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Le triomphe de la vérité

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Entretien exclusif avec l’artiste de la musique traditionnelle, Loukou Michel, le roi du zinli rénové:Alèkpéhanhou fait des révélations sur sa vie et ses déboires d’artiste


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Alèkpéhanhou: «Tout ce qui se passe ici, sous les cieux n’est jamais du hasard...»

Dans la Cour de sa maison à Zogbohouè (un quartier de Cotonou), Alèkpanhou, surnommé le roi du zinli rénové nous accueille. Pagne noué aux hanches comme un bon fils d’Abomey, il accepte nous parler à cœur ouvert de sa vie. Sans tabou ni langue de bois, cet artiste de la musique traditionnelle adulé par le public béninois ouvre un coin de voile sur les péripéties de sa vie d’enfant unique bien qu’il soit le benjamin de sa famille. De sa carrière d’instituteur et de ses débuts dans la vie artistique, l’homme en parle. Nos discussions n’épargnent guère sa vie de polygame.

L’Evénement Précis: A partir de quand avez-vous commencé par chanter ?

Alèkpéhanhou: Je chante depuis mon enfance. Je dirai que je suis né dans la chanson, comme je l’ai toujours répondu à vous journalistes. Je suis d’un père chanteur, benjamin de la famille. Mon enfance est baignée dans la chanson. Depuis le bas âge, j’ai commencé par chanter, j’ai animé beaucoup de rythmes traditionnels de chez nous. Quand j’étais enfant, lorsqu’il y avait un groupe kaléta dans mon quartier, c’est moi qui en étais le chanteur, lorsqu’il y avait aussi un groupe zangbéto, c’est toujours moi qui en étais le chanteur. J’ai même fondé un groupe tchingounmè quand j’étais élève. C’est par la suite que dans les années 80, j’ai fondé mon propre rythme zinli par rapport auquel vous me connaissez maintenant.

Autrement dit, au départ, vous faisiez du rythme « Tchingounmè ?

Oui je faisais du tchingounmè au départ.

C’était en quelle année ?

C’était entre les années 70 et 75 par là.

Comment fonctionnait ce premier groupe que vous avez fondé?

C’était fondé par plusieurs jeunes de mon âge et j’en faisais partie. On nous invitait pour animer des cérémonies, on jouait beaucoup dans le temps. Je faisais ceci simultanément avec mon cursus scolaire. J’étais élève quand je le faisais.

En quelle année avez-vous posé vos premiers pas à l’école ?

C’était en 1965

Où ?

A Lèlè, un village d’Abomey dans une école Catholique fondée par les missionnaires dont j’étais l’un des premiers élèves accueilli.

Avez-vous fait la maternelle ou bien vous avez directement commencé le Cours d’Initiation (CI) ?

On ne parlait même pas de maternelle en ce moment là de façon systématique comme c’est le cas maintenant. J’étais né en 1957 et c’est en 1965 par là que j’ai commencé les classes. Vous constatez donc que j’avais dépassé l’âge de commencer les classes. Et c’est grâce donc à l’initiative de ces missionnaires que j’ai pu me faire scolariser.

 De tous les enfants de mon père, j’étais le seul à être mis à l’école. Vous voyez ce que ça veut dire. Je n’étais même pas prédestiné à mettre pied à l’école comme c’est le cas chez mes grands frères, et mes grandes sœurs. Donc la destinée a fait que quand l’école a été bâtie par les missionnaires, les prêtres ont approché mon père et il a eu la bonne volonté de me mettre à l’école.

Autrement dit, les missionnaires ont convaincu votre père de la nécessité de vous mettre à l’école. Sinon, la scolarisation des enfants n’était pas systématique à l’époque.

Je dirai que mon père s’est plutôt lui-même convaincu. Personne ne l’a convaincu. Pour la petite histoire, retiens ceci : mon papa, griot qu’il était, chantait pour le roi Aho. Il avait cette mentalité dont tu viens de faire cas. C’est-à-dire qu’il n’avait pas l’ambition de mettre ses enfants à l’école. La preuve en est qu’aucun de mes grands frères ni de mes grandes sœurs n’avait mis pied à l’école comme je venais de le dire.

