certains députés qui sont élus depuis la première législature, réélus à chaque élection et continuent de siéger à l’Assemblée nationale sans limitation. Les membres de la Commission se sont posé la question de la pertinence de la limitation ou non du mandat des députés. Si elle était adoptée, elle instituerait l’obligation d’alternance qui est appliquée rigoureusement au président de la République, mais aussi à toutes les autres institutions de la République. Un autre avantage de cette limitation, si elle était décidée, serait assurément de favoriser le renouvellement du personnel politique de l’Etat et la rotation des élites au service de notre pays, et partant, la respiration de la démocratie.

 Malgré l’intérêt de la question qui préoccupe vivement nombre de nos compatriotes, la Commission a décidé de ne pas en faire l’option, En revanche, la Commission propose de porter la durée du mandat des députés à l’Assemblée nationale de quatre (4) ans à cinq (5) ans. En raison des explications fournies plus haut, il ne s’agit pas de la réparation d’une quelconque injustice faite aux députés, mais plutôt d’une mesure qui s’insère dans une réforme institutionnelle dont la logique est le renforcement de la stabilité du régime.

2éme PROPOSITION L’alignement des mandats parlementaire et présidentiel

La proposition d’allonger le mandat des députés n’est pas séparable de l’alignement de la durée de la législature sur celle du mandat du président de la République. L’objectif poursuivi par la Commission est de faire coïncider les deux mandats, présidentiel et parlementaire, afin que le président élu puisse disposer d’une majorité soutenant son action tout au long du quinquennat.

La pratique politique du Bénin, de ces vingt-deux (22) dernières années, plaide pour cette réforme politique. En effet, l’on ne peut ignorer dans l’analyse du jeu politique et institutionnel sous le Renouveau démocratique que les élections législatives organisées à mi-mandat présidentiel ont souvent installé à l’Assemblée nationale une majorité d’opposition. C’est également le cas lorsque, par le jeu des partis politiques, la majorité parlementaire soutenant l’action gouvernementale s’érode au profit de l’opposition.

Il s’agit sans aucun doute d’une situation normale. On parlerait même d’une des phases politiques de la démocratie. Cependant, ce phénomène crée une discordance de majorités là où la collaboration entre l’Exécutif et le Législatif est pourtant nécessaire à la conduite de la politique gouvernementale.

Plusieurs des observateurs qui scrutent depuis 1990 les moindres figures politiques du modèle démocratique béninois, n’ont pas manqué de le souligner. Certains y voient la preuve de l’indépendance et de la vitalité du Parlement béninois. D’autres parlent de guérilla parlementaire pour désigner les conflits institutionnels et les tensions politiques générés par la contradiction de majorités politiques au sein de ces deux institutions de l’Etat. Au-delà de tout, particulièrement de la vitalité de notre modèle qui a réussi à gérer ces épreuves démocratiques, il convient de faire deux observations et une proposition:

La première observation est que l’articulation des institutions de la République impose un régime présidentiel. Mais ce régime présidentiel, conçu à la base pour supporter la primauté d’un chef d’Etat capable de gouverner seul, subit parfois une parlementarisation conjoncturelle. Il est arrivé trop souvent que, privé de majorité stable et homogène au Parlement, le président de la République et son Gouvernement soient contraints de subir les orientations politiques de leur opposition, sans aucun recours possible.

La deuxième observation est qu’il est souvent arrivé que, majoritaire au Parlement, l’opposition n’ait pas été capable d’empêcher le chef de l’Etat de gouverner ni d’avoir une influence décisive sur la conduite de la politique nationale. C’est une différence fondamentale avec certains régimes où la majorité au Parlement confère le droit de déterminer et/ou de conduire la politique de la Nation. Dans la plupart des cas déjà produits sous cette République, le chef de l’Etat a eu recours, parfois dans des conditions discutables, soit aux pouvoirs de crise prévus à l’article 68 de la Constitution, soit à l’arbitrage de la Cour constitutionnelle, pour contourner la majorité parlementaire.

Ces périodes de contradiction de majorités sont généralement source de tensions politiques et constituent une épreuve pour la stabilité du régime. Elles peuvent également être interprétées comme un frein à l’efficacité de l’action publique qui pâtit de la confrontation politique et parfois du blocage qu’il induit.

C’est au regard de ces considérations que la Commission propose d’aligner les deux mandats pour réduire les risques de contradiction de majorités. Si cette proposition était acceptée, combinée à celle de l’allongement du mandat des parlementaires, les deux élections pourraient s’organiser l’une à la suite de l’autre ou concomitamment pour permettre au chef d’Etat élu de solliciter la majorité nécessaire à la mise en œuvre de sa politique.

