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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Le tabou des subventions


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Le gouvernement a ouvert la boite de Pandore : les subventions aux cotonculteurs. Engagé depuis 2006 dans une croisade visant à faire doubler la production du coton, le Chef de l’Etat croyait fermement que les milliards déversés sur l’agriculture pouvaient enfin empêcher les mauvaises récoltes. Il pronostiquait sur 600 000 tonnes, au point de limoger le ministre Gaston Dossouhoui qui semblait à son avis faire obstacle à cet objectif pour le moins utopique.

 Au finish, rien, ou presque. Le Bénin n’a plus jamais renoué avec des résultats de 400 000 tonnes encore moins des 600 000 tonnes espérés. En 2010-2011, avec la montée en flèche des cours internationaux du coton qui ont atteint des records historiques, le Bénin pouvait à peine se prévaloir de 150 000 tonnes. Malgré les dizaines de milliards décaissées.

Dans la réalité, les subventions enrichissent-ils les vrais producteurs ? Autrement dit, les cotonculteurs de Banikoara, Gogounou ou Pèrèrè perçoivent-ils les fonds qu’on leur alloue aussi généreusement ? La réponse évidemment est non. Ce qu’ils reçoivent, ce sont les intrants agricoles dont la mise en place est coûteuse. Engrais, insecticides et autres produits phytosanitaires essentiels à la réussite d’une campagne agricole sont mis à leur disposition.

Pour la campagne écoulée, un engrais comme le Tihan a été gratuitement cédé aux producteurs, l’objectif étant de faciliter par ce biais l’augmentation des emblavures et donc celle de la production. Au finish, le Bénin se retrouve avec une production estimée à 174 000 tonnes, c’est-à-dire largement moins que les 209 000 tonnes envisagées comme la pire des hypothèses. En attendant le rapport de la commission d’enquête que le gouvernement entend mettre en place pour en savoir plus sur les chiffres réels de cette campagne, il y a lieu de se rendre compte que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Et que, une fois de plus, le coton a déçu toutes les attentes. Il est question de savoir s’il faut continuer à y investir (à perte) les maigres deniers de l’Etat, au moment où d’autres produits attendent d’être soutenus avec un petit minimum qui ne vient jamais.

Certes, la question est hautement politique. La boucle du coton se trouve être en effet un important bastion électoral pour le Chef de l’Etat. Priver les cotonculteurs de cet appui revient à fragiliser son assise et, du coup, y laisser monter d’autres leaders politiques plus futés. Le calcul, finement tressé, consiste à continuer de financer à perte les producteurs qui, à leur tour, voteront pour Yayi et ses partisans. C’est une question taboue dont personne ne peut contester la complexité. Au demeurant, au moment où des dizaines de milliards sont chaque année décaissées pour le compte des cotonculteurs, on voit bien que ceux-ci n’en sont pas plus heureux.

Et que la production ne décolle pas non plus, malgré les mille tournées des ministres de l’agriculture qui parcourent monts et vallées en vue d’encourager les producteurs et d’être au contact de leurs difficultés. A dire vrai, les subventions jouent un rôle social de premier ordre. Elles permettent de soutenir une couche vulnérable de la population, même si en retour celle-ci exprime sa gratitude à travers le bulletin de vote.

Dans aucun pays au monde, les subventions ne constituent donc une question purement économique. Une récente étude du cabinet d’experts agricoles DTB, intitulée Domestic support and WTO obligations in key developing countries, montre que même les pays émergents (Inde, Brésil, Chine mais aussi la Turquie et la Thaïlande), autrefois opposés aux subventions des pays riches à leurs agriculteurs, se retrouvent dans le peloton de tête des Etats qui s’y adonnent le plus aujourd’hui.

Ils sont parvenus à des niveaux de soutien actuellement comparables à ceux précédemment observés dans l’Union européenne (UE) et les États-Unis. En clair, aucun Etat ne peut s’en passer, s’il ne veut voir mourir son agriculture. La sensibilité politique du sujet se retrouve d’ailleurs dans tous les pays, y compris aux Etats-Unis, où elle charrie des considérations électorales.

Mais il existe chez nous une autre voie, celle de la subvention multiple. Subventionner le seul coton n’est plus aujourd’hui la solution. Le palmier à huile par exemple mérite la même attention, comme d’ailleurs le karité ou l’anacarde. C’est une question de justice politique et de clairvoyance économique.

Olivier ALLOCHEME

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