Mais au moment où lui il affichait cette réticence pour l’école du Blanc, il y avait mon grand père maternel qui malgré qu’il soit aussi griot, mettait pourtant ses enfants, c’est-à-dire mes oncles à l’école. La preuve, la société Mini prix, c’est mon oncle Agossa Christophe qui l’a. C’est donc grâce à l’ingéniosité, à la bonne volonté de mon grand papa maternel que lui et mes autres oncles sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui. Donc lorsque mon grand père mettait ses enfants à l’école, mon papa n’y croyait pas. Et c’est quand ça a commencé par porter des fruits qu’il s’est dit en réalité que cela doit être nécessaire.

 Qu’est-ce qui a en réalité convaincu mon père ? Ces oncles dont je parle n’avaient pas trop évolué dans le temps. Pour avoir eu tout simplement le Certificat d’Etude Primaire Elémentaire (CEPE), ils sont devenus de grands cadres comme c’est le cas à l’époque. Ils ont été donc embauchés dans des sociétés et ont commencé par gagner leur vie mieux que ceux qui n’ont pas fréquenté et qui sont restés à la campagne. Ce constat, mon père m’en a fait part.

Il disait : le père de ta mère Agossa Zoti, quand il le faisait, moi je n’y croyais pas. Mais voilà ses enfants qui sont en train de devenir de grandes personnalités, il faut que je te mette aussi à l’école. C’est en cela qu’il a été motivé. C’est pour vous dire que personne ne lui a prodigué des conseils. Il a voulu que j’emboite le pas à mes oncles maternels.

Parlez-nous de votre cursus jusqu’au moment où vous avez pris la décision de vous adonner de façon pratique à la musique.

Vous voyez, moi, ce n’est pas pour rien que j’ai la crainte de Dieu. Ma philosophie est ceci : tout ce qui se passe ici sous les cieux n’est jamais du hasard. Parce que quand j’ai mis pied à l’école, mon évolution, la facilité avec laquelle j’assimilais m’a prouvé qu’il y a un Dieu suprême qui m’avait déjà prédestiné à cela. J’assimilais bien, j’avais pris goût aux études. Pour la petite histoire, ce n’est pas comme maintenant où vous allez à l’école et vous vous asseyez sur des bancs.

Nous autres, on a commencé à nous asseoir sur des troncs de palmiers abattus. Ce qui a été plus commode après, ce sont les troncs de cocotiers. Puis plus tard des bancs de fortune qui sont faits de bois fourchus enfoncés dans le sol auquel on ajoute des branches de palmes tissées. Ce sont donc des étapes que nous avons franchies. Mais ça ne m’a pas indisposé à abandonner les classes. Et lorsque vous fréquentez du CI au CE1 à Lèlè là, la paroisse Bon Pasteur vous accueille à Adandokpodji.

Ce n’est pas à moins de 7 à 8 kilomètres de mon village. Donc j’ai fréquenté du CI au CE2 là et quand tu accèdes au CE2, ou du moins que tu pars à l’Ecole Catholique de la paroisse Bon Pasteur d’Abomey, tu es considéré comme un collégien, un grand quoi. Donc nous, à cette allure là en 1968 par là on avait commencé rapidement nos études à partir de CE2 à l’école catholique paroisse Bon Pasteur d’Adandokpodji. On y allait à pied et on va les matins puis on revient les soirs.

Pour ce qui concerne le petit déjeuner par exemple quand j’étais à Lèlè dans mon village, c’est un (1) franc qu’on prenait sinon deux francs au plus. Comme les mamans sont prêtes pour gâter les enfants, maman m’ajoute un au deux francs que papa me donnait. Quand je prenais trois francs, ah ya ya! c’était la fortune. Arrivé à l’école catholique d’Adandokpodji, je prenais six (6) francs pour rester à l’école du matin jusqu’au soir. Donc la période était bonne, la vie n’était pas aussi chère que maintenant. Rends-toi compte, la boule d’akassa était à trois pour cinq francs. Une boule d’akassa coûtait un franc.

 Quand j’ai commencé à prendre dix francs, ah ! c’était de la fortune. Donc j’ai évolué comme ça, je n’ai pas affiché de mauvaise volonté durant tout mon parcours scolaire. J’ai bien fini là et c’est à la Mission catholique de Houndjroto à Saint Pierre et Paul que j’ai eu mon CEPE. Je suis donc boursier puisque j’avais eu mon entrée en 6ème et je pense bien que c’est entre 1973-1974 que j’ai accédé au collège. C’était comme sur des roulettes. Je n’ai pas connu de difficultés particulières. La bonne volonté m’a vraiment aidé à avoir mon BEPC. Et c’est en 1980 que j’ai commencé par tenir la craie.