CHAPITRE VIII

DE LA CONSTITUTIONALISATION DE NOUVELLES INSTITUTIONS

La création de certaines institutions fait aujourd’hui l’unanimité quelles que soient les sensibilités politiques. Il en est ainsi de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) dont l’implantation dans le paysage institutionnel du Bénin est incontestable. La Cour des comptes aussi s’impose aujourd’hui pour plusieurs raisons. Quant au Médiateur de la République, son inscription dans la Constitution apparait comme la reconnaissance de son utilité.

1ère PROPOSITION : DE LA CONSTITUTIONNALISATION DE NOUVELLES INSTITUTIONS

La création d’une Cour des comptes est une obligation prévue dans le cadre de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). LA Commission a retenu l’essentiel des travaux de la Commission présidée par le Professeur Ahanhanzo-Glèlè, conformément aux engagements pris par le Bénin dans le cadre de l’UEMOA. Une loi organique déterminera l’organisation, le fonctionnement et les attributions de la nouvelle juridiction.

Les attributions de la juridiction des comptes couvrent un champ large et emportent des responsabilités lourdes que cette juridiction ne peut exercer objectivement en étant sous la dépendance de l’un ou l’autre des pouvoirs.

La Chambre des comptes, au regard des dispositions de l’article 99 de la Constitution, doit apurer les comptes de l’Etat. Elle est chargée, sur la base de l’article 52 de la Constitution, de recevoir les déclarations écrites de tous les biens et patrimoine du président de la République et des membres du Gouvernement et de les contrôler.

L’article 4 de la loi n° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes charge en outre la Chambre des Comptes de la Cour Suprême de recevoir et d’assurer le contrôle des déclarations de patrimoine des personnalités et hauts fonctionnaires de l’Etat.

Compte tenu de l’importance et de la complexité du mandat de la juridiction des comptes, la commission de l’UEMOA a pris un certain nombre de mesures, tout d’abord, à travers l’article 68 du Traité de l’UEMOA signé le 10 janvier 1994 par les Chefs des Etats membres qui porte deux mentions sur lesquelles il est important de revenir.

Premièrement, le traité précise qu’afin d’assurer la fiabilité des données budgétaires nécessaires à l’organisation de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires, chaque Etat membre prend, au besoin, les dispositions nécessaires pour qu’au plus tard un (1) an après l’entrée en vigueur du Traité, les comptes puissent être contrôlés selon des procédures offrant les garanties de transparence et d’indépendance requises. Ces procédures doivent notamment permettre de certifier la fiabilité des données figurant dans les lois de finances initiales et rectificatives ainsi que dans les lois de règlement.

Deuxièmement, en l’absence d’une juridiction financière autonome nationale, le traité prévoit le recours soit au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes de l’UEMOA, soit à un système d’audit externe. Pour ne pas subir l’intervention d’un organe d’audit externe sur les comptes de l’Etat béninois, la Commission recommande la création de la Cour des comptes.

A l’appui du traité, la directive 02/2000 du 29 juin 2000 portant code de transparence des finances publiques prescrit également que les Etats membres de l’UEMOA doivent créer des juridictions financières autonomes au plus tard le 31 décembre 2002.

Par ailleurs, les nouvelles directtives portant cadre harmonisé des finances publiques adoptées le 26 juin 2009 ont rappelé cette obligation et invité les deux Etats de l’UEMOA en retard, c’est-à-dire, le Bénin et le Mali, à réviser leurs textes constitutionnels et législatifs pour se conformer aux directives communautaires et permettre à leur juridiction financière respective d’assumer pleinement leur mission de juge des comptes des comptables publics, d’assistance à l’Assemblée nationale dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et le contrôle des comptes de campagne électorale, etc.

Au-delà de ces considérations, il convient de souligner que la fiabilité des finances publiques d’un pays se mesure à travers la capacité de l’institution suprême de contrôle des comptes de la nation à exercer son mandat de manière autonome et transparente. Avec cette réforme, le droit communautaire trouve un socle constitutionnel dans l’ordre juridique béninois.

2ème PROPOSITION : La constitutionnalisation de la CENA

Au Bénin, la question de la Commission Electorale Nationale Autonome (CE NA) a été tranchée par une décision de la Cour constitutionnelle en 19941. Depuis lors, on peut considérer qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour et de la pratique démocratique du Bénin une position qui consiste à soutenir que la CENA a acquis une existence et une utilité indiscutables dans l’administration électorale du Bénin sous le Renouveau démocratique. Cependant, il subsiste au bilan de la CENA, plusieurs interrogations désormais ravivées par l’expérience récente de quelques pays.