 Bon ce n’était pas par paresse ou par mauvaise volonté mais quand j’allais abandonner le collège pour devenir instituteur, mes professeurs se sont plaints. Ils disaient : Avec toute cette intelligence, que vas-tu faire dans l’enseignement primaire. Mais c’est moi seul qui savais ce que je vivais. Retiens que quand j’avais le CEPE, mon papa est décédé. C’était en 1973. J’étais donc seul face à la situation.

Mais vous auriez pu continuer puisque vous aviez tantôt affirmé que votre maman vous aidait aussi?

Une maman qui ajoutait un (1) franc à deux autres, qu’est-ce qu’elle pouvait ? Elle n’avait pas les possibilités financières pour faire face aux obligations du collège. Il faut retenir aussi qu’au collège, ce sont les secours scolaires que nous recevions qui m’aidaient pour le payement de la contribution.

Ça s’élevait à combien ?

Le secours scolaire, c’est 15000F. Ça couvrait à peine les contributions scolaires. Je te dis que je suis un enfant de pauvre. Même au collège, il n’y avait personne pour m’acheter de livre d’anglais ni de mathématique. Je m’abonnais, je me débrouillais cahin-caha et pourtant j’étais le premier de ma classe. Vous pouvez vous renseigner. Ce n’est pas qu’Alèpkéhanhou raconte n’importe quoi après avoir abandonné les classes. J’étais régulièrement premier de ma classe de 6ème jusqu’en 3ème. Mes camarades de classe m’en savent gré.

On peut donc affirmer que vous avez abandonné les études à cause du décès de votre père.

Depuis 1973 jusqu’en 1979, j’ai tenu quand même. Mais j’ai fait de ces petits calculs là qui m’ont montré la voie à suivre. C’est-à-dire que je me suis dit que si je devenais instituteur, j’avais encore la possibilité d’étudier d’une manière ou d’une autre. L’histoire est longue, mon cher. Je vais épargner certains aspects de mon histoire.

Je m’étais abonné à un organisme qui était quelque part en Europe où on étudiait par correspondance. J’avais bien commencé et je recevais de bonnes notes mais les frais étaient si exorbitants que j’avais dû abandonner. C’est pourquoi je disais tantôt au cours de notre entretien que moi je crois beaucoup à l’Etre suprême, créateur du ciel et de la terre. Si lui il décide de quelque chose, c’est comme ça que cela se réalise. Sinon, j’aurais pu avec la volonté que j’ai affichée depuis la mort de mon père jusqu’à avoir mon BEPC, persévérer. J’aurais pu supporter, en tout cas bien finir mes études.

 Si toute inspiration que nous avons dans la vie venait de l’Etre suprême, donc il m’a nécessairement insufflé l’idée de prendre par-ci par-là. Si j’avais abordé une autre corporation autre que celle d’instituteur, si j’étais devenu docteur en quelque chose comme ça, me verriez-vous exécuter le rythme par rapport auquel vous me connaissez ? Donc comprenez que si la destinée vous conduit sur un chemin, vous ne pouvez-vous dérober à cela.

Vous avez tantôt dit que le premier groupe que vous aviez fondé était du rythme tchingounmè. Pourquoi avez-vous alors senti la nécessité de le changer pour aller embrasser le Zinli?

Merci. La question est bienvenue. Vous savez, de ma vie, j’aime la réussite totale. Tchingounmè n’est pas un rythme fon. Je me suis dit que je n’avais pas une grande chance de réussir dans Tchingounmé que dans un rythme de chez moi. C’est pourquoi j’ai abandonné ce rythme en faveur du Zinli.

Avez-vous commencé le Zinli avec le groupe du Tchingounmè ?

Pas du tout. Si tu changes de milieu, il faut également changer de collaborateurs. C’est selon le milieu où tu fondes le groupe que tu as des gens pour t’accompagner.

En quelle année avez-vous alors commencé le rythme Zinli au détriment du Tchingounmè?

A partir de 1980, je me suis senti détenir des atouts pour faire le Zinli. C’est en 1980 que j’ai commencé par avoir des inspirations pour composer des chants du rythme Zinli. Donc en 1982, à l’Ecole normale d’instituteur de l’Atlantique dans le cadre des activités coopératives, moi j’ai demandé aux autorités de l’établissement que je pouvais faire un rythme et ils m’avaient donné de l’argent puis je suis parti payer les instruments de Zinli. Donc en 1982 déjà j’étais le chanteur de Zinli de cette école là à Gbégamey. C’est à l’ENIA de l’Atlantique. Et mes camarades, je veux dire les élèves instituteurs comme moi et toutes les autorités m’encourageaient. Ils disaient : mais avec tous ces talents là, ne laisse pas tomber la chose. Donc aussitôt sur le terrain, j’ai pensé à fonder mon groupe.

Si je vous comprends bien, lorsque vous aviez fondé le groupe de Zinli, vous étiez déjà à Cotonou ?

Pas déjà à Cotonou. Vous savez, les deux ans de jeune instituteur révolutionnaire, je les ai passés à Gbèzounmè, un coin au-delà de Ouidah. Sorti de l’école, ils m’ont affecté aussi à Nangbo une localité située bien après Zinvié. En tout, c’est à plus d’une dizaine de kilomètres de Zinvié. Je profitais des moments de congé pour venir entrainer les gens à Cotonou. Donc c’est pour bien me consacrer à la chose que j’ai vite pris mon affectation pour bien asseoir le rythme.

Qu’est-ce qui vous a alors amené à abandonner la craie alors que vous joigniez bien votre carrière d’enseignant et celle d’artiste ?

Mon ambition était de conjuguer les deux. C’est-à-dire être artiste et continuer à enseigner. Mais il faut vous dire que la révolution à l’époque nous a profondément déçus. C’était une période d’intenses crises où les fonctionnaires manquaient de salaire et l’année a été blanchie. Quelque part, moi j’avais déjà commencé ma vie d’artiste et ça me rapportait déjà. Et jaloux que nous sommes les uns des autres dans le pays, on a voulu me balancer loin du lieu où j’exerce cette activité culturelle. Ainsi en m’affectant, on n’a pas tenu compte de mon avis. Et comme je pressentais cela et que déjà le programme de départ volontaire était en cours, j’ai vite adhéré à ce programme pour éviter de perdre des deux côtés. Je ne voulais à aucun prix quitter Cotonou. Autrement, je perdais mon groupe.

Pour être précis, on pourrait dire que vous avez choisi sacrifier l’enseignement pour la musique.

C’est cela.

Etiez-vous sûr de mieux réussir votre vie en tant qu’artiste que fonctionnaire d’Etat ?

Les collègues enseignants n’ont qu’à beaucoup m’excuser. Qu’est ce que j’aurais pu gagner dans l’enseignement si je continuais, et que je n’ai pas réalisé aujourd’hui, à cette étape de ma vie? Tiens-toi tranquille. J’avais pesé le pour et le contre avant de prendre ma décision. Si je n’avais pas pesé le pour et le contre, je n’allais pas faire mon entrée dans l’enseignement. Si j‘en étais sorti, c’est parce que j’ai également pesé le pour et le contre.

Quand avez-vous sorti votre premier album ?

Mon premier album était sorti en 1986 par là. Il y avait 6 chansons. Je ne me souviens que de deux morceaux à savoir La poule aux œufs (kokolo azinnon) et La mort enragée (yonnou gbèmi mayi djè houèkpo kouwliman). Il y a longtemps que je l’ai fait. Je ne me souviens donc nettement que de deux morceaux et encore sur cassette.

N’avez-vous pas fait l’expérience des disques ? Avez-vous directement commencé avec les cassettes et les CD ?

Justement. Je suis entré dans la musique quand la période des disques était à l’agonie. Sinon, j’aurais pu faire mon premier disque avec « Cabaret Castor » qui avait reçu de moi une œuvre en prémaquette qu’il avait écoutée et il était d’accord pour m’amener en studio au Nigéria. Comme il connaissait déjà un certain déclin, il connaissait quelques problèmes financiers, il me le promettait toujours sans que jamais cela ne soit fait. J’ai beaucoup trainé. C’est dû au fait que je courais derrière les gens pour faire sortir un disque. Mais la chance ou du moins la providence en a décidé autrement, si bien que j’étais des premiers qui ont sorti de cassettes et qui ont connu l’expérience de cassette.

Beaucoup de gens faisaient à l’époque du Zinli. Mais vous avez réussi à supplanter tous ceux-là en vous imposant au public. Quel est votre secret ?