La première interrogation. Si depuis 1994, soit près de vingt (20) ans après son institution, les Béninois, toutes tendances confondues, ne se posent plus la question de la nécessité de cet organe, il reste que la réflexion sur sa nature fait encore l’objet de vifs échanges.

La CENA doit-elle garder sa vocation d’organe politique ou se chercher une destination technique?

1- Décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994

La technicité progressive et de plus en plus croissante des opérations électorales a en effet amené nombre d’observateurs à se demander s’il n’est pas plus approprié de faire de la CENA un organe de techniciens et de managers des élections.

La tentation est d’autant grande que la politisation de la composition de la CENA qu’a choisi le législateur béninois en 1994 pour viser la transparence et la sincérité des scrutins a ouvert une ère d’interrogations nouvelles. Plusieurs problèmes se sont alors posés. La Commission en présente deux.

– Au Bénin, mais aussi dans la plupart des pays africains qui ont adopté le modèle d’une Commission autonome, l’indépendance de la commission à l’égard des formations politiques qui en ont désigné les membres fut immédiatement mise à l’épreuve.

– De même, la fiabilité des résultats est mise en doute dès lors qu’ils pouvaient être une vérité politique, proclamée par le bloc partisan majoritaire au sein de la Commission contre celui minoritaire.

Ces difficultés ont ainsi tôt fait de convoquer à la réflexion des institutions de la République, des partis politiques et de tous les acteurs impliqués dans la gestion des élections, la question de la nature de cette Commission en charge des élections. Et l’illustration la plus édifiante de l’urgence de la réforme est donnée par les différentes crises électorales observées à l’occasion des scrutins présidentiels tant au Bénin qu’en Afrique noire francophone.

La deuxième interrogation. C’est la composition de la Commission. Doit-elle être resserrée comme c’est le cas dans certains pays modèles en la matière? Ou plutôt devra-t-elle être davantage élargie pour prendre en compte la nécessité de la représentativité de toutes les composantes politiques? Ces deux questions, si l’on y répond, permettront de donner corps à la réforme de la CENA. Notre Commission a ébauché quelques a proches de solution.

Concernant la nature de la CENA, notre Commission propose que la CENA garde sa vocation politique, mais s’ouvre au besoin de sa technicité. Sa définitive, la CENA sera un organe à la fois politique et technique. Et sa composition ne serait ni trop restreinte ni trop élargie.

En effet, la confiance des acteurs politiques en la CENA est ici un élément crucial. Elle découle de la vocation originelle de l’organe. Si sa mission principale est sans doute l’organisation de l’élection, il ne faut pas perdre de vue la finalité de sa création. Dans la motivation de sa décision du 23 décembre 1994, la Cour constitutionnelle a rappelé que « la création d’une Commission électorale indépendante est une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne; qu’elle permet, d’une part, d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté et la transparence des élections, et d’autre part, de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques. » C’est la raison pour laquelle, tout en rendant la CENA permanente et en renforçant sa capacité à faire face aux défis de la technicité des élections, notre Commission a jugé indispensable d’en conserver la vocation politique.

Quant à la composition de la CENA, notre Commission propose que la CENA soit composée de sept (7) membres désignés essentiellement par les acteurs politiques pour un mandat de sept (7) ans non renouvelable.

Les autorités de nomination sont le président de la République et l’Assemblée Nationale. Plusieurs nouveautés sont ici remarquées: d’abord, on note la place primordiale accordée à l’opposition et à la majorité parlementaires. Elles désignent chacune trois (3) des six (6) membres accordés au Parlement.

Ensuite, cette représentativité est quasiment égalitaire.

Enfin, ce mode déroge aux différentes modalités de désignation au Parlement qui ont consacré la représentation proportionnelle des forces en présence au Parlement. Pour asseoir la crédibilité de la CE A, la confiance des acteurs politiques et/ou des candidats en ses résultats, la Commission est convaincue qu’il convient de jouer sur le levier de la juste et égale représentativité des principales formations politiques.

En conséquence, le président de la République ne nommera qu’un seul membre, le financier. La Commission propose de sortir la société civile du processus afin qu’elle s’investisse davantage dans l’observation et le contrôle de l’élection, mais surtout pour qu’elle ne soit pas à la fois juge et partie.

En somme, la constitutionnalisation de la composition de la CE NA la met à l’abri des révisions législatives récurrentes à la veille des échéances électorales et assure à l’organe sa pérennité dans notre système politique.

3ème proposition : La constitutionnalisation du Médiateur de la République

Cette institution ne juge pas mais intervient délicatement pour faire sauter quelques goulots d’étranglement dans les relations entre l’administration et le citoyen. Dans le cadre de l’UEMOA, le Bénin était le seul à ne pas en avoir comme nous avions négligé de le faire pour la Cour des comptes. Le Médiateur se présente comme un défenseur des droits des citoyens face à une administration omnipotente.

CHAPITRE IX

DES AUTRES PROPOSITIONS

Plusieurs autres propositions sont faites dans le cadre de cette étude1, Il s’agit notamment de :

1. L’organisation des élections sur la base de la Liste Electorale Permanente Informatisée (article 4 nouveau), telle que préconisée par l’Union africaine, la CEDEAO et l’Organisation internationale de la francophonie;

2. L’affirmation de la place de l’opposition en tant que pilier essentiel de la démocratie (article 5 nouveau) avec pour conséquences le choix d’une représentation équitable de la majorité et de l’opposition dans le bureau de l’Assemblée nationale (article 81 nouveau) et le renforcement du contrôle de l’action gouvernementale avec l’institution des questions aux gouvernements deux séances au moins par mois (article 113 nouveau);

3. La protection constitutionnelle des données personnelles (article 8 nouveau);

4. Le principe de la gratuité de l’enseignement dans les écoles publiques et l’extension progressive de cette gratuité dans les autres ordres d’enseignement (article 13 nouveau)

5. Le droit à un procès dans un délai raisonnable (article 17 nouveau);

Le droit pour un gardé à vue de se faire examiner par le médecin de son choix et la limitation de la détention préventive aux fins de la manifestation de la vérité (article 18 nouveau);

6. Le parrainage des élus locaux et nationaux du candidat à la magistrature suprême ainsi que le paiement d’une caution raisonnable pour réaliser un équilibre entre la nécessité d’éviter les candidatures fantaisistes et celle de rendre accessible le poste aux personnes compétentes et appréciées par leurs compatriotes sans pour autant apparaître comme un gouffre financier ou une compétition réservée exclusivement aux plus riches (article 44 nouveau) ;

7. L’insertion du délai maximum de 15 jours entre la proclamation des résultats

8. L’insertion du délai de forclusion pour éviter les désistements de dernière minute; ainsi au-delà de 48 heures après la proclamation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, aucun désistement ne peut être admis

9. L’extension de la catégorie des auteurs de renversements de régimes constitutionnels aux civils et autres organisations qui se livreraient à des changements anticonstitutionnels de gouvernements (article 65 nouveau) ;

10. Le droit de message annuel du président de 1a République est désormais circonscrit à la première quinzaine du mois de décembre. (article 72 nouveau);

11- La rationalisation de l’activité de l’Assemblée nationale avec l’insertion constitutionnelle des dates d’ouverture des sessions et leur durée maximale (article 86 nouveau) ;

12. L’extension du domaine de la loi à d’autres matières (article 97 nouveau) ;

13. La prise en compte de l’équilibre budgétaire (article 98 nouveau) ;

14. L’encadrement des conditions et délais de ratification des accords de prêts et des dons de manière à lever les blocages dès lors que l’urgence est signalée par le Gouvernement (article 107 nouveau) ;

15. Le contrôle de constitutionnalité de la loi est désormais clarifié. D’abord, une distinction est établie entre les cas dans lesquels la Cour constitutionnelle est obligatoirement saisie et ceux où sa saisine est facultative (article 117 nouveau).

Ensuite, la Cour constitutionnelle est désormais compétente pour statuer sur la constitutionnalité des lois ou des textes réglementaires qui portent effectivement atteinte aux droits et libertés fondamentaux et elle statue dans un délai relativement court dès qu’il y a atteinte à ces droits et libertés (article 121 nouveau) ;

16. L’affirmation constitutionnelle de l’indépendance des juges dans la conduite de leurs dossiers et le prononcé de leurs décisions. Ce principe est prévu dans le Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance1 et dans la Charte africaine de la démocratie, la bonne gouvernance et les élections;

17. Le contrôle de la conventionalité des lois, c’est-à-dire, le contrôle de la conformité des lois aux traités internationaux dont est partie le Bénin, est expressément reconnu au juge ordinaire (article 157 nouveau) ;

Au total, avec l’ensemble des modifications suggérées, la Commission propose la reformulation minime ou substantielle de soixante-quatorze (74) articles de l’actuelle Constitution et l’insertion de 13 nouveaux articles.