La question que tu poses est vaste et a également besoin d’une réponse vaste. Quand il s’agit d’un secret, on ne le dévoile plus. Tu parles de secret, ça c’est détenu par Dieu lui-même qui m’a envoyé sur terre, qui m’a envoyé en mission. Je ne peux pas dire maintenant que c’est parce que j’ai tel gris-gris ou bien c’est parce que je vais à telle messe, je suis adepte de telle confession religieuse que j’ai pu réussir.

 C’est l’œuvre de Dieu. Dis-toi quelque chose : ce qui fait vivre, ce qui pérennise un rythme, ce sont les chansons, la capacité de l’artiste à composer beaucoup de chansons. S’il n’a plus de nouvelles chansons, le rythme meurt. Donc je ne sais plus comment je procède et je suis vite inspiré. J’ai un palmarès éloquent. Je suis inspiré de façon dense. Je pense donc que c’est ce qui justifie le fait que les membres de mon groupe croient en moi et sont toujours avec moi. J’avoue qu’il y a des démissions. Mais il y a des entrées aussi. C’est toujours comme ça. De toute façon, si vous êtes pauvre en idée, naturellement, votre groupe s’effrite.

Les membres du groupe vous laissent. Mais quand vous êtes abondant, quand vous êtes riche en inspiration, des gens sont là toujours pour vous soutenir. C’est un peu comme on le dit dans ma langue : « quand un crapaud entonne une chanson, les autres sont là pour reprendre en chœur ». Moi je ne peux pas te dire maintenant que c’est parce que je m’adosse à telle chose que j’arrive à tenir comme ça. C’est l’œuvre de Dieu.

D’aucuns racontent qu’être artiste, c’est s’attirer du mauvais sort, s’attirer toute sorte de gris-gris. Avez-vous vécu cette réalité ?

Monsieur le journaliste, ne me contrains pas à parler. Je ne m’explique même pas pourquoi, si bien que j’en arrive même à regretter d’être artiste, auteur compositeur, chanteur. Pourquoi ? Ce n’est pas qu’il y a de l’argent. Est-ce que tu as jamais vu l’exemple d’un chanteur riche, nanti de pied rose sur de l’or comme on le dit?

Au point de vue financier, nous ne sommes pas riches. Nous n’avons que la chanson comme richesse, si Dieu t’en donne. Mais je ne sais pas pourquoi les gens haïssent tout le temps les gens et notre haine c’est en notre sein. Comme tu viens de le dire, ce sont les autres qui ne sont pas aussi capables que vous qui vous haïssent. Ceux qui souhaitent vous égaler pour mieux vous dépasser et qui n’y arrivent pas, ce sont eux qui sont contre vous. Ils sont prompts à raconter des histoires sur vous, comme tu viens de le dire aussi, recourir à des représailles contre vous. Mais ça m’est égal.

On dit que quand tu surveilles le gaucher, il ne peut pas manger la pâte plus que toi. On aboie comme les chiens. Donc si tu te prends au sérieux et si tu t’aguerris également, je crois que tu vas franchir les étapes. Je crois que ce n’est pas pour rien qu’on m’appelle aujourd’hui le roi du Zinli rénové. Je ne me suis pas autoproclamé roi. Si les gens me collent tous les beaux qualificatifs aujourd’hui, c’est parce que j’ai bravé des situations. Il y a des aigris qui sont contre toi et ils usent de tous les moyens pour te nuire. Ce n’est pas pour rien que sur tous les albums que j’ai sortis, tu dois entendre des chansons du genre, qui moralisent les envieux, les aigris, les personnes de mauvaise foi qui sont jaloux de la réussite des autres.

Il n’y a pas longtemps, vous avez chanté les panégyriques des fétiches en faisant même des danses de couvent au lieu du Zinli. Est-ce que c’est ça votre force ?

Quelle force ? Moi je ne dis rien sans m’adosser à l’Etre suprême qui m’aide à réussir dans la chanson. Je t’ai dit tantôt que je ne peux pas te dire que c’est à tel gris-gris que je me fie. Quand j’ai prononcé les panégyriques, ça ne veut pas dire que ce sont des incantations pour dire que je suis plus fort. Ce sont des noms forts. Ce sont des fétiches que j’ai loués, c’est tout. Je ne sais pas si je suis en train de répondre à ta question. Mais je ne peux pas te dire que c’est à telle chose que je m’adosse. Je m’adosse au créateur pour réussir.

Alèkpéhanhou, après tout a aussi une vie de famille. Quelle perception avez-vous de la famille ?