CHAPITRE X : RECOMMANDATION SUR LA DEMARCHE DE LA REVISION

Depuis son adoption, la Constitution du 11 décembre 1990 n’a fait l’objet d’aucune modification1. Dès lors, le projet de sa révision soulèvera nécessairement des questions, rencontrera des résistances et interpellera les citoyens et les partis politiques. C’est pour cela que notre Commission suggère qu’avant le déclenchement de la procédure de révision, les pouvoirs publics adoptent une démarche pédagogique qui consisterait à communiquer, médiatiser et faire débattre sur la nécessité de la révision et les propositions retenues.

Cette démarche pédagogique est justifiée par trois paramètres: d’abord, historique, ensuite normatif et jurisprudentiel et enfin démocratique. Sur le plan historique, les conditions d’adoption de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 ont été celles du consensus de toute la classe politique autour des valeurs démocratiques. Est-il besoin de rappeler que dans ces conditions économiques et politiques douloureuses, la mise en place d’une instance consultative chargée de proposer des réformes constitutionnelles s’est faite dans un esprit d’ouverture, de discussion puis de conciliation?

 En effet, si la Conférence nationale des forces vives tenue du 19 au 28 février 1990 a été un succès, c’est en partie parce que, d’une part, le Président Kérékou a su libérer ia parole en ouvrant cette conférence à la multitude des courants de la société civile et politique béninoise qui pouvaient à cette occasion s’exprimer librement, et que, d’autre part, la plupart des décisions que la Conférence fut appelée à prendre ont donné lieu à des débats parfois vifs, souvent passionnés mais très ouverts et enrichissants.

Se fondant sur cette concertation populaire large, le Haut Conseil de la République a préparé le projet de Constitution en tenant compte des principales options retenues lors de ladite conférence. La Constitution adoptée par le peuple béninois par référendum du 2 décembre 1990 symbolise dès lors la vision de tout un peuple qui, après avoir débattu d’un destin commun, s’est rassemblé autour des valeurs démocratiques, mettant fin ensemble au régime révolutionnaire.

Sur le plan normatif et jurisprudentiel, en érigeant le consensus national comme principe de valeur constitutionnelle, le juge constitutionnel béninois a entendu lier toute révision constitutionnelle à l’existence de ce consensus: « la détermination du peuple béninois à créer un État de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national1 »

Sur le plan régional, la participation populaire aux prises de décisions est aussi retenue dans les principes de convergences constitutionnelles du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance2. Enfin, sur le plan continental, l’exigence du consensus national est reprise dans la Charte africaine de la démocratie, la bonne gouvernance et les élections. Cette dernière prévoit que « Les Etats parties doivent s’assurer que le processus d’amendement ou de révision de leur Constitution repese sur un consensus national comportant, le cas échéant, le recours au référendum »3; ce qui renforce notre conviction sur cette démarche consensuelle et participative.

Sur le plan démocratique, rien n’apparaît plus souhaitable, pour la Commission qui propose l’approfondissement de notre démocratie par l’introduction de la démocratie participative, que d’intéresser individuellement et collectivement les citoyens à un projet de révision de la Constitution, base de notre projet commun. Le droit d’accès à l’information est intrinsèquement lié à la démocratie participative, car il faut être bien informé pour mieux décider.

Pour décider en toute connaissance, le débat est nécessaire. Des échanges participatifs pourraient donc être organisés pour confronter les points de vue, affiner la réflexion, sensibiliser les citoyens, enrichir le projet et susciter leur adhésion au projet commun. Ces derniers, individuellement et collectivement informés, pourront alors participer au choix final des solutions adaptées et se prononcer en temps opportun. C’est pour cela qu’il faut susciter un débat public ouvert et démocratique.

C’est au regard de ce qui précède que notre Commission propose que le présent rapport sur l’étude de la Constitution du 11 décembre 1990 soit largement diffusé, que les pouvoirs publics, les partis politiques et les citoyens s’en saisissent pour que chaque Béninoise et chaque Béninois puisse participer activement au débat sur la modification de notre Loi fondamentale.

Telles sont les propositions de révision que la Commission a jugé utiles de soumettre à l’appréciation du Président de la République afin qu’elles contribuent à consolider les acquis démocratiques qui font la fierté de notre pays.

Le Président de la commision

Joseph Gnonlonfoun

La Suite dans nos prochaines parutions

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