Ma progéniture est ce qui me tient le plus à cœur. Parce que je suis comme on le dit dans ma langue, « enfant unique ». J’avais des frères et des sœurs mais aujourd’hui je suis le seul survivant, l’enfant unique. Je ne souhaite même pas te raconter mon histoire dans ce sens là. Mon frère, retiens simplement que je considère que les enfants que j’ai mis au monde constituent pour moi aujourd’hui mes petits frères et mes petites sœurs.

 Et leur réussite me tient franchement à cœur. Si bien que me voici chanteur, je ne conseille à aucun enfant de m’emboiter nécessairement le pas. Si Dieu lui en donne les capacités, tant mieux. Mais aller à l’école, devenir quelque chose comme on le dit littéralement, c’est ce qui me préoccupe si bien que j’investis surtout dans mes enfants.

On dit qu’en pays fon, on ne dit pas le nombre d’enfants qu’on a. est-ce qu’on peut bousculer un peu cette tradition ?

Tu le sais bien et tu me le demandes malgré tout. J’en ai une quinzaine déjà. Ces choses-là, quand les gens font leur choix, tant mieux. Mais je considère toujours ces choses comme dons de Dieu. Qu’est-ce que je veux dire par là ? On peut trouver que j’exagère, mais je ne le pense pas. Parce que les gens ont de l’argent, des moyens pour pouvoir quand même subvenir aux besoins d’une famille nombreuse mais cherchent et n’en trouvent pas. Je veux dire qu’ils n’ont pas d’enfants.

Dis-toi, malgré les précautions que nous prenons, si Dieu nous en donne, qu’allons-nous faire ? J’en ai eu comme ça. Sans me rendre compte, ils sont déjà une quinzaine. Dieu m’aide quand même à bien les élever. Puisque tous mes enfants d’ailleurs sont dans des écoles privées. On parle de gratuité de l’enseignement au cours primaire, mais moi je n’en n’ai jamais bénéficié par exemple.

On constate que les femmes aiment ceux qui réussissent dans la vie, surtout les artistes. Comment arrivez-vous à gérer cette situation ?

Mon cher journaliste, je crois que nous sommes assez responsables pour savoir faire nos choix. De prédilection, ce que nous faisons, c’est de la beauté. L’art, c’est de la beauté. Ça doit forcément attirer des gens en l’occurrence les femmes. L’artiste doit tout faire pour garder une certaine amabilité entre lui et les humains, ses admirateurs. Mais à toi de savoir te gérer pour ne pas tomber dans l’autre extrême qui peut être décourageant par la suite. Pour ce qui me concerne, je crois que je me contiens bien. Et je sais faire le tri comme on le dit.

Donc on peut dire qu’Alèkpéhanhou a eu ses femmes parce qu’il les a toutes voulues ?

Ecoute, personne n’a eu quelque chose contre sa volonté.

On peut avoir cela par piège ?

Non, pas du tout. Moi je ne crois pas. Je n’y crois pas parce que personne ne t’a conduit à aller coucher avec une femme qui n’est pas une femme de ton choix. Moi je ne suis jamais tombé encore dans le piège d’une femme.

Vous en avez combien aujourd’hui ?

Il faut m’épargner cette question puisque je ne suis pas encore au soir de ma vie. Je ne peux pas dire que j’ai fini d’en prendre. Je t’ai parlé du nombre d’enfants maintenant.

Etes-vous un polygame heureux ?

Qu’est-ce que vous appelez polygame heureux ou monogame malheureux. Moi je ne vais pas vous mentir. Ça dépend de la gestion de chacun. Il y a des monogames qui sont malheureux au foyer. Lorsque vous ne pouvez pas être maître d’une situation, ne vous créez pas cette situation. Moi je suis polygame et si jamais tu as la chance de venir chez moi au moment d’un repas, si mes épouses sont là, tu les vois manger dans le même plat. Ce n’est pas une contrainte. Ce sont elles-mêmes qui se sont convaincues qu’il n’y a rien dans les querelles inutiles.

 Depuis que toi Gbaguidi, tu me fréquentes, est-ce que tu as jamais arbitré une dispute dans ma cour. Donc comprends que c’est comme ça pour ma vie d’artiste. Dieu m’en a donné un certain nombre. Je sais me gérer et gérer ma situation. Depuis mon village jusqu’en ville ici, aucun voisin ne peut témoigner que mes épouses se sont toujours querellées et que ce sont eux qui viennent arbitrer. Aucun voisin ne peut témoigner de cela.

Entretien réalisé par

Donation GBAGUIDI